L'étrange Marseille Provence magazine débarque en kiosques
L'étrange Marseille Provence magazine débarque en kiosques
Le Mucem est décidément photogénique, surtout de nuit avec ses sobres lumières bleues. Il se dresse en une d'un semestriel fraîchement arrivé en kiosque, Marseille Provence magazine. En pied de cette première page s'affichent aussi les logos de ceux qui semblent être des partenaires, la Coopérative des fonctionnaires territoriaux, la Ville de Marseille et Marseille Provence métropole. On croit faire face à une petite cousine de la revue Marseille, l'organe officiel de la culture municipale.
Le parcours de la revue ne déçoit pas le lecteur marseillais taquin. Des articles sans saveur vantent les mérites des jeunes ou vieilles pierres locales, comme l'hôtel-Dieu, ou l'Olympique de Marseille. Non décidément, mieux vaut encore se concentrer sur l'ours, la fiche d'identité de la revue. Première surprise, l'éditeur est bien loin du secteur public. Presse éditions services (PES) est une maison privée basée à Aix-en-Provence et spécialiste des publications mettant en scène treillis et chars d'assaut. Cette fois-ci, pour développer de nouveaux champs de compétence, elle publie ce magazine "sous l'égide de la Coopérative des agents territoriaux de la Ville de Marseille et de la communauté urbaine".
Qui est le (saint) patron ?
La formule vague nous pousse à un coup de fil. Mocky Taieb, le patron de la société, répond. Que veut dire "sous l'égide de" ? "Ca veut dire "sous le patronage de"", élude-t-il avant d'insister sur les contenus du magazine et son placement haut de gamme. Mais encore ? Nous n'en saurons pas beaucoup plus. Taieb consent à nous expliquer qu'il fabrique pour la Coop un agenda et un carnet d'achats et qu'"en échange", il édite cette revue "qui a déjà connus deux numéros bien plus confidentiels", lisibles ici.
Contacté, le président de la Coop, Jean-Pierre Castan tombe des nues. "Si c'était nous, j'aurais quand même reçu un exemplaire ! Nous travaillons effectivement avec cette entreprise depuis trois ans. Elle édite pour nous un agenda, un guide d'achats et s'occupe du site internet [qui a visiblement subi de plein fouet le bug de l'an 2000, ndlr]. Elle n'a aucun mandat pour démarcher des annonceurs en notre nom pour ce magazine. C'est simple : quand nous publions quelque chose, il y a toujours ma photo et un édito que je signe."
Pour le patron de l'association, étroitement liée au puissant syndicat des territoriaux Force ouvrière, "cela ne répond pas à l'objet de la coopérative qui est d'améliorer le pouvoir d'achat des agents". Castan admet tout de même que des discussions ont eu lieu en ce sens avec PES. "Quand nous avons signé notre contrat il y a trois ans, nous avions évoqué cela. Mocky Taieb est venu m'en reparler ces derniers mois avec insistance. Nous avons discuté mais il n'y a jamais eu de feu vert. Je n'avais pas de mandat du conseil d'administration et il n'y a pas eu de vote du CA ! C'est un abus de pouvoir", tranche-t-il.
Un magazine truffé de pub
Preuve d'une ambiguïté dans le rapport avec la Coop, dans un document de démarchage publicitaire de PES que nous nous sommes procuré. Daté de juin 2013 – soit quelques jours avant la parution du numéro – il évoque un magazine "édité par la coopérative" et exclusivement distribué aux agents territoriaux des collectivités territoriales, conseils général et régional compris. Comment le magazine a-t-il finalement atterri en kiosque ? Mystère.
