Guérini veut faire du Sénat son affaire

Photo Esther Griffe

"Vous n'avez pas de chéquier sur vous ?", tente un journaliste taquin. "Regardez, regardez, lance Jean-Noël Guérini veston ouvert et poches saillantes. Oh, vous savez, ce sont des formes d'expression qui me font sourire. Certains pensent amuser la galerie en ayant ce genre d'expression." Pour la première fois depuis le début des affaires judiciaires pour lesquelles il est mis en examen, Jean-Noël Guérini est candidat sur son nom pour une campagne des sénatoriales forcément particulière.

À la tête d'une "liste de rassemblement", ni-droite ni-gauche, le président du conseil général est forcément questionné sur ses déboires. Mais lui jure que cela n'affecte pas sa campagne. "L'accueil des maires est merveilleux, jure-t-il. C'est que du bonheur de rencontrer les grands électeurs, personne ne me parle de mes poursuites judiciaires. Et quand je dis que c'est du bonheur, c'est que notre candidature a de bons échos." Même un premier procès autour du licenciement de Jean-David Ciot le 13 octobre – soit quinze jours seulement après le scrutin sénatorial – ne semble perturber ses colistiers. "Je fais quelquefois le tour des communes, répond Danièle Garcia, la maire d'Auriol qui figure en 4e position sur la liste. Personnellement, ça ne me dérange pas du tout. Je dis comme lui : que la justice fasse son travail !"

"L'inquiétante hésitation du pouvoir"

"Je le connais depuis 2001. Il a toujours tenu ses engagements avec toutes les communes, qu'elles soient de droite ou de gauche", poursuit l'élue. Le conseil général est en effet le plus gros pourvoyeur d'aides pour nombre de villes et villages. "D'après les échos que nous avons, des maires de droite ou sans étiquette plus exactement nous disent : il nous a aidés, on va l'aider, confie-t-on dans l'entourage de Jean-Claude Gaudin, lui aussi candidat à la chambre haute. On le remercie aussi pour qu'il continue d'aider tout le temps durant lequel il sera le président du département."

Ce n'est pas le seul domaine où Jean-Noël Guérini chasse sur les terres de la droite. Avec un président de la République à 13 % de cote de confiance, il n'allait tout de même pas se priver de jouer l'opposant au gouvernement. Bien sûr, il y a la métropole et "le désengagement de l'Etat qui se prolonge et l'organisation, sous couvert d'une mauvaise réforme territoriale, d'un transfert de charges qui aura des conséquences redoutables pour l'ensemble de nos concitoyens." Mais la critique va bien plus loin. L'ancien patron du PS 13 qui a depuis quelques mois quitté le parti pointe "l'inquiétante hésitation du pouvoir à mettre en oeuvre une véritable politique de réformes surtout sur le plan économique".

L'attaque en règle concerne aussi le PS local rendu responsable par son maintien au second tour des municipales dans les 13e et 14e arrondissements de la victoire du Front national. Il ménage en revanche la tête de liste Samia Ghali qu'il qualifiait il y a quelques mois encore d'"ami intime". Il se contente de la rabaisser, au rang de simple bébé Guérini de préférence : "Samia Ghali, je l'ai faite et j'en suis fier. Il y a six ans quand j'ai constitué ma liste [il était alors tête de liste PS, ndlr], Samia Ghali était numéro 4. C'était ma décision."

Absent au Sénat

Aujourd'hui, s'il nourrit le secret espoir de battre le PS, il ne dit rien sur ses intentions une fois réélu au palais du Luxembourg. Membre de la majorité ou de l'opposition ? Il refuse même de dévoiler s'il siègera auprès des sénateurs du parti radical de gauche, une organisation dont l'antenne locale menée par Lisette Narducci et Michel Dary lui a apporté un soutien. Ces réponses, il ne les apportera que "le lundi, au lendemain de l'élection".

À ses côtés, Guérini fédère d'autres déçus de la politique menée : le maire des Pennes-Mirabeau et conseiller général Michel Amiel, en pointe contre la réforme des rythmes scolaires et Yves Vidal, un (très) ancien premier secrétaire du parti socialiste aujourd'hui radical de gauche et maire de Grans ou le "toujours communiste" (mais non encarté PCF) Georges Jullien, maire de Noves. Deux adjointes aux maires à Saint-Paul-Lez-Durance et La Fare, présentées comme "encartées socialistes" figurent aussi sur la liste, ce qui devrait entraîner illico leur mise à l'écart du PS.

Ces colistiers ne peuvent songer à être élus à l'inverse de Mireille Jouve, deuxième sur la liste, qui espère accompagner son chef de file au Sénat et figurer parmi les huit élus des Bouches-du-Rhône. Pas sûr qu'elle y croiserait alors beaucoup son leader. Selon l'association Regards citoyens qui scrute à la loupe l'activité parlementaire, Jean-Noël Guérini a été totalement absent en séance ces douze derniers mois et s'est contenté de questions écrites. Une partie remise ?