Habitat indigne : une plainte pour violences aggravées contre le candidat LR à Vitrolles

Info Marsactu
le 5 Mar 2020
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Propriétaire d'un immeuble frappé d'arrêté de péril, le candidat LR à Vitrolles, Christian Borelli fait l'objet d'une plainte d'un de ses locataires pour des violences volontaires aggravées. L'affaire part d'un différend sur fond de travaux d'urgence et d'évacuation sans ménagement des biens du locataire.

15 rue de la Loubière.
15 rue de la Loubière.

15 rue de la Loubière.

Le candidat LR à Vitrolles, Christian Borelli, est visé depuis fin décembre par une plainte pour violences volontaires aggravées “compte tenu de la vulnérabilité de la victime”, vol et dégradations de biens d’autrui. L’avocat Brice Grazzini l’a déposée auprès du parquet au nom de Jean-Pierre Derieux, locataire au 15 rue de la Loubière. Ce petit immeuble d’angle du 6e arrondissement, dont l’élu et candidat vitrollais est le propriétaire unique, est frappé d’arrêté de péril depuis le 19 juillet 2019.

Jean-Pierre Derieux reproche à son propriétaire de l’avoir frappé et menacé, le 18 septembre, alors qu’ils procédaient au déménagement de ses affaires et à leur stockage dans un box, afin de faciliter les travaux nécessaires à la sortie du péril grave et imminent qui touchait cet immeuble. “Nous avons procédé au déménagement d’une partie de mes affaires, le matin, raconte le locataire. Monsieur Borelli était là en compagnie de son fils et de ses ouvriers. Ils sont ensuite allés déjeuner. Quand ils sont revenus, le ton a changé. Peut-être avaient-ils bu. Je ne sais pas. En tout cas, ils s’en sont pris violemment à moi. D’abord son fils puis monsieur Borelli lui-même qui s’est mis à me hurler dessus et à me violenter”.

Ces faits auraient pu rester dans l’opacité de la relation contradictoire entre bailleur et locataire si Jean-Pierre Derieux n’avait pas eu la présence d’esprit d’enclencher l’enregistreur audio de son téléphone pour témoigner des violences, injures et menaces de mort dont il dit avoir été l’objet. Dans la plainte que nous avons pu consulter, les extraits de l’enregistrement sont ainsi retranscrits :

A 00:26 : « Je mets tout à la décharge, ça suffit maintenant » – A 00 :34 : « Ça suffit de me faire chier. Tu vas t’arrêter maintenant de me casser les couilles. Ou tu le prends ça ou je le mets à la décharge » – A 00 :45 « Bon maintenant on charge on met tout sur le camion. Je jette tout il va se faire enculer ». – A 01 :00 : « Tu vois pas t’es blanc tu vas caner, putain tu casses les couilles demain t’es mort » – De 02 :05 à 02 :15 : on peut entendre que M. BORELLI saisit M. DERIEUX en lui hurlant « tu vas t’arrêter, tu vas t’arrêter » – De 2 :36 à 03 :30 : on peut entendre que M. DERIEUX se fait plaquer au sol par M. BORELLI et son fils. M. DERIEUX hurle. M. BORELLI l’exhorte de lui remettre les clés. – A 03 :40 : « tu sors pas de là ».

L’enregistrement que nous avons pu écouter est fidèle à cette retranscription. Juste après ces faits, Jean-Pierre Derieux s’est rendu auprès de son médecin dont le certificat fait état de multiples hématomes sur les bras et le thorax et d’un “état d’anxiété majeure”. Il a ensuite déposé plainte au commissariat des Chartreux le 20 septembre avant d’être examiné par un médecin légiste.

Joint par Marsactu, Christian Borelli se dit tout à fait “serein”. “Je n’ai jamais menacé cette personne. Il n’y a eu ni menace, ni agression. Nous l’avons même aidé à déménager alors qu’il n’avait de cesse de pénétrer dans l’immeuble pendant les travaux, ce qui était formellement interdit par l’arrêté municipal.”

“La justice tranchera”

Concernant le différend dont l’enregistrement donne un aperçu, Christian Borelli évoque un “accrochage” dont il n’a pas un souvenir précis. “Tout se passait bien ce jour-là. Il nous a même payé un coup près du box où ses affaires étaient stockées. Il était un peu éméché”. Quand on évoque l’enregistrement explicite réalisé par son locataire, il balaie la menace : “Qu’il produise son enregistrement. La justice tranchera. Encore une fois, je suis tout à fait serein. J’ai la loi avec moi, il n’avait pas à entrer dans cet immeuble pendant les travaux“.

Jean-Pierre Derieux ne nie pas s’être rendu au 15 rue de la Loubière alors qu’il était hébergé par la Ville dans un hôtel. “J’étais inquiet pour mes affaires. À plusieurs reprises, j’ai retrouvé des effets personnels dans les containers à poubelles. J’ai toute ma vie là-dedans”. De son côté, Christian Borelli produit des courriers pour faire état des grandes difficultés pour contacter son locataire, y compris pour lui faire des offres de relogement ou récupérer les clefs lui permettant d’accéder aux caves.

“La pièce principale me sert de bureau, explique Jean-Pierre Derieux. J’y stocke toutes mes archives, notamment celles qui concerne mes inventions mais aussi mes papiers personnels, essentiels pour constituer mon dossier de retraite”. Dans le courant du mois de juillet, Jean-Pierre Derieux échange avec son propriétaire pour permettre à celui-ci d’accéder à la cave par son appartement. Il ne nie pas non plus le caractère très encombré des lieux.

