François-Michel Lambert, le député vert en costard noir
François-Michel Lambert, le député vert en costard noir
Soir de victoire électorale à Gardanne. Victoire peu commune pour le département des Bouches-du-Rhône, qui n'a jamais connu de député écologiste. Une ambiance capturée par les caméras d'EELV : derniers résultats griffonnés sur un coin de table, alors que la tendance est déjà très bonne, proclamation dans un local de campagne aux anges, petite interview maison avant d'écraser une larme dans les bras de François-Xavier Royer, fidèle compagnon de route…
Mais qui connaît M. Lambert ? Né à Cuba – son père y était en mission pour la FAO – ce quadra père de trois enfants a démarré sa carrière à Pernod Ricard où il a été rapidement muté en région parisienne. "Mais je suis un Méditerranéen et je n'ai eu de cesse de demander de repartir sur ses bords", glisse-t-il. Ce sera Gardanne, où il a ensuite "repris des études pour devenir ingénieur conseil, spécialisé dans la logistique et l'aménagement du territoire".
"Plus technicien que politique"
Un profil de cadre dans le privé qui tranche (un peu) au sein d'un groupe parlementaire où se côtoient plutôt chercheurs, profs, associatifs et pros de la politique… "FML" se dit d'ailleurs "très sollicité" au sein d'EELV pour ses compétences "en aménagement du territoire, notamment en transports de marchandises". Et a été propulsé la semaine dernière vice-président de la commission Développement durable à l'Assemblée nationale. "Pour moi ça va être un relais indispensable", se félicite Annick Delhaye, vice-présidente EELV du conseil régional déléguée au Développement soutenable.
"Je le situe plus comme un technicien qui fait de la politique que l'inverse, commente Jacques Charton, adjoint EELV à la mairie de Roquevaire. Il connaît un certain nombre de domaines, les transports, l'énergie. Il est pas débutant." Achim Gertz, co-fondateur avec lui du collectif de vigilance gaz de Gardanne, un des thèmes sur lesquels il a porté le fer, "admire sa capacité à bosser les dossiers".
Génération écologie
Pas un débutant sur les sujets "DD" certes, mais en politique ? Dans les locaux de Marsactu, c'est sur ce point que François-Michel Lambert a le plus longuement insisté. "On ne construit pas des choses sans un parcours long. Il faut que les gens arrêtent de croire qu'on se réveille un matin en se disant "j'y vais", clame-t-il. Dès 1994, j'étais dans la garde rapprochée de Noël Mamère, en tant que trésorier national de sa Convention écologie et solidarité."
Les deux années précédentes, il était de l'aventure Génération écologie. De cette époque, il revendique la proximité voire l'amitié des figures écologistes qu'il y côtoyait : François de Rugy et Sergio Coronado, aujourd'hui députés EELV, Christophