Les Mornings singuliers du Préavis de Désordre Urbain

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le 12 Sep 2012
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Les Mornings singuliers du Préavis de Désordre Urbain
Les Mornings singuliers du Préavis de Désordre Urbain

Les Mornings singuliers du Préavis de Désordre Urbain

Si d’aventure vous vous trouviez sur la Canebière, au niveau de l’église des Réformés un matin entre 10 et 11 heures, ne soyez pas surpris si vous apercevez quelqu’un dormir tranquillement dans un lit, un vrai, et ce en plein milieu des voies du tramway. Ne vous étonnez pas non plus si vous croisez un homme portant sur ses épaules une femme comme on transporterait un sac de pommes de terre. Pas d’inquiétude, le monde ne devient pas plus fou qu’il ne l’est déjà : vous assistez seulement – sans faire exprès –  à un Morning Plexus du festival "Préavis de Désordre Urbain".

 

Réunion au sommet

Chaque matin, aux alentours de 10 heures, des artistes et performers se donnent rendez-vous et surtout donnent rendez-vous au public. Pour échanger, communiquer, présenter leurs projets et l’avancement de ces derniers. Mélangez quelques grains de folie, un peu de rire, beaucoup d’échange, et vous obtenez les Morning Plexus.

Aujourd’hui, au Kiosque des Réformés, les deux invités étaient le collectif Ornic’art et l’artiste allemand Frank Homeyer. Quatre-quart, café, tisane : en attendant le top départ des performances, chacun peut se servir, pour s’étaler ensuite dans un des nombreux transats mis à disposition. Ambiance détente !

On distingue plus qu’aisément les performers des visiteurs. Rochdy, du collectif Ornic’art, ressemble à un Père Noël dont les hobbies seraient la plongée ou le BMX (ou les deux en même temps, soyons fous). Le tout assorti d’une jolie Kalachnikov – une fausse, bien-sûr. Frank Homeyer lui est plus discret – à condition d’oublier la natte sans fin le long de son dos.

Fantasmez !

Mais trêve de blabla, les choses sérieuses finissent par commencer. Ornic’art distribue des questionnaires au public. "Quel interdit aimeriez-vous transgresser dans une ville ?", ou encore "que faites-vous chez vous que vous aimeriez faire dans l’espace public ?" sont deux des douze questions proposées (et ce sont les plus classiques; il y a aussi des interrogations plus… étranges et complexes, du type «si vous pouviez ressusciter, comment aimeriez-vous vous suicider dans votre ville ?» Dur dur de répondre.).

Ce questionnaire est crucial pour la performance d’Ornic’art. Le collectif, durant deux semaines, met en place le Bureau des Fantasmes Urbain. Drôle de nom, me direz-vous. Oui, mais pour une idée plutôt ingénieuse ! Le Bureau s’implante dans la ville, et invite les passants à venir proposer leurs fantasmes urbains. "Si vous aviez la possibilité de vous approprier la ville à votre manière, d’y réaliser vos propres fantasmes… vous y feriez quoi ? C’est ça le principe du Bureau des Fantasmes Urbains, explique Rochdy. Cela peut dessiner les contours d’une ville et d’une manière d’y vivre différents." Les fantasmes sont collectés à travers les questionnaires, puis Rochdy et son collectif les mettent en scène. Ils prennent alors vie de manière éphémère dans l’espace public.

Tout cela en tête, on comprend alors mieux ce qui suit. "A la question "qu’est-ce qui vous semble impossible dans une ville ?", beaucoup répondent "dormir". On a donc décidé de créer les conditions qu’il fallait pour que cela arrive", raconte Rochdy. Un lit est installé dans la rue, puis déplacé et posé… sur les rails du tramway. Les passants commencent à se retourner, à se masser autour de Rochdy et de ses deux compères. L’un d’eux se glisse tranquillement dans le lit, se fait border puis une histoire lui est lue. Rochdy pendant ce temps monte la garde. Le tramway finit par arriver, et s’arrête à quelques mètres de notre Père Noël kamikaze. Le lit est déplacé après quelques secondes. "Le participant s’échappe de la logique de la ville, il prend quelques minutes rien que pour lui", explique Rochdy. Une expérience amusante à voir, parce qu’elle intrigue et correspond bien à l’idée de "désordre" que met en avant l’événement.