Bricoleur à la Tournesol

Inventeur à ses heures, ce bricoleur à la Tournesol a atterri là au détour d’un accident de vie. Il habite depuis plus de 15 ans un curieux local de 25 mètres carrés au rez-de-chaussée dont les différentes pièces se distribuent de part et d’autres de la cage d’escalier. Se retrouvant sans hébergement du fait d’un déménagement avorté à Lyon où il a gardé des attaches, il finit par signer un bail en 2004 avec l’ancienne propriétaire de l’immeuble. Celui-ci concerne la pièce de rez-de-chaussée, dont une fenêtre donne en façade et une seconde chambre qui donne sur une petit cour intérieure où a été aménagé un réduit qui lui sert de sanitaire et un local à vélo accessible de l’extérieur.

En rachetant cet immeuble en 2006, Christian Borelli a également récupéré ce locataire sans avoir copie du bail. C’est sur cette base qu’il conteste l’usage qui est fait d’une des pièces occupées par le locataire. Elle est d’ailleurs visée dans l’arrêté de péril : “Le surencombrement de l’appartement par des meubles et cartons n’a pas permis d’en vérifier ni de constater l’état structurel”.

Constat d’huissier

“J’ai fait constater par huissier cette situation d’encombrement. Nous avons nous-mêmes évacué ce local à nos frais, reprend le propriétaire. En appui de ses dires, Christian Borelli fournit un constat d’huissier assorti de photos qui font clairement état d’un encombrement des locaux occupés par le locataire par des “biens sans aucune valeur marchande”. Une qualification que réfute le locataire qui cite en exemple “une collection de briquets en or” dont il dit ne plus avoir de nouvelles.

En circonstance aggravante, Christian Borelli pointe les impayés de loyer de Jean-Pierre Derieux “alors que les APL paient 264 euros sur 280 euros de loyer”. Une situation que Jean-Pierre Derieux ne nie pas mais qu’il attribue à un différend sur le paiement des frais administratifs et des charges avec l’agence de gestion locative, Citya. Gestionnaire de l”immeuble pour l’agence, Séverine Petit fait état d’une dette locative de plus de 12 000 euros, principalement liée à l’arrêt des versements de la CAF, le locataire ne réglant pas sa part. “Nous avons eu plusieurs réunions avec une conciliatrice de justice. Ni elle, ni moi, ne sommes parvenus à faire comprendre qu’il devait payer 294 euros [et non 280, ndlr] dont 264 sont payés par la caisse d’allocations familiales. Tant qu’il ne signe pas le protocole d’accord, la CAF ne versera pas les sommes dues. Monsieur Borelli effacera alors le reliquat de la dette”. Elle se dit prête à faire signer un nouveau bail au locataire.

“Instabilité et risque d’effondrement”

Nous avons réalisé les travaux demandés par la Ville. L’arrêté de péril est levé et les locataires peuvent réintégrer sans problème.

Christian Borelli

“Nous avons réalisé les travaux demandés par la Ville. L’arrêté de péril est levé et les locataires peuvent réintégrer sans problème. S’il ne le fait pas je mettrai fin au bail et j’arrêterai de payer le loyer du box”, atteste surtout Christian Borelli. L’arrêté de péril fait bien l’objet d’une main-levée en date du 17 janvier permettant une réintégration des trois locataires. Sur la façade, les lézardes purgées témoignent des travaux de mise en sécurité. La description des motifs initiaux du péril fait tout de même froid dans le dos : il fait état de “fissurations verticales sur la façade”. Elles sont le symptômes de désordres structurels dans la cave dont le plancher “présente une instabilité et un risque d’effondrement”. L’ensemble des poutres est attaqué par des insectes xylophages “jusqu’au cœur du bois”. L’une d’elles, “fortement endommagée” est soutenue par un étai.

Cette visite des services de la Ville fait suite à un signalement de la fondation Abbé-Pierre qui connaît bien cet immeuble. En effet, l’avocate Chantal Bourglan avait transmis le signalement d’une des locataires pour une suspicion d’indécence. Le diagnostic technique réalisé par l’Ampil pour le compte de la fondation est sans appel : “moisissures, vétusté, absence de ventilation et d’isolation”. Il s’agit bien d’un “logement indécent avec suspicion de péril”.

Le signalement du péril a été fait en février 2019, explique Florent Houdemon, le directeur de la fondation Abbé Pierre. Je m’interroge d’ailleurs sur le délai entre notre signalement et l’intervention de la Ville“. Entre temps, le propriétaire indélicat s’est acquitté dans un délai rapide des travaux préconisés par le diagnostic de l’Ampil, au domicile de la locataire du premier pour mettre fin à la situation d’indécence. Mais ce n’est qu’après la prise de l’arrêté “grave et imminent” que Christian Borelli s’est soucié du problème structurel. C’est à ce moment là que l’affaire a pris un tour violent. Logé à titre provisoire par la Soliha, Jean-Pierre Derieux reste marqué par cette histoire dans un deux-pièces propre mais désespérément vide.

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Commentaires

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  1. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Grand Merci pour cet article, ces faits nauséabonds ne semblent pas intéresser le journal de Bernard dirigé par Pierre-Olivier.

    Signaler
    • Titi du 1-3 Titi du 1-3

      Lire Franz-Olivier.

      Signaler

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