Vous reprendrez bien un peu de désert
Les chercheurs d’or de Titouan Lamazou
Quand l’on sait que le Sahara est un immense désert de plus de 8,5 millions de kilomètres carrés à cheval sur une dizaine de pays africains et que Titouan Lamazou est un célèbre navigateur français, on est en droit de se demander ce qui relie les deux. En effet, comme l’indique le sous-titre de l’exposition, elle est réalisée « avec » ce dernier. Ce serait vite oublier que, d’une part, Titouan Lamazou est un grand voyageur ayant sillonné ce désert, et qu’il est également artiste ; d’où l’opportunité de présenter ses œuvres dans un musée, si le thème s’y prête, comme ici. D’autre part, la terre touche toujours la mer à un moment donné. Ces deux univers sont ainsi, de fait, connectés.
De connexions, il est justement question dans le Sahara, et à plusieurs niveaux, comme le laissent présager les mondes connectés de l’exposition, choisis par le triptyque formé par le navigateur, la conservatrice du MAAOA, Marianne Pourtal Sourrieu, et Charles Grémont, historien à l’Institut de Recherche pour le Développement. Si, en amont de la visite, le dialogue s’est donc réalisé entre art et science, nous retrouvons cet échange lors d’une visite aussi surprenante qu’instructive, où se mêlent peintures à l’huile et photographies de Titouan et objets anthropologiques.
Quand le citoyen lambda pense Sahara, les mots qui lui viennent à l’esprit sont probablement sable, chaleur, vent, immensité, voire enlèvement ou terrorisme. Des mots qui, a priori, excluent la possibilité de vivre longuement sur un tel territoire. Plusieurs repères nous rappellent ici la difficulté de vivre dans le désert. Traverser est une épreuve, Combattre et dialoguer sont parfois nécessaires, notamment en raison de la rivalité entre tribus. Et pourtant… Sans passer sous silence ces évocations et leur illustration en photos et vidéos, la vie se découvre au gré de la visite avec des mots-clés inattendus.
Dès l’entrée, une vidéo du désert montre que la végétation n’a pas dit son dernier mot avant que des traces de pas, de pneus, des vestiges de stèles, et des peintures de paysage réalisées par Titouan, avec ses textes écrits à la main, ne se dévoilent. L’impression de vide, d’absence de vie, s’estompe peu à peu alors même que des bruits de tambours touaregs se mêlent à ceux du vent.
Mais la vie ne se donne pas ici, elle se gagne en se déplaçant. C’est l’immobilité qui tue. La circulation crée l’histoire. Et quand bien même, les caprices du climat ont poussé beaucoup de nomades à se sédentariser, quitte à chercher de l’eau à cent mètres de profondeur, la transhumance des troupeaux reste incontournable. Encore une preuve de connexion indispensable, cette fois entre l’homme et l’animal qui lui donne nourriture et cuir.
Bien entendu, la mobilité n’est pas permanente et les arrêts s’avèrent également nécessaires. L’occasion de méditer en profitant de l’absence de bruits urbains polluants, ou de faire une rencontre commerciale ou simplement conviviale autour d’un bon thé ; autre grande tradition du désert. La finesse du matériel utilisé pour le servir, comme celle des piquets de tente ou d’un sac à vêtement, viennent nous rappeler que sous terre se trouve peut-être du minerai précieux, mais que l’artisanat du désert en est sa richesse sur terre. Un coffret en sel et une parure en or évoquent à nouveau de réelles connexions. Ces dernières ont d’ailleurs été finalement gagnées par la modernité puisque smartphones et clés USB côtoient aujourd’hui les échanges par manuscrits et chameaux.
De manière fort astucieuse et un brin ludique, le dernier mot-clé de l’exposition est Mirage. Popularisé, notamment, par le capitaine Haddock qui prend Tintin pour une bouteille de champagne dans le Crabe aux pinces d’or, il traduit une vision mensongère dans le désert qui peut mener à la désorientation. En guise de clin d’œil, un exemple de fausse promesse est ainsi donné par une voiture remplie de bidons d’eau. Mais la folie qui peut nous gagner correspond surtout à une déconnexion. Le message est passé. Restons connectés pour rester vivant.
Guillaume Arias
Sahara, mondes connectés : jusqu’au 1/09 au MAAOA – Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens (Centre de la Vieille Charité – 2 rue de la Charité, 2e). Rens. : 04 91 14 58 80 / https://vieille-charite-marseille.com/
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