Expulsés des Créneaux, des Roms expérimentent la tranquillité à Fontainieu

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le 12 Juin 2013
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Expulsés des Créneaux, des Roms expérimentent la tranquillité à Fontainieu
Expulsés des Créneaux, des Roms expérimentent la tranquillité à Fontainieu

Expulsés des Créneaux, des Roms expérimentent la tranquillité à Fontainieu

Une mélodie s'envole déjà le long de l'allée bordée d'arbres. Au bout, se dresse la bastide de Fontainieu, coincée entre les collines du massif de l'Étoile et la cité du Castellas. Là, vivent aujourd'hui environ 130 Roms. Et aujourd'hui, c'est jour de fête. Un mariage a été célébré la veille. "Maintenant, on célèbre le départ de la mariée", explique Sébastien Faure, éducateur de l'Association départementale pour le développement des actions de prévention (Addap), qui a signé en mai dernier une convention avec la préfecture des Bouches-du-Rhône pour devenir gestionnaire du lieu.

À l'intérieur de la bastide, la grande pièce au rez-de-chaussée résonne de musique rom. Les hommes sont assis autour d'une immense table. Les femmes, elles, tournent, dansent, rient, faisant voler leurs jupons multicolores. La mariée est bientôt rejointe par son père. Un immense sourire accroché aux lèvres, il s'agite autour de sa jeune fille, l'entraîne avec lui sur une musique presque assourdissante. Entre les jambes des adultes, Lovari, 6 ans, se faufile en serrant contre lui un petit lapin blanc. 

En fin de matinée, les fêtards se ruent dans les voitures garées devant la grande bâtisse. Une camionnette est prise d'assaut par les adultes et les enfants qui se tassent pour entrer. La mariée sort au bras de son père et prend place dans une berline allemande un peu cabossée conduite par son frère. Un à un, les véhicules empruntent l'allée. La fête va continuer ailleurs. Là, où le jeune couple va vivre sa vie. À Saint-Antoine, un autre campement, illégal celui-là1.

Des Créneaux à Fontain​ieu

Au mois d'octobre, une quarantaine de Roms franchissait le portail pour se réfugier derrière les murs de la grande bastide désaffectée, ancien site de vacances de la DDE. Déjà, ils trimballaient avec eux une histoire tristement célèbre, bien au-delà de Marseille.

Fin du mois de septembre dernier, des habitants et riverains de la cité des Créneaux débarquaient dans un camp installé quelques jours plus tôt au pied de leur immeuble avec l'intention les pousser à partir. Face à eux, les Roms, effrayés, ne se font pas prier et partent, leurs maigres bagages sous le bras. La scène se passe sous l'oeil des forces de l'ordre. Quelques minutes plus tard, les habitants des Créneaux mettent le feu aux matelas et autres objets restés sur place sous les flashes des photographes.  Les réactions des personnalités politiques et publiques marseillaises qui ont suivi minoraient très largement cet acte d'auto-défense, le procureur de la République parlant même "d'emballement médiatique un peu scandaleux", cautionnant quasiment l'action des riverains. Quelques jours plus tard, Jacques Dallest ouvraient néanmoins une enquête… et trois des Roms agressés portaient plainte

Après plusieurs jours d'errance et une expulsion de leur campement près du métro Bougainville, le groupe s'est réfugié dans la bastide de Fontainieu. Expulsés une première fois, ils y sont rapidement revenus. "C'est le centre sportif juste à côté qui nous a prévenus que quelques familles s'étaient installées ici", explique Dominique Michel qui s'occupe de la coordination des éducateurs spécialisés. Depuis, les éducateurs de l'Addap et les habitants de Fontainieu ont parcouru un long chemin. "Quand on est arrivés, toutes les fenêtres étaient cassées, un bâtiment était condamné. Ce sont les Roms qui ont tout réparé". En témoignent les quelques parpaings encore posés au bas des fenêtre d'un petit bâtiment accolé à la bastide. 

Une installation progressive

Les premiers jours, les Roms se branchaient aux poteaux électriques voisins. Mais rapidement, l'association y a mis un terme, pour des raisons de sécurité. Depuis plusieurs mois, un travail quotidien avec les familles et un contact permanent avec la préfète déléguée à l'égalité des chances Marie Lajus a permis à l'association de devenir gestionnaire du lieu et d'entamer des travaux de remise aux normes du site. Des cabines de douches et des toilettes fournies par la Ville viennent d'ailleurs d'être installées dans des préfabriqués situés sur le terrain, à l'écart du bâtiment. 

"Pour l'instant, ils n'ont pas l'électricité dans les étages. Et avec l'arrivée de l'été, la nuit tombe plus tard, ils n'en ont pas besoin", ajoute Dominique Michel de l'Addap. "Mais nous allons installer un groupe électrogène pour alimenter les douches en eau chaude et pour faire fonctionner les machines à laver qui arriveront un peu plus tard. "

"De très belles réussites"

Assis sur un micro-ondes, Christian distribue des feutres à deux enfants assis sur un drap posé à même le sol. Jean joue aux petits chevaux avec les garçons – "c'est très utile en terme d'apprentissage" – et Michèle aide une petite fille à empiler des cubes. Ces trois anciens instituteurs font partie d'un groupe d'une dizaine de personnes qui, "choqués des réactions de rejets très violentes des autres riverains", ont décidé de mettre leurs connaissances à contribution pour aider ces familles fraîchement installées. "Nous sommes là depuis le début. Aujourd'hui, une dizaine d'enfants est scolarisée. Mais les habitudes sont encore difficiles à prendre pour les enfants comme pour les parents. Alors, on les aide comme on peut."

