Pourquoi Mennucci tarde à annoncer ses listes

Après s'être opposé à la primaire socialiste en 2013, Patrick Mennucci et Samia Ghali avaient affiché en 2014 une unité de façade. Cette fois-ci, ils semblent sur la même ligne.

Était-ce l'enthousiasme de la victoire des primaires ? À l'issue du scrutin, Patrick Mennucci promettait de régler la question des têtes de liste en dix jours. D'autres sources ont annoncé une réponse pour mardi 26 novembre, deadline théorique choisie par le parti socialiste. Mais rien n'est venu. Depuis, plus personne ne se risque au jeu des pronostics, ou alors sous couvert d'anonymat. "C'est vrai que ça traîne en longueur, admet un conseiller municipal. Comme la fédération est sous tutelle de Paris, les listes doivent être validées au bureau national. Et le bureau national, c'est le mardi. Alors tous les mardis, on espère et rien ne sort. Cela devrait être réglé avant la fin de l'année. Bon, je pense pas qu'il le fasse le mardi 24 décembre, donc le 17."

Le 17 décembre est en effet la dernière échéance en date proposée par Patrick Mennucci. Alors qu'il présentait vendredi dernier son livre noir des années Gaudin à la presse, il a ajouté : "On n'est pas du tout en retard. On est même en avance. En 2008, tout ça a été fait le 20 janvier". Dans son entourage, on complète volontiers en expliquant que, "contrairement à Guérini, on n'est pas dans une méthode autoritaire. Et la démocratie, ça prend du temps !" De même source, on espère pourtant réussir à présenter les têtes de liste avant la date fatidique du 17. Il ne faudrait pas laisser Gaudin occuper le terrain d'ici là.

Mais l'entreprise s'avère ardue. Avec les primaires, chaque candidat a, à des degrés divers posé des exigences. "Le noeud du problème, ça reste le 2/3, confie un conseiller communautaire. Tout part de l'accord ou non dans le 2/3 avec le PRG. Après, on dispatche les candidats restants sur les autres secteurs". Après avoir cru que le PRG ne soutenait pas la démarche de Lisette Narducci de porter sa propre liste dans ce secteur en tant que maire sortante, Patrick Mennucci a bien dû s'y résoudre. Et, comme l'a révélé Le Parisien, il a finalement rencontré à l'initiative de Solférino les instances nationales du parti radical. Marseille pourrait servir de monnaie d'échange pour des désistements socialistes en faveur du PRG dans le sud-ouest de Jean-Michel Baylet ou en Corse. "Patrick voudrait un compromis mais pas un mauvais compromis", résume sibyllin un homme de l'ombre du PS.

L'épine des 2e et 3e arrondissements

Cette solution consensuelle a les faveurs du président de la communauté urbaine Eugène Caselli, élu du secteur depuis 2008. "Eugène doit être tête de liste dans un secteur, c'est une évidence, il a tout de même terminé quatrième des primaires, explique un de ses conseillers. Mais c'est aussi un homme de consensus. Il sait très bien qu'un combat à gauche sera mortel." "Il ne veut pas servir de chair à canon à Mennucci", analyse plus vertement un proche de Samia Ghali. Comme l'avait rappelé Lisette Narducci lors de son lancement de campagne, son score de 23 % aux législatives sur son secteur permet à la maire sortante de nourrir quelques espoirs sur ce scrutin. Un sondage en cours commandé par Mennucci pourrait aider à dissiper les doutes d'Eugène Caselli. Il n'est pas encore exclu pour l'ensemble des acteurs qu'Eugène Caselli puisse conduire les socialistes dans les 9e et 10e arrondissements.

Le patron de MPM a aussi fait parvenir à Mennucci une liste hiérarchisée des soutiens, anciens élus ou jeunes pousses qu'il aimerait voir figurer sur les listes. Chaque ex-candidat aux primaires a sa logique. Henri Jibrayel espère voir son fils Sébastien en position éligible, une exigence qu'il n'avait pas réussi à imposer en 2008 et qui devrait se réaliser cette fois-ci, malgré la récente garde-à-vue du conseiller régional ressorti sans charge. Sébastien Jibrayel ne devrait en tout état de cause pas se retrouver candidat dans les 15e et 16e arrondissements que recouvre la circonscription de son père. Samia Ghali n'en veut pas et entend gérer sa liste à sa guise.

