Apéro de campagne LR : “personne dit que les services municipaux marchent bien”

Reportage
le 11 Mar 2020
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Les "apéros à domicile" sont une des armes de conviction massive pour la droite en campagne. Nous avons suivi Yves Moraine dans cet exercice obligé dans les beaux quartiers. Le candidat maire de secteur n'a pas été épargné par des électeurs de droite critiques de la municipalité.

Sophie Dazéas, Yves Moraine, Catherine Pila et Carine Caule, candidats sur la liste de Martine Vassal dans le 6/8 le 9 mars lors d
Sophie Dazéas, Yves Moraine, Catherine Pila et Carine Caule, candidats sur la liste de Martine Vassal dans le 6/8 le 9 mars lors d'un apéro à domicile à la Pointe-rouge.

Sophie Dazéas, Yves Moraine, Catherine Pila et Carine Caule, candidats sur la liste de Martine Vassal dans le 6/8 le 9 mars lors d'un apéro à domicile à la Pointe-rouge.

­ On se check, on joue du coude et, si on est trompe-la-mort, on se claque la bise. Tout ressemble à un sympathique apéro entre habitants de la Pointe-Rouge. Mais l’invitation lancée par Sophie Dazéas n’est pas une simple fête des voisins dans une imposante demeure centenaire. La néo-candidate a invité le deuxième de la liste sur laquelle elle se présente à présenter son programme pour la ville et les 6e et 8e arrondissements. Comme deux fois par soir dans cette campagne, Yves Moraine, maire sortant du secteur, vient faire l’article pour Martine Vassal et ses colistiers lors d’un “apéritif à domicile”.

Les invités se présentent tour à tour. Tous ou presque sont dans la vie active et décrivent un panel socialement homogène. Les hommes déroulent leurs professions : promoteur immobilier, cadre de l’aéronautique, architecte, cadre dans la banque, ingénieur… Les femmes insistent davantage sur leur vie familiale et leur “rôle de maman”. Rien dans cette assemblée n’est de nature à rendre Yves Moraine méfiant. Marsactu est même autorisée à rendre compte de la soirée.

La nouvelle et le “bon maire”

Face aux convives, il déroule avec l’habileté de l’avocat les différents thèmes de la campagne et vante une candidate “volontaire et autoritaire” qui a accueilli “70 % de nouveaux” sur les listes. L’hôte du soir incarne ce renouvellement. Engagée dans une association de parents et organisatrice de “lotos pour les orphelins des marins-pompiers”, elle a poussé la porte de la politique via l’UDI il y a quelques mois, parce qu’elle “connaissait Anne-Claudius Petit”, la cheffe de file du parti de centre-droit. “Il y a eu des négociations dont on ne savait pas grand chose. Un candidat a été choisi qui ne me convenait pas [Yvon Berland, ndlr]. D’autres militants étaient comme moi : une personne a rejoint les listes écolos, un ami est parti chez Bruno Gilles et moi, je me suis engagé avec Yves Moraine que je connaissais et qui est un bon maire”, raconte-t-elle. Elle est désormais 25e sur la liste, “un peu plus haut que ce qu’on pensait au départ” et pourrait en cas de victoire intégrer le conseil d’arrondissements.

D’une voix rauque et fébrile typique des fins de campagne en accéléré, Yves Moraine fait face à une quinzaine de personnes. Affluence limitée pour ce genre d’exercice. Il développe sur la sécurité et “le triplement de la police municipale”, “l’extension du parc Borély qui inclura un city golf de neuf trous” mais insiste aussi sur la nécessité de “ne pas détourner les yeux” face à la pauvreté. Il parle davantage projet que bilan car, croit-il, “ce n’est pas là-dessus que les gens se déterminent”. Mais il n’oublie pas quelques réalisations symboliques de son propre mandat : “les deux premières plages non fumeurs de la ville” et “le doublement de la route des Goudes”.

“L’interdiction de fumer, c’était pour les narguilés”

Les deux sujets portent dans le quartier, nous explique en aparté Didier Dazéas, beau-père de l’hôte du soir. Lui est un retraité de la direction des finances publiques très actif. Il fait partie des laïcs qui aident à la bonne marche de Notre-Dame de la Garde et s’implique aussi dans le CIQ local. “Il ne veut pas le dire mais il faut être clair. L’interdiction de fumer, c’était pour éviter les narguilés. Les gamins se brûlaient les pieds avec les charbons qu’ils laissaient là. Les gens des quartiers Nord prenaient le contrôle de la plage, cette mesure a un peu amélioré les choses mais le problème s’est déplacé sur d’autres plages plus au Sud”, expose-t-il, évoquant “les périodes de tranquillité, pendant les ramadans et quand ils retournent au bled”. Quant à l’accès routier, il valide le choix d’ouvrir de nouvelles voies “en sortie du quartier” : “si je ne pars pas avant 7 heures du matin, je mets 45 minutes à aller à Notre-Dame de la Garde”. Yves Moraine sait cette question définitivement sensible : “J’ai dit à Martine Vassal : attention, il y a une grande attente sur la réalisation du boulevard urbain Sud”, argumente le maire de secteur.

