Quand la réserve parlementaire sert de denier du culte

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le 11 Fév 2014
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Quand la réserve parlementaire sert de denier du culte
Quand la réserve parlementaire sert de denier du culte

Quand la réserve parlementaire sert de denier du culte

Le bâtiment est situé à l'entrée d'Aix-en-Provence. Il est connu comme une assemblée de Dieu, un centre évangélique protestant comme il en existe partout en France. Son signe particulier tient à la largesse du député du cru, Christian Kert. Au titre des subventions de sa réserve parlementaire, il a accordé 20 000 euros à cette église. Sur place, la femme du pasteur n'est "au courant de rien", pas même du statut de son église, régie par une association cultuelle, loi 1905, ou culturel régie par la loi 1901. Elle conseille d'attendre le retour de son mari.

A la permanence du député, on se souvient de la demande formulée en 2012. "Ils nous ont contactés pour financer des travaux. Il y avait des problèmes de murs lézardés et de réhabilitation du lieu, explique son assistante parlementaire. Ce dossier a été traité en 2012. Il a été examiné en 2012 en commission des finances puis imputé au budget 2013. Mais il s'agit forcément d'association loi 1901, ce sont les seules qui peuvent être financées par la réserve parlementaire". Les demandes validées par la commission sont ensuite ventilées dans chaque ministère en fonction du secteur où exerce l'association. Dans le cas présent, la ligne budgétaire sollicitée relevait du ministère de l'intérieur au titre de "la vie politique, cultuelle et associative". 

"Faire vivre les religions ensemble"

"Ce programme rassemble les actions cultuelles, le financement des partis, l'organisation des élections, la vie associative et la commission des comptes de campagne", explique une collaboratrice de l'assemblée nationale qui a géré de près le dossier de la réserve parlementaire et de la volonté de transparence initiée par l'actuelle majorité gouvernementale. Ce sont les services du ministère de l'Intérieur qui ont donc géré la demande de subvention. Mais on ne sait pas à quelle partie de ce programme, les subventions accordées ont été rattachées.

En tout cas, le député Christian Kert assume son geste et l'inscrit même dans le cadre général de la laïcité. "Pour moi, il s'agit de faire vivre les religions ensemble. Chaque année, je m'efforce d'aider une association à caractère confessionnel. J'ai pu subventionner des associations juives, protestantes, catholiques. En 2013, il s'agissait d'une église évangélique. Je me suis juste assuré qu'il ne s'agissait pas d'une secte. En 2014, ce sera très probablement la communauté orthodoxe d'Aix-en-Provence. Ils ont une petite chapelle en mauvaise état"

En revanche, le député n'a jamais accordé de subvention à une association relevant du culte musulman. "Mais cela peut arriver dans les années à venir".

Mais il n'est pas le seul dans ce cas là. En effet, sur l'ensemble des subventions accordées au titre de la réserve parlementaire par les députés des Bouches-du-Rhône, aucune ne concerne une association relevant du culte musulman. En revanche, on trouve chez les députés de droite de nombreuses subventions, souvent de faibles montants, accordées à des églises ou à des synagogues installées dans leur circonscription.

Les arbres de la synagogue

Ainsi le député Dominique Tian a accordé une subvention de fonctionnement de 3000 euros à la conférence Saint-Vincent-de Paul de la paroisse de Saint-Giniez. Comme l'antenne des très droitiers scouts d'Europe, elle fait partie de la multitude de structures que le député finance via sa réserve parlementaire. On ne sait si c'est en lien, mais le site internet de cette paroisse du sud de la ville présente de nombreuses photos d'élus de droite actuellement en campagne.

Un peu plus à l'est, son collègue Guy Teissier a directement financé la synagogue Tiferet Israël, sise à Sainte-Marguerite. "De mémoire, il s'agissait d'élaguer les arbres qui menaçaient la toiture de ce petit bâtiment, se souvient le suppléant du député Lionel Royer-Perreault. Les responsables de cette synagogue sont venus voir si on ne pouvait pas les aider au titre de la collectivité. Nous avons répondu que ce n'était pas possible. En revanche, nous avons pris en charge une partie du montant des travaux au titre de la réserve parlementaire après présentation d'un devis".

