Pourquoi la fenêtre de la Pop up house s'est refermée

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le 4 Juil 2013
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L'artiste Gilles Desplanques rêvait de "repousser les limites de l'architecture", rien de moins. Il avait imaginé la construction d'une "Pop up house", une cabane sur la façade d’un bâtiment, en dépliant et repliant une partie de cette façade, technique inspirée du kirigami – qui ajoute l'art du découpage à celui du pliage (origami). Deux ans plus tôt, dans le cadre des ateliers de l’Euroméditerranée de Marseille-Provence 2013, l'artiste entre en résidence au sein du club de l'immobilier Marseille-Provence. Le bâtiment choisi, longtemps resté secret, est celui d'Orange, au coin de la place de la Joliette, présentant une façade en briques rouge.

Las, le projet est finalement annulé et disparaît sans bruit de la programmation de l'année capitale comme un spam bloqué dans la galaxie internet. L'artiste Gilles Desplanques, littéralement dégoûté évoque un "immense gâchis": "La chute est d'autant plus rude que tout se passait très bien au début. Tous les partenaires semblaient partants pour que le projet se réalise. On avait réussi à obtenir les autorisations nécessaires, ce qui n'était pas simple. Au départ, il y avait un problème de surplomb de la Pop up House dans le domaine public dans la mesure où elle dépassait de deux mètres de la façade." Seulement voilà, après un parcours du combattant de près d'un an et demi pour obtenir toutes les autorisations nécessaires, motiver des investisseurs potentiels et des bénévoles, un litige fait capoter le projet.

Imbroglio juridique

Dépité, Gilles Desplanques met directement en cause l'architecte du bâtiment Michel Nizri : "Mon oeuvre devait être réalisée à partir de la réalisation d'une autre personne, en l'occurrence la façade du bâtiment. L'architecte a demandé à cosigner l'oeuvre car il a sans doute eu le sentiment d'avoir été mis de côté. Certes, d'un point de vue juridique, il n'a pas tort, dans la mesure où son bâtiment est également considéré comme une oeuvre. Sauf que techniquement, pour l'élaboration du projet il n'y a pas besoin de cet architecte en particulier. Michel Nizri a mélangé le concept de l'oeuvre et l'oeuvre elle-même. J'ai néanmoins proposé de faire apparaître son nom, mais la paternité de l'oeuvre était difficile à partager…  Je suis amer parce que j'ai tenté une conciliation à plusieurs reprises, face à un architecte très buté avec lequel je n'ai jamais pu m'expliquer directement. On espérait qu'Orange interviendrait en faveur du projet, surtout que c'était une aubaine pour eux, vu qu'ils ne payaient rien." Et pour cause, c'est le club de l’immobilier Marseille Provence qui devait financer l'ensemble du projet.

Un tout autre son de cloche se fait entendre du côté de l'architecte Michel Nizri, qui conteste les raisons invoquées par l'artiste. "La réalité n'est pas celle décrite par Gilles Desplanques, qui en tant qu'artiste dans cette histoire est un peu frustré. Il s'agit d'un problème technique basique. Le beau projet de Gilles Desplanques nécessitait de démonter une partie de la façade, de déshabiller le bâtiment, ce qui était compliqué mais pas forcément impossible. Les enjeux techniques et réglementaires se sont révélés trop contraignants pour un projet artistique certes ambitieux, mais éphémère. Dans ce cadre là, il fallait que France Télécom -propriétaire du bâtiment – soit d'accord. Moi je ne suis que l'architecte. Il fallait leur donner encore plus envie ! Il ne s'agit pas d'un problème de signature de l'oeuvre, ou d'hostilité au projet. D'ailleurs je me suis investi dès l'origine dans cette aventure qui me paraissait emblématique de Marseille-Provence 2013. Toutefois il y a un après 2013, et, de mon côté, je laisse la porte ouverte au projet, à condition que le propriétaire du bâtiment en ait envie."