Reste qu'au moment de la signature de leurs contrats, les annonceurs ne connaissaient pas le public réel touché par leur insertion publicitaire. Ils sont d'ailleurs nombreux à avoir répondu à l'appel de ce magazine. "Sur ce secteur, il n'y a pas grand monde localement. Il y a V Marseille et nous. Et nous sommes beaucoup plus luxueux. C'est normal que les entreprises veuillent être présents sur ce créneau", justifie Mocky Taieb. Marseille Provence magazine affiche ainsi 25 pleines pages de publicité sur 96. Un ratio particulièrement élevé "mais nous sommes capables de faire des articles sans que l'on nous paie", certifie Taieb. On notera tout de même qu'articles et publicités sur un même évènement sont légion à l'image du traitement du match RCT-OM entouré de 8 pages de dossier OM et une grande pub.
La manne financière représentée par ces publicités est considérable. Elle se chiffre en dizaines de milliers d'euros. Selon nos informations, les tarifs annoncés s'échelonnent entre 2850 euros pour une demi-page et 9500 euros hors taxe pour une quatrième de couverture. Certes, il convient de relativiser ces chiffres qui n'ont de valeur qu'indicative. Comme souvent en ce domaine, les prix négociés correspondent à peu près à la moitié du tarif initialement proposé. En appliquant cette règle, on peut estimer à environ 60 000 euros le chiffre d'affaires publicitaire de ce numéro, vendu en kiosque à 4,90 € et tiré à 3 500 exemplaires.
Une ambiguïté dans la relation avec les collectivités
Mais comment expliquer un tel engouement publicitaire pour un nouveau titre sans contenu informatif inédit ? De bons connaisseurs du secteur nous assurent de la difficulté de remplir leurs objectifs en cette période de crise. Sous couvert d'anonymat par souci de ne pas nuire à l'image de son entreprise, un commercial a accepté de nous répondre : "Nous avons effectivement acheté de l'espace dans ce magazine", confirme-t-il. Il représente une grande entreprise titulaire de nombreux contrats ou marchés avec la communauté urbaine ou la Ville. "Quand vous avez d'importants contrats avec des collectivités publiques, il est parfois de bon ton de prendre quelques publicités dans ce genre de supports, détaille-t-il. Mon métier consiste à entretenir de bonnes relations avec les décideurs politiques et administratifs. Et on sait vous expliquer que ce serait plutôt une bonne chose de contribuer."
Au rang des annonceurs, on retrouve en effet de nombreux habitués de la commande publique comme Veolia environnement, le bailleur Constructa (qui s'expose en dernière page), Vinci immobilier, Immochan, Bouygues travaux publics, le groupe Fayat, Spie Batignolles, Klepierre (propriétaire du centre bourse), Doughty Hanson and Co qui réalise le centre commercial du stade vélodrome, Citec, un spécialiste des conteneurs à ordures ou encore Altarea Cogedim dont la publicité suit un dossier sur une de ses récentes réalisations…
Pourtant, Mocky Taieb ne voit pas l'avantage commercial qu'il peut tirer de l'affichage en une de partenaires grands pourvoyeurs de marchés publics. "Non, non, je ne crois pas que ça joue", nous répond-il avant d'admettre que, lorsqu'on passe une pub, "il y a des avantages directs et indirects". En tout cas, il n'a pas prévu de reverser quoi que ce soit à la Coop."Vous savez, nous sommes une maison d'édition. Il faut bien que l'on gagne un petit peu d'argent", lâche-t-il.
Avait-il qui plus est le droit d'utiliser les logos de la VIlle et de MPM ? "C'est la Coop qui m'a donné l'accord", jure Taieb. Castan répond qu'il n'en a tout simplement "pas le pouvoir. S'il n'avait mis que les deux autres logos, il aurait eu les deux institutions au cul. C'est pour ça qu'il nous met aussi, pour se dédouaner sur nous". Principale concernée avec un magazine qui reprend ses initiales, la communauté urbaine reste persuadé que cette revue est "une des activités de la Coop parmi d'autres et nous versons tous les ans une subvention à cette association. Le reste relève strictement de son administration". Mais peut-être en sauront-ils plus bientôt. "Je ne les ai pas encore contactés mais je vais le faire dans les semaines qui viennent, c'est prévu", annonce Mocky Taieb. De son côté, Jean-Pierre Castan, le président de la Coop, compte "réfléchir avec le conseil d'administration. On va peut-être se réserver le droit d'attaquer."