La sénatrice semble par ailleurs avoir obtenu gain de cause quant à la tête de liste dans les 13e et 14e arrondissements solidement attachée au cou de Garo Hovsepian, le maire de secteur sortant soutien de Ghali lors des primaires. "Tout peut toujours bouger mais on a interprété la première sortie de Patrick Mennucci dans le secteur avec Garo comme guide comme un très bon indice", rappelle son premier adjoint Stéphane Mari.

Qui dans les "swing secteurs" ?

Cela impliquerait que Christophe Masse parte dans les 11e et les 12e arrondissements. Mais après sa candidature avortée aux Européennes, le conseiller général pousse ses exigences. Il verrait bien sa soeur Florence sur les listes du 13/14 et réclame des assurances sur l'intensité du soutien à sa campagne. "Des personnalités extérieures au secteur" pourraient se joindre à lui sur ces terres, assure un acteur des négociations. Dans l'entourage de Mennucci, on assure vouloir "faire campagne partout pour que la droite ne se repose pas sur ses lauriers" et le PS a identifié le 11/12 comme un "swing secteur". Une ambition renforcée par la dissidence du maire de secteur centriste Robert Assante et la possibilité d'une triangulaire avec le FN au second tour.

Reste le cas épineux de Marie-Arlette Carlotti. La ministre est fléchée sur sa terre d'élection, les 4e et 5e arrondissements, le deuxième "swing secteur". Ces derniers jours, les discussions ont bien avancé. Aux dires de son entourage, sa rencontre avec Patrick Mennucci samedi 23 novembre a donné lieu à "une conversation intéressante et intelligente. Marie-Arlette veut des assurances sur la campagne, sur la communication, sur le programme…" Depuis, les choses ont largement avancé mais "rien de conclusif". La ministre, selon une autre source dans son entourage, souhaiterait que Patrick Mennucci reprenne à son compte la charte éthique qu'elle avait élaborée pendant les primaires et qu'elle imaginait signée par tous les candidats. En termes de postes, Marie-Arlette Carlotti souhaiterait que son ancienne porte-parole, la conseillère municipale Nathalie Pigamo mène la bataille – symbolique – dans les 6e et 8e arrondissements. Problème, Mennucci y verrait bien la secrétaire de la section socialiste du 8e, la généticienne Annie Lévy-Mozziconacci s'y installer après avoir assuré son porte-parolat ces derniers mois.

Et au PS, on avance en terrain miné alors que la fédé des Bouches-du-Rhône est sous tutelle et l'ombre de Guérini omniprésente. "Il faut être vigilant parce que la transition ne se fait pas aussi vite que ce que Patrick Mennucci pensait, détaille un Solférinien. Il y a ceux qui ont rompu, il y a les guérinistes indécrottables et ceux qui sont en voie de transition. Ce sont ceux-là qui traînent un peu à sauter le pas." Et notre contact de penser déjà au coup d'après : "La question, c'est aussi de savoir combien de mennuccistes aux municipales pourraient se retrouver guérinistes aux sénatoriales". Son angoisse ? Perdre cette élection contre une liste dissidente menée par le président du conseil général. "Ce n'est pas une hypothèse farfelue.

Dumontel, c'est non

La rénovation portée par Patrick Mennucci en prendrait alors un sacré coup. Mais ce n'est certainement pas la préoccupation première du candidat. S'il juge son programme quasiment bouclé après les primaires "où les propositions se ressemblaient beaucoup", il n'a pas encore bouclé la constitution de son équipe rapprochée. Aujourd'hui, la seule annonce majeure a été l'arrivée de l'ancienne membre du cabinet de Jean-Marc Ayrault, Dominique Bouissou comme "directrice de cabinet de campagne [sic]".

Le poste de directeur de campagne n'est pas encore pourvu. Franck Dumontel, mari de Samia Ghali et ancien directeur de cabinet à la région et à MPM, que le candidat présentait comme "le meilleur organisateur et le meilleur connaisseur du PS à part [lui]" a fait savoir qu'il n'était pas intéressé par le poste. "Chaque minute prise pour rassembler son camp est une minute où on ne parle pas du mauvais bilan de Gaudin", râle un soutien de Mennucci. Lancé dans la bataille depuis une semaine, le maire de Marseille multipliera les sorties de campagne la semaine prochaine. De quoi faire accélérer son rival socialiste ?