Du côté de la circonscription de Valérie Boyer, c'est directement un rabbin qui a bénéficié des mannes de la parlementaire. "Il s'agit d'une erreur d'écriture", affirme une collaboratrice de la députée. Souvent le document que l'on remet à l'assemblée mélange l'association et son président. Effectivement, le rabbin cité officie au sein de l'école Or Aviv, des Caillols, qui a déjà profité des largesses du conseil général comme la Chambre régionale des comptes l'avait souligné dans son rapport rendu public en octobre. 

Dans son usage de la réserve parlementaire, Valérie Boyer finance de nombreuses structures de son secteur sans privilégier le seul aspect religieux. Mais on trouve tout de même de nombreuses associations relevant de ce champ. Elle aide notamment plusieurs organismes de gestion de l'enseignement catholique dont ceux des célèbres écoles privées Lacordaire et Mélizan. "Ces subventions sont accordées par le ministère de l'éducation nationale, explique-t-on à sa permanence. Ce sont des écoles privées catholiques qui assument également les missions du service public de l'éducation". Valérie Boyer accorde également 3000 euros à l'association diocésaine de Marseille, une émanation directe de l'église catholique qui date justement de la loi de séparation de l'Église et de l'Etat

Grande loge franc-maçonne

Pour faire bonne mesure, on notera que la députée Boyer a également accordé 2000 euros en 2013 à la Grande Loge féminine Memphis Misraïm, une obédience franc-maçonne. "Mais il s'agissait de financer un projet de colloque sur le féminisme présenté dans le cadre de Marseille Provence 2013", précise une de ses collaboratrices. Au final, le seul financement direct à un édifice religieux effectué par la parlementaire concerne l'église de Saint-Julien dont 13 000 euros de sa réserve ont permis de mettre en sécurité et rénover sa façade, ainsi que de réaliser une rampe d'accès pour les handicapés. Mais, cette fois-ci, il ne s'agit pas d'une subvention directe à une association puisque c'est la Ville de Marseille qui a bénéficié de cet argent et fait réaliser les travaux.

Ce type de travaux peut effectivement être pris en charge par une collectivité si l'aménagement présente un intérêt public local, "lié notamment à l'importance de l'édifice pour le rayonnement culturel ou le développement culturel ou le développement touristique et économique", a indiqué le conseil d'État en 2011. Dans ces décisions récentes qui précisaient l'interprétation de la loi 1905, il a réitéré l'interdiction de financement d'association cultuelle. Mais dans le cas de la rénovation du temple évangélique d'Aix-en-Provence, où commence et s'arrête le cultuel?

A cette question, le responsable de la communication du Conseil national des évangéliques de France, Thierry Le Gall, a une réponse très claire : "Cela peut se jouer à une cloison. Vous savez j'ai été pasteur pendant dix ans. Dans mon temple, certaines pièces relevaient du cultuel et d'autres du culturel ou du social. Les lieux n'avaient pas le même statut et n'étaient pas soumis à la même fiscalité. Cela doit également le cas de l'église évangélique dAaix qui doit avoir une association loi 1901 adossée à l'association cultuelle". A défaut de l'État, Dieu y reconnaîtra les siens. 

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Commentaires

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  1. marces marces

    Bonsoir
    “l’école Or Aviv, à la Caillols”
    La Cayolle ou Les Caillols…

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  2. Pierre Boucaud Pierre Boucaud

    C’est corrigé. merci beaucoup.

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  3. Dazibaos Dazibaos

    Heu, pour les athées ,impies, incrédules, incroyants, irréligieux, libertins, libres, non-croyants, sceptiques … VOUS FAITES QUOI!

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  4. Le Faux Fernandel Le Faux Fernandel

    je ne vais prêcher pour ma propre paroisse!