Commentaires
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Bonjour,
il faudrait être un peu plus vigilant dans l’orthographe de vos articles
L’égide et non l’égide => “publié sous “légide” de la Coopérative des agents territoriaux de la Ville de Marseille et de la communauté urbaine MPM”
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Et que disent la ville de Marseille et la Communauté urbaine de l’utilisation de leur logo en “une” ? Ca s’est passé à l’insu de leur plein gré et elles ne réagissent pas ? Vraiment très curieux, quelle que soit l’implication de la fameuse “Coop” dans cette affaire.
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Il y aurait des magouilleurs à Marseille? Incroyable !!
Moi qui pensait que le syndicat des travailleurs était un séminaire d’enfants de chœur.
Je suis très déçu!!
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La banalité du mal :
Lire Hannah Arendt bien sûr, mais aussi Tadeusz BORWSKI (Le monde de pierre) sur le comportement des victimes entre elles dans les systèmes extrêmes des camps d’extermination.
Et, aujourd’hui, d’excellents fonctionnaires chassent le Rom.
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Quelqu’un a-t-il lu “Marseille, ma ville” de Xavier Monnier ? Que cette personne me dise, par pitié, que tout ce qui y est écrit est faux, que les élus, nos “représentants” n’ont pas pour unique but de se maintenir au pouvoir pour engranger le maximum d’argent pris au service public, “notre service public”, avec de fausses offres publiques, des associations mafieuses…Que les citoyens, les “petits”, les sans grade qui militons peu ou prou pour l’égalité sociale et le sauvetage de la planète sont ridicules !
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Cette “coopérative” si elle se sent abusée doit porter plainte immédiatement ; ou alors, elle et ses membre sont complices et finiront responsables et coupables.
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C’est dommage car je trouve que votre bonne info est noyée dans l’article. Qu’un type comme Taieb tire partie de la mise en avant de collectivités locales sans leur avoir demandé pour attirer le budget publicitaire, c’est répréhensible mais c’est pas extraordinaire non plus. Surtout dans une ville où le poids de la puissance publique est telle qu’il faut parfois ruser pour obtenir des budgets. Il doit pas être le seul à le faire
En revanche l’aveu du commercial que ces pubs sont une forme de corruption déguisée dans la perspective des marchés publics est quand même nettement plus alléchante
Car si les entreprises acceptent de payer de la pub à la seule vue du nom d’une collectivité locale, dans un magazine inconnu au bataillon, ayant vendu 0 exemplaire et dont les articles sont nuls d’après vos dires, cela veut dire forcément que le système fonctionne…
sinon elles ne le feraient plus car jeter l’argent par les fenêtres n’est pas le style ni le but recherché par les entreprises citées
Ca me semble nettement plus intéressant que l’histoire de l’ambiguité entre Taieb et les collectivités
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Connait on le montant de la subvention versée à la coop??? Par simple curiosité.
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Dis moi quelle publicité tu fais je te dirai qui tu es.
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Tapie or not Tapie ?
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On est en république bananière, c’est sur.
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Pas de bug de l’an 2000, le site fonctionne http://coopvmcum.com/
Il a vraisemblablement survécu depuis les années 90 et il est d’ailleurs très beau!!!
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On est encore et toujours dans les relations incestueuses propres au contexte marseilais ! Et qui plus est, au vu et au su de tout le monde, sans aucune réaction d’envergure. Magouilles, magouilles, magouilles… Nous sommes bien à Marseille, Capitale Européenne de la Magouille… Qu’en pensent messieurs Gaudin et Caselli, les grands amis politiques ?
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