Désir non partagé

Difficile donc de démêler le vrai du faux, et Sandrina Martins, chargée de mission pour les ateliers de l'Euroméditerranée de Marseille-Provence 2013 refuse d'attiser les braises. "De temps en temps, le mariage n'arrive pas à se faire. Là, nous n'avons pas pu réunir toutes les garanties nécessaires pour ce projet spectaculaire. Nous sommes tous déçus, d'autant plus que toute la période de résidence de l'artiste au sein du club immobilier de Marseille-Provence s'est déroulée normalement. C'est une frustration de ne pas être allé au bout, mais le désir n'était pas partagé. Cependant il faut relativiser, sur les 60 projets de l'Euroméditerranée, ce n'est pas exceptionnel que l'un d'entre eux n'aboutisse pas."

Finalement, la direction territoriale Orange sud-est conforte la version de Gilles Desplanques sans pour autant accabler l'architecte : "Notre service technique a donné tous les accords nécessaires à la réalisation de l'oeuvre, même si les contraintes à surmonter au départ étaient nombreuses. Nous avons été alertés fin 2012 sur l'existence d'un problème d'image entre l'artiste et l'architecte du bâtiment. Nous avons su qu'une conversation était entamée entre eux pour savoir qui devait signer l'oeuvre. L'architecte considérait qu'il offrait l'écrin de l'oeuvre sans lequel elle n'avait pas de raison d'être. Par conséquent, il estimait qu'il méritait de la cosigner. Le dossier s'est étiolé alors que tout le monde était d'accord au départ et que nous n'avions même pas à financer le projet."

Crédit : Mathis Nganta

Antoine Viallet, président du Club immobilier Marseille-Provence ne cache pas sa colère et impute ce désastre à une seule personne, l'architecte : "Pendant 18 mois nous avons travaillé sur la faisabilité du projet et Michel Nizri nous disait combien nous étions formidables… Lorsque nous avons eu confirmation de cette faisabilité, et alors que l'on s'apprêtait à récolter l'argent auprès de nos partenaires, l'architecte s'est révélé. Nous avons reçu une lettre recommandée de sa part nous demandant de cosigner l'oeuvre. J'ai rencontré le président d'Orange pour tenter de trouver une solution et sauver ce projet symbole de MP2013, mais il était impossible de discuter avec Michel Nizri. Il était trop tard. Il a attendu le dernier moment pour se dévoiler, et empêcher un artiste de s'exprimer. C'est lamentable ! Michel Nizri a tué la Pop up house."

Il y a un an, sur Marsactu, Gilles Desplanques avait pressenti la fragilité de son projet, un peu à la manière d'une bulle de savon : "L’architecte peut refuser de garder la Pop Up sur un bâtiment sur lequel il dispose des droits d’auteur. Dans ce cas, la maison aura vraiment fait « pop up », comme ces fenêtres informatiques qui surgissent de manière inopinée sur les écrans d’ordinateur et qui disparaissent tout aussi rapidement…" Petite fenêtre d'espoir, Nicolas Ponson, responsable de la culture au Club immobilier Marseille-Provence refuserait d'enterrer la Pop up house et serait prêt à réaliser le projet si l'opportunité se présentait en 2014 ou 2015. Pour l'heure, c'est sur la programmation de Marseille-Provence 2013 que la Pop Up house a fait pop up.

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Commentaires

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  1. ukhbar ukhbar

    Espérons que le projet ne soit pas oublié et qu’il soit finalement réalisé plus tard sur Marseille !

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  2. Pourvoir Pourvoir

    Mon pseudo c’est PourVoir et non pas Pourvoir …

    Ben c’est désastre. Pour une fois qu’un immeuble banal allait sortir de sa gangue !
    Je ne connais plus le n° de la loi inique qui vise à détruire les habitats atypiques (et leurs habitants par incidence). Peut-être qu’en l’occurrence la maison pop up aurait créé un précédent contraire (et heureux) ? Va savoir …

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