Didier Dazéas ne s’en cache pas : il votera pour Yves Moraine et Martine Vassal dimanche. Mais d’autres sont beaucoup plus critiques et l’élu va affronter pendant plus d’une heure leurs questions salées. Dans un quartier où les intéressés s’estiment pourtant bien lotis, l’école revient comme une question majeure : “Aujourd’hui, garder ses enfants à l’école publique, c’est un combat”, assure un père de famille citant notamment les grèves à répétition. En face, Yves Moraine tente une pirouette : “Je partage votre point de vue, j’ai fait le choix du privé pour mes enfants”. Mais cette réponse ne suffit pas. “Je ne contrôle pas la CGT”, reprend-il. Du tac au tac, Hubert Jaillet, un cadre chez Airbus helicopters, le relance : “L’impression au global c’est qu’il y a un fonctionnement pas trop maîtrisé. J’entends jamais personne dire que les services municipaux marchent super bien.”

“On ne peut pas se cacher”

Un autre renchérit : “On ne peut pas se cacher derrière ça !” Pour ces cadres habitués à se déplacer d’une ville à l’autre, les passages dans d’autres métropoles sont autant d’occasions de comparaisons, pas toujours flatteuses. Le spécialiste de la promotion immobilière vante le volontarisme de la société d’aménagement de Montpellier. Une psychologue prend exemple sur Lyon et ses “activités en format centre de loisirs lors de la pause méridienne. Pourquoi ne pas faire des ateliers d’échecs ou de danse ?”. Elle plaide plus globalement pour un meilleur taux d’encadrement des minots.

Yves Moraine évoque les contraintes d’une ville très étendue et peuplée mais concède quelques points : “Je ne vais pas prétendre que tout est parfait. Mais on a un autre problème dans les écoles et les crèches, c’est l’inaptitude. Le nombre de personnes que nous sommes obligés d’affecter dans d’autres services s’élève à 200 par an.” Au bout de l’échange, Hubert Jaillet n’est toujours pas convaincu : “Je suis manager, je gère 40 personnes en France et 20 en Allemagne. Il faut aussi savoir motiver les salariés, les intéresser et je ne suis pas sûr que ce soit fait.”

“Sécuriser ou faire basculer deux ou trois voix”

Les sujets changent, les débits de voix s’accélèrent et l’élu encaisse encore. “J’habite rue Édouard-Herriot, qui n’est pas la plus défavorisée de Marseille. C’est dégueulasse et on est au cœur du carré d’or”, estime l’architecte, jusqu’ici mutique. Yves Moraine avance “des progrès ces dernières années” se souvenant d’une “campagne 2008 où on ne parlait que de ça, où notre adversaire promettait Marseille propre en six mois et où je devais ramer tous les soirs”.

Une dernière question sur “la voirie très dégradée” qu’il attribuera aux “sociétés concessionnaires” et Yves Moraine peut passer à l’apéro, sans alcool. “C‘est pas tous les jours que je me fais challenger comme ça”. À ses yeux, l’exercice permet chaque soir de “sécuriser ou de faire basculer deux à trois voix”. À la fin de campagne, jure une collaboratrice, il aura ainsi vu “plus de 2000 personnes” dans ce genre d’échanges privilégié. Mais ce soir à la Pointe-Rouge, certains hésitent encore. Hubert Jaillet, “culturellement et familialement de droite” fait partie de ceux-là. “J’ai aimé qu’il parle de rupture et de renouvellement, ça c’est important. Mais j’hésite encore, j’ai regardé un peu partout : le Printemps marseillais et les autres candidats mais sont-ils vraiment prêts ? Il faut éviter qu’il y ait un cataclysme”, commente-t-il. Chez lui résonnent encore les paroles d’Yves Moraine sur “la gauche radicale” que serait le Printemps marseillais comme sur le “vote utile” que représenterait Martine Vassal par rapport à Yvon Berland ou Bruno Gilles.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Les jambons étaient de sortie avec MORAINE
    La question est simple, vont-ils voter pour l’intelligence avec Berland ou bien pour la magouille avec Vassal ?.
    Vu le nombre d’architectes et de promoteurs immobiliers dans le Carré d’or, qui n’en n’est pas un d’ailleurs, je crois que la magouillocratie marseillaise va faire son choix. C’est que de jolis projets écologiques sont en projet avec Luminy/calanques, Bonneveine usine Legre, LeCorbusier avec le petit parc derrière. Et puis c’est pratique l’avocat de ce beau monde était présent, c’était plus facile

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  2. Jean Peuplus Jean Peuplus

    Non Braillasse plutôt les petits chocolats dont M Moraine est un ardent promoteur en toutes circonstances.
    S’agissant de l’attente des habitants au boulevard urbain sud, il aurait pu venir la vérifier lors de la manifestation d’opposition organisée dimanche dernier.

