Une idée pour Marseille : une cité des migrations

Cette idée est née d’une conversation avec Nicolas Maisetti, rencontré à Aix il y a quelques semaines, que j’ai mûri et adapté à ma sauce entre temps, et consiste en l’édification à Marseille d’une Cité des Migrations, ou Musée des Migrations.

Cette idée se base sur deux constats. Le premier est qu’il n’existe en France qu’un seul endroit de ce type : la “Cite Nationale de l’Histoire de l’Immigration” à Paris, qui comme son nom l’indique, se focalise sur l’immigration et non pas l’ensemble des migrations. Le second est que Marseille a longtemps été une sinon la porte d’entrée et sortie de l’Europe, que ce soit pour l’émigration vers l’Orient, l’Amérique, l’Afrique ou dans l’autre sens, l’immigration vers l’Europe. J’avais entendu une fois dans un reportage sur Belsunce que Marseille était la ville d’Europe où le plus de personnes en transit étaient passées sur ces 200 dernières années, et il n’y a qu’à relire Albert Londres pour avoir une idée de l’ambiance de cette ville à l’époque : une sorte de New-York européen où le monde entier se croisait.

Albert Londres est l’exemple le plus connu, mais on pourrait aussi parler de l’histoire de Gilberto Bosques (Ambassadeur du Mexique en France pendant la 2e Guerre Mondiale, réfugié à Marseille et spécialisé dans “l’export” de réfugiés vers le Mexique), ou s’intéresser aux archives du Port, ou cet article d’Emile Témime “Marseille ville de migrations“, ou encore ce document de travail sur le quartier de Belsunce pour avoir des éléments sur la réalités du brassage de populations qu’a connu la ville, au-delà des lieux communs que l’on ressasse sans-arrêt.

Partant de ces deux constats, il serait légitime que Marseille se dote d’un espace dédiée à cette partie de son histoire, et de sa réalité. Comme New-York a son musée sur Ellis Island, il faudrait trouver un lieu emblématique de cette tradition de passage : au hasard le siège de la SNCM (ex-siège de la compagnie transatlantique) qui est actuellement en vente, le J1 dont on ne sait pas encore à quoi il sera dédié au-delà de 2013, ou d’autres espaces du quartier de la Joliette (les Affaires Maritimes, les Douanes…), ou plus près de Belsunce feu la Poste Colbert qui ne sait pas non plus à quelle sauce elle sera mangée. Bref, côté lieux, comme toujours à Marseille, ce ne sont pas les possibilités qui manquent.

Mais dedans on met quoi ? On met en scène Marseille : hall de gare entre Occident et Orient, entre Europe et reste du monde, lieu de transit, de départ et d’arrivée, d’installation, symbole d’espoir, de fuite et de déceptions. On parle de tous ces gens venus chercher un avenir meilleur : des phocéens aux comoriens en passant par les italiens et les alsaciens. On parle de ceux parti peupler les colonies, et ceux qui en sont revenus. On évoque les voyageurs et les marins, passés par Marseille comme Albert Londres, et plus largement on peut s’intéresser à tous les déplacements de populations, où qu’ils aient lieu dans le monde.

Projections, conférences, archives, expositions, bibliothèque… mais aussi pourquoi pas un hôtel de transit intégré à la Cité, comme ceux que l’on trouve encore à Belsunce et à la Joliette, ouvert à tous, mis aux normes d’hygiène mais le plus proche possible de la réalité (pour y accueillir des migrants, des chercheurs venus fouiller dans les archives, ou des touristes en quête d’expériences alternatives).

Encore une fois, ce n’est qu’un début d’idée qui mériterait d’être creusé, contesté, affiné, mais qui aurait sûrement sa place dans le Marseille du XXIème siècle, comme une assurance mémoire, histoire de ne pas s’oublier quelque part entre la Rue de la République new-look et Euromed Center.

Mise à jour après échanges de tweets avec @ShriBenjamin : l’association Approches Cultures et Territoires s’intéresse de près au sujet et organise notamment la 1ère biennale du Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires (3 septembre au 16 décembre 2011, un peu partout en Provence).