Lycée Ampère, grille fermée pour voie professionnelle à l'abandon
Lycée Ampère, grille fermée pour voie professionnelle à l'abandon
Un gros cadenas entrave la porte du lycée professionnel Ampère, à Saint Loup. Ciel gris pour une journée sans élèves. Le matin, ceux-ci ont découvert avec surprise qu'il n'y aurait pas cours ce jeudi car leurs professeurs bloquent l'accès à l'établissement. L'administration n'était pas plus prévenue de l'action. "C'est un blocage, pas une grève", entend-on plus tard dans les couloirs déserts du lycée. Après cinq suppressions de postes en 2012, trois nouveaux postes sont menacés pour la rentrée 2013. Pour justifier cette restriction, le Rectorat évoque le recul du nombre d'élèves. Aux yeux des profs, ce n'est pas 14 élèves en moins – sur 713 – qui changeront la donne, le mal est bien plus profond.
"On prend d'un côté pour habiller de l'autre"
Tous les professeurs en grève (51 sur les 72 que compte le lycée) partagent le même avis : ces suppressions de postes ne sont que la partie visible d'une restructuration qui a commencé bien avant avec la réforme de la filière pro en 2008. "Depuis la mise en place du bac professionnel en 3 ans, la situation est catastrophique", explique Guy Pace, qui enseigne le génie thermique depuis plus de 30 ans. Jusque-là, la filière pro comprenait quatre ans d'études et trois diplômes : le CAP, le BEP et le bac pro. La réforme de 2008 a supprimé le diplôme intermédiaire et ramené le cursus à trois ans. "Au début de ma carrière, on faisait 26 heures par semaine. Aujourd'hui, on en fait 18 mais je suis plus fatigué", développe le prof de génie thermique, car "tout le contexte autour du métier d'enseignant a changé". Il évoque également "un public différent, avec des élèves qui viennent directement de la troisième. Ils sont indécis et un peu perdus". A Ampère, 50% des élèves du lycée sont boursiers. "Beaucoup sont issus de familles monoparentales avec très peu de moyens. Sans compter ceux qui sont suivi par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse", décrit Alain David, professeur d'électrotechnique. Pourtant c'est le seul établissement du quartier qui ne soit pas en zone d'éducation prioritaire (ZEP). Mais là n'est pas le problème. Pour lui, le constat est sans appel :
Depuis quelques années, les lycées professionnels sont sacrifiés, on leur retire progressivement des moyens.
"On déshabille l'un pour habiller de l'autre", formule-t-il avant de fustiger la réforme des collectivités territoriales en 2010 qui a donné plus de pouvoir au conseil régional en matière d'apprentissage. "Ce sont les élèves qui souffrent de ces réformes purement comptables", constate Philippe Grottelli, professeur de biotechnologie. En effet, le nombre d'élèves par classe a également augmenté avec des classes pouvant atteindre 30 personnes. Les trois postes qui doivent être supprimés concernent l'électrotechnique, l'histoire/lettres et l'anglais, pour un total de 34 heures par semaine. "Avec le gouvernement précédent, on savait à quoi s'en tenir mais, là, on annonce 60 000 créations de postes et on ferme des classes de l'autre côté", ajoute un des concernés.
Pression sur le rectorat
"J'ai des nouvelles !", annonce Alain Luque de la CGT à ses collègues, "le rectorat demande à nous recevoir". L'année dernière, les professeurs syndiqués ont réussi à obtenir le maintien d'un poste qui devait être supprimé. A l'époque, ils leur avaient suffi de rencontrer le recteur sans blocage du lycée. Cette année, ils ont dû poser leur cadenas pour obtenir ce rendez-vous. Les "enseignants en lutte" comme ils se présentent ont trois revendications : le maintien des trois postes, une augmentation de la dotation globale de l'heure et une diminution des heures supplémentaires. "On nous demande de faire des heures supp' et on vire de l'autre côté", ajoute un de ses collègues. Un peu plus tard, alors que les enseignants sont réunis dans le hall du lycée, le proviseur, Philippe Rémi, s'avance timidement et vient annoncer qu'il sera présent lors du rendez-vous au rectorat.
Devant une vingtaine de ses collègues, le leader syndical se montre peu optimiste quant à l'issue du rendez-vous. "On obtiendra rien, on l'a déjà en tête", ajoute Alain Luque qui sera accompagné de quatre représentants pour l'occasion. Les grévistes annoncent que "le blocage durera tant que la revendication ne sera pas satisfaite". Même si les questions pratiques se posent immédiatement. Une de ses collègues demande alors :
Si ça s'enlise, comment on s'organise?
Un autre enseignant demande s'il peut amener sa fille. Les enseignants restant sur le site attendront le retour de leurs représentants pour décider si le blocage se poursuit ou pas. Et les élèves dans tout ça ? Les professeurs semblent lucides sur le fait que les élèves se sentent peu concernés. Un des enseignants arrivés en dernier dans l'établissement et dont le poste est directement menacé, résume la situation ainsi : "Ta scolarité tu la subis plus qu'autre chose".
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