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  3. Alceste. Alceste.

    Sûrement que les habitants touchés par le boulevard urbain sud sont mécontents, mais cette équipe ne fait que ce qu’elle veut et uniquement dans son propre intérêt, et je confirme il y a sûrement de l’immobilier derrière, en plus

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  4. pierre-yves pierre-yves

    Il y a toujours eu un scepticisme dans les quartiers sud vis à vis des politiciens à l’œuvre à la ville de Marseille.
    La question est à quel moment, au vu des actions et des erreurs commises il y a basculement du paradigme de vision vers l’opposition. La stratégie de satanisation du printemps marseillais bien que caricaturale et grossière est faites pour éviter cette bascule.

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  5. toto toto

    “Dans un quartier où les intéressés s’estiment pourtant bien lotis, l’école revient comme une question majeure : « Aujourd’hui, garder ses enfants à l’école publique, c’est un combat », assure un père de famille citant notamment les grèves à répétition. En face, Yves Moraine tente une pirouette : « Je partage votre point de vue, j’ai fait le choix du privé pour mes enfants ».”

    On comprend mieux les largesses de la municipalité pour l’école privée. En face, une ATSEM pour 50 enfants au mieux sur les temps de cantine…

    Très instructif:
    https://ecoles-marseille.fr/etude-comparative-des-programmes-des-7-candidats/

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    • julijo julijo

      moraine n’est pas le seul à faire une “pirouette”…. de nombreux élus de l’équipe nulle de gaudin déclaraient et déclarent…”moi, vous le savez, je préfère le privé…” et ça dans les assemblées de ciq, dans des réunions de quartier…partout
      c’est insensé de la part d’élus de la république.
      c’est comme ça sur marseille malheureusement -espérons que ça change- cependant n’imaginez pas que le privé soit si génial que ça. les difficultés de personnels, de garderie, d’études, de qualité de profs……ils ont vraiment leur compte. quelque part, c’est moins génant, les grèves…que des enseignants qui n’en sont pas.

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  6. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    “Mais on a un autre problème dans les écoles et les crèches, c’est l’inaptitude. Le nombre de personnes que nous sommes obligés d’affecter dans d’autres services s’élève à 200 par an” !!
    Et bien on se demande qui est-ce qui a recruté tous ces “inaptes” depuis 25 ans et comment ils sont encadrés hiérarchiquement et syndicalement…

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    • toto toto

      On peut aussi être inapte à cause de l’usure…
      S’occuper seule de 50 minots de 3 à 5 ans, servir le dos plié en deux sur 3 services des repas sur des tables à hauteur d’enfants et faire le ménage avant d’aller en classe et après… Passé un certain âge, c’est compliqué.
      Ce sont les conditions de travail des agents ainsi que l’allongement de la durée de cotisation qui usent les corps.
      Macron et Gaudin, même combat.

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    • Simon BECHELEN Simon BECHELEN

      JuH, vous ne voulez pas arrêter de chercher des noises à ce monsieur? Marseille s’effondre et est géré de la façon la plus médiocre. M. Weygand ne fait que le constater et ne parle que du local (puisque nous sommes sur un journal d’investigation local).

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  7. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Quelle surprise de reconnaitre mon voisin en la personne du beau-père de l’hôte en 25e position sur la liste de monsieur Moraine ! Je m’étonne de ses propos, ne l’ayant jamais croisé une seule fois en quinze ans sur aucune des plages du quartier de la grotte Rolland que je fréquente pourtant régulièrement dès les beaux jours… Je n’ai jamais constaté non plus aucune invasion massive de chichas en provenance des quartiers Nord de la ville, dont les habitants ont bien le droit de poser leur serviette de bain sur les plages, fussent-elles au Sud : celles-ci demeurent jusqu’à nouvel ordre, et c’est heureux, des lieux publics ! Il me semble qu’en matière de nuisances directes, la pollution des sites de Legré-Mente, L’Escalette ou Saména, qui exposent les riverains à des risques majeurs pour leur santé depuis des décennies, ne relève pas, elle, du pur fantasme, non plus que les projets de lotissement massif de cette zone polluée et déjà très engorgée en matière de circulation… S’opposer au permis de construire autrement que du bout des lèvres quinze jours avant les élections eût été autrement plus urgent et responsable de la part de nos élus en poste depuis deux décennies… L’école privée et les promoteurs immobiliers, on voit bien où sont les affinités de monsieur Gaudin et de ses successeurs !

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