La balade des gens heureux

On se remet de ses émotions, et on laisse la place à l’Allemand du moment : j’ai nommé Frank Homeyer. Sa performance à lui, c’est Tabula Rasa. "Pensez à ce que vous voudriez faire ce soir, demain, dans un an. Pensez à ce que vous voudriez changer dans votre vie", demande l’artiste. Accompagnés d’une petite musique d’ambiance, les visiteurs, allongés sur leurs transats, ont cinq minutes pour y réfléchir. Frank aura ensuite besoin d’un participant. Suspense…

Après les minutes fatidiques, une femme de l’assistance se propose pour la performance. Elle avoue vouloir tout changer dans sa vie. Frank lui offre alors un voyage, du Kiosque à musique jusqu’à la porte de l’église. Et hop !, il se saisit de la participante et la pose sur ses épaules. C’est parti pour une petite promenade de santé… Inutile de préciser qu’à nouveau, cela a son petit effet sur les badauds : de loin, la scène ressemblerait presque à un enlèvement. Le temps d’un aller-retour, et Frank revient un grand sourire aux lèvres. Sa coéquipière a la tête qui tourne mais affirme avoir trouvé l’expérience très intéressante  : "Je fais ce petit trajet chaque jour, et je l’ai vu d’une manière totalement différente aujourd’hui. C’était comme apercevoir les choses à travers un écran. Les gens n’avaient aucune importance.» Et c’est bien ça le but de la performance de Frank Homeyer : "Pour changer les choses dans sa vie, il faut tout simplement s’abandonner, se relaxer, et surtout ne pas rester immobile. Il faut laisser couler les choses tout en avançant, et réfléchir posément." Une balade sur les épaules de l’artiste, et c’est un moment suspendu avec en prime l’oubli de tous vos soucis qui s’offre à vous. A qui voudra !

Le désordre qui ordonne

Le préavis de désordre urbain, c’est le désordre éducatif, le désordre qui fait réfléchir. Mais Rochdy vous l’explique bien mieux encore : "On ne génère pas du désordre pour le désordre. On vit dans un système fermé, et quand l’ordre se fossilise, la structure étouffe. Il faut qu’elle évolue, qu’elle se donne de la souplesse. Les artistes ont cette possibilité d’introduire temporairement du désordre pour remettre en mouvement cette machine. On fait vivre des expériences, avec l’ambition qu’elles transforment durablement le point de vue d’une personne sur le monde.» A bon entendeur !

Les Morning Plexus du Préavis de Désordre Urbain, tous les matins à 10 heures. 

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Commentaires

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  1. A. Nonyme A. Nonyme

    Initiative sympa, mais franchement le coup du tramway … C’est ridicule. Pourquoi n’emmerdent-ils pas plutôt les bagnoles ? Ils n’oseraient pas se mettre en plein milieu du Bd d’Athènes ou du Crs Lieutaud !

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  2. Eva Mostaert Eva Mostaert

    @A. Nonyme : Le potentiel de dangerosité n’est pas le même, je pense 😛 Ceci dit le Morning Plexus que je relate n’était que le second organisé depuis le début. Et Rochdy m’avait alors parlé de plein de projets de performances, et ça avait l’air bien foufou ! Je pense que le coup du tramway, ce n’était qu’un début 😉

    Eva

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  3. Nonyma Nonyma

    Effectivement, pourquoi toujours le tramway au milieu de cette sous-culture qui ne donne pas que des bonnes indées aux gamins.
    Pour la plaisanterie, OK, mais quand on se renouvelle dans le genre !

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