Henri Jibrayel va-t-il à la primaire en touriste ?

Henri Jibrayel va-t-il à la primaire en touriste ?

"J'ai choisi la corniche qu'a souhaité Gaston Defferre comme un lien entre le nord et le sud de la ville." Juché sur son bus à impériale, Henri Jibrayel fait l'article pour ses amis des quartiers Nord venus assister à son lancement de campagne à deux pas du monument aux rapatriés. En passant devant les Catalans, il montre du doigt les anciennes usines Giraudon : "Certains veulent faire un hôtel ici. Je m'y opposerai, il faut que ce soit un lieu grand public", s'exclame le député du nord de la ville.

La visite continue mais le candidat à la primaire socialiste raccroche le micro et prévient toute personne s'approchant de lui : "attention à mes frisettes !". On en profite pour l'interroger sur sa volonté réelle d'aller au bout. Dans cette course entre camarades, il apparaît aujourd'hui comme la cinquième roue du carrosse derrière – sans ordre particulier – Marie-Arlette Carlotti, Eugène Caselli, Patrick Mennucci et Samia Ghali. Qui plus est, la justice s'intéresse de près à certaines de ses pratiques politiques, son ex-assistante parlementaire est déjà mise examen.

"Je n'ai pas été entendu par un juge, je ne suis pas mis en examen. J'irai jusqu'au bout en toute sérénité. Il n'y a que la maladie ou la mort qui pourrait m'arrêter", balaie d'emblée le député. Mais, dans un second temps, il admet avoir de maigres chances d'obtenir la victoire finale : "D'autres sont partis avec des sondages négatifs et ont réussi. J'irai jusqu'au bout et je me rangerai derrière celui arrivé en tête". La discussion est interrompue à la vue des quelques dizaines de militants brandissant, place de l'hélice, des papiers proclamant leur envie de "faire réussir Marseille" avec Henri Jibrayel. "Ah, il y a du monde", se réjouit un Jibrayel qui a, à plusieurs reprises, manifesté son souci d'éviter le ridicule.

"Pas besoin de media-training"

Le député descend de son bus tout sourire, embrasse les militants, esquisse un pas de danse sur un air de zouglou et monte sur la petite scène où l'attendent deux de ses amis, le conseiller général Jean-François Noyes et le député et président de la commission économie de l'Assemblée nationale, François Brottes. Il y a du vent sur la corniche, le kakemono "Faire réussir Marseille" menace de couler en Méditerranée. Deux militants viennent à son secours, tout le monde est rassuré, le discours peut commencer.

Henri Jibrayel est plutôt bon à l'oral : "pas besoin de media-training, c'est naturel". Le discours n'est peut-être même pas écrit. Celui-ci se transforme en un exercice de présentation de journal télé. "Sécurité", "transports", "culture", "sports", les thématiques sont déroulées une à une sans réel lien. Ses propositions ressemblent à des voeux consensuels : "une place en crèche pour chaque enfant", "développer de grands événements culturels et sportifs", "déployer l'économie".

Dans l'assistance, on fait signer les bulletins de parrainage pour la primaire : 4500 paraphes à recueillir. Les journalistes ont décroché depuis longtemps. Au même moment, les autres candidats à la primaire abreuvent les rédactions des bribes d'un sondage initié par le parti socialiste. Poliment, Henri Jibrayel a finalement été écarté des résultats communiqués hier soir à sa demande après avoir pourtant dû insister à Solférino pour faire partie des hypothèses testées. À sa sortie de scène, il jette un oeil aux chiffres sans trop s'y attarder. Dans la foule, son fils Sébastien, conseiller régional, résume la tendance du soir : "On tente le coup, on verra bien."

"J'espère qu'il se ralliera"

"Si cette candidature n'était pas une candidature sérieuse, je ne serais pas venu", commente à la tribune l'Isérois François Brottes. Parmi les soutiens du néo-candidat, on souligne aussi sa volonté d'y aller mais certains souhaitent le contraire : "J'espère qu'il se ralliera avant le premier tour", glisse l'un d'eux. Ce dernier poursuit l'analyse. L'ennemie des quartiers Nord – dont Jibrayel a exceptionnellement réussi à prononcer le nom durant son discours – Samia Ghali, fait figure de rivale : la candidature doit permettre de lui chiper quelques voix qui pourraient ensuite bénéficier à un autre candidat, peut-être Eugène Caselli.

Dans leur tournée républicaine des meetings, Janine Écochard, Michel Pezet et Florence Masse représentant son frère Christophe ont réussi à s'extirper des bouchons pour venir saluer in extremis leur camarade. Jibrayel force la main à Pezet pour qu'il prenne la parole et se limite à une phrase : "Je suis content d'être là". Le candidat du soir remonte finalement dans son bus mais n'a visiblement plus le coeur à raconter la visite. Auparavant, il a glissé aux journalistes qui dissertaient sur l'affluence : "Si vous êtes sympas, vous ne donnez pas de chiffres." On a vu plus marquée comme détermination.