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  5. JL41 JL41

    Il reste des survivances pour les églises, institutionnelles en Alsace-Moselle, au coup par coup ailleurs. En Alsace-Moselle, les cultes protestants (luthérien et réformé), catholiques et juifs étaient reconnus par l’Etat, suite à une conventions signée par Bonaparte en 1801 avec le pape. Ce régime est repris après la défaite française de la guerre de 1870 et l’annexion de ce territoire par les Allemands. C’est le traité de Francfort du 10 mai 1871. Ce régime concordataire est maintenu à l’issue de la première guerre mondiale en 1918, où ces terres sont redevenues françaises. Dans « l’intérieur », comme on disait, avec la loi de 1905, « la république ne reconnaît ni ne salarie aucun culte ».
    Il n’empêche que les bâtiments religieux des cultes catholiques, protestants et juifs, ont pu profiter d’aides de l’Etat ou des collectivités pour être entretenus. Peut-être que dans ces cas, ces bâtiments sont devenus propriété de l’Etat ou des collectivités, ou ont été classés monuments historiques ? Il est possible aussi que du foncier ait été mis à disposition à des conditions avantageuses, comme le bail emphytéotique ? La nouveauté est l’apparition des lieux de culte musulmans. Peut-être arméniens ou orthodoxes plus ponctuellement. Une « patate chaude » qui nous contraint à davantage de laïcité, ou à une intégration du culte musulman aux pratiques ancestrales, institutionnelles ou masquées, comme l’utilisation de la réserve parlementaire.
    Les paroissiens sont évidemment aussi des électeurs, qu’un coup de pouce à l’entretien d’un édifice religieux oriente en faveur de l’élu.

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  6. nour nour

    je note que personne ne crie au danger communautariste, ou ne dénonce les élus qui financent eglises, temples et synagogues.
    qu’aurait on entendu s’il s’agissait de structures musulmanes!

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  7. ALAIN PERSIA ALAIN PERSIA

    Une réforme s’impose et doit être votée lors de la prochaine session parlementaire : la suppression de la réserve parlementaire
    Si le gouvernent t ou aucun groupe parlementaire ne l’ a met à l’ordre du jour , il appartiendra aux citoyens de demander un référendum . Ce sera le seul moyen de contraindre ces élus du peuple à cesser d’être inféodés à telle ou telle chapelle !

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  8. Lucabella Lucabella

    La droite et le PS main ds la main, qd il s’agit de clientélisme religieux, et bien sur pour hurler au loup musulman en s’abritant derriere le fourre tout de la laîcité. Islamophobie qd tu nous tient!! sans parler des financements publics à “l’association pour le bien être du soldat israélien3

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  9. leravidemilo leravidemilo

    “Chaque année je m”efforce d’aider une association à caractère confessionnel; J’ai pu subventionner des associations juives protestantes,catholiques…” Siou plait M Le Député Christian Kert, n’auriez pas un petit quelque chose pour une pauvre association trés bêtement laique,ouverte a tous et transparente (Pas “adossée” à une autre association,de l’autre côté de la cloison,qui n’a pas du tout le même objet social et ne relève pas de la même législation. Qand on sait le nombre d’association menant des actions utiles à tous, au bord du dépot de bilan du fait du désengagement complet de l’état ,on reste pantois de voir un député de la “république” nous annoncer cela si naturellement ,avec un tel culot. M Kert au cas où vous auriez besoin qu’on vous en indique quelques une de ces associations,sur votre circonscription bien sur,on y est prêts . Il faut effectivement demander à chaque Président dee groupes de l’assemblée nationale de proposer la suppression de la réserve parlementaire qui permet aux députés de détourner la loi en douce et dont la probe et sourcilleuse cour des (mé)compte ne nous en parle qu’exceptionnelement(et encore). Une pétiton nationale peut-etre? En la supprimant,on moralise la vie politique,on rend plus tranparent l’usage de l’argent public, on lutte contre le communautarisme et contre le copinage et le clientélisme et ,cerise sur le gateau,on réduit la dépense publique et ça, C Kert,V Boyer et consorts sont tous pour,n’est ce pas?

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  10. cani cani

    Il faudrait peut etre aussi parler des subvention du conseil régional aux centrales syndicales

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  11. José 2014 José 2014

    Cet apport d’argent parlementaire versé à certaines structures cultuelles, voire très communautaires pour certaines d’entre elles, est à mettre en relation avec les autres subventions hélas versées AUSSI par les collectivités locales (ville, CG 13, CR PACA. A quand un respect plein et entier de la loi de 1901, y compris par les parlementaires, quelle que soit leur chapelle politique et leur obédience d’appartenance maçonnique ??? Et comment expliquer ces discriminations évidentes (conscientes ou non, seul Dieu semble le savoir si jamais il existe…) envers le culte musulman ???

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