L'action a été initiée par le Comité catholique contre le faim et pour le développement, le Réseau éducation sans frontières et le collectif de solidarité avec les RomsCe matin là, ils sont donc trois et occupent les enfants avec "des jeux de préscolarisation""On a eu de très belles réussites", se félicite Jean. "Certains enfants ont appris à lire en à peine un an". Environ 130 personnes vivent aujourd'hui dans la bastide dont une quarantaine d'enfants. "On essaie de les inscrire tous à l'école pour la rentrée prochaine mais les places se font rares", insiste Michèle.

Mais dans le voisinage, et comme à chaque fois que des Roms s'installent quelque part, tous ne sont pas de cet avis. Dès le début, certains riverains des résidences toutes proches ont eu des réactions de rejet. Noël et Danielle par exemple, vivent tout près de là, dans une petite maison au bord de la voie ferrée. L'ancien cheminot s'est installé ici il y a une vingtaine d'années maintenant. "Avant qu'on ait les choufs d'un côté et les Roms de l'autre, c'était un vrai petit coin de paradis", bougonne Noël pour qui le vacarme régulier des trains ne trouble en rien la tranquillité de son jardin d'Eden. Il était en première ligne avec son épouse pour la manifestation organisée par les Comités d'intérêts de quartiers et riverains de Saint-Joseph contre le projet de Fontainieu. "C'est moi qui ai appelé la mairie quand ils se sont installés la première fois. Et ils ont été expulsés", se réjouit-il, une pointe de fierté de la voix. "Mais ils sont revenus, et comme ils sont restés plus de 24 heures, avec leur nouvelle circulaire, ils sont restés là."

Pas de "camp de rétention"

Mais les Roms installés là aujourd'hui n'ont pas vocation à y rester. Selon Dominique Michel, la bastide de Fontainieu pourrait servir de lieu de transition. "Le but est de stabiliser les populations et de travailler avec elles sur des projets d'intégration." Il n'est donc pas question d'installer les familles sur le long terme mais d'expérimenter une logique nouvelle, alternative aux expulsions sans fin. "Nous n'avons pas vocation à être dans un dispositif d'exclusion. On ne nous a pas demandé de travailler à Fontainieu pour en faire un camp de rétention", prévient-il. À Sainte-Marthe un projet similaire lancé par l'État est en train de voir le jour avec l'aide de l'Ampil (Action méditerranéenne pour l'insertion sociale pour le logement). Dans les deux cas, il s'agit de sas permettant à terme d'intégrer ceux qui en manifestent l'envie. La villa Barrelier, propriété du ministère de la Défense, devrait accueillir deux familles Roms. Installation contre laquelle s'est élevé le voisinage ce week-end

S'il n'est pas question à ce jour de parler d'un projet sur le long terme concernant la bastide de Fontainieu, Dominique Michel semble plutôt confiant sur l'avenir du site.  "Nous avons de très bonnes relations avec la préfecture, assure-t-il. Pour l'instant, on a une vision sur quelques mois. Au fûr et à mesure qu'on travaille avec eux, on y voit un peu plus clair". Si la préfecture – qui n'a pas répondu à Marsactu – lui en laisse la possibilité, l'association devrait continuer à s'occuper du lieu et travailler avec les familles. Après avoir connu les expulsions à répétition et la colère de riverains, elles connaissent ici enfin un peu de tranquillité.

1 Les habitants de ce campement ont finalement été délogés le 17 juin au petit matin. [retour]

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Commentaires

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  1. maxous maxous

    qu’ils retournent en roumanie pour avoir plus de tranquillite…………

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  2. fanaco fanaco

    On ferait mieux de s’occuper de nos ainés qui ont souvent du mal à joindre les 2 bouts , plutôt que s’extasier devant la valse des jupons multicolores!!!!

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  3. fanaco fanaco

    l on ferait mieux de s’occuper de nos aînés en souffrance , plutôt que s’extasier devant des jupons multicolores qui virevoltent!!!

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  4. Carola Carola

    Bonjour, je trouve ce texte de l’ordre du voyeurisme ! De plus a en lire les commentaires il ne fait qu’attiser la haine gratuite, facile et stupide. Le “on” est toujours un con qui ne s’implique pas, OK occupe-t-en des vieux, je suis d’accord qu’ils ont aussi besoin d’aide, mais j’espère que ces mêmes vieux qui ont connus la souffrance, eux, ne partagent pas tes idées primaires d’ignare et d’individualiste. Quant aux jupons multicolores c’est aussi du fantasme, car ils sont de plus en plus souvent remplacés par des pantalons noirs ! à tous les incultes !

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  5. Anonyme Anonyme

    “bonne nuit”Encore faut-il que ce riverain puisse dormir… Tranquille!!!! Pas sûr ! Redescendez un peu dans la réalité et cessez de parler de racisme !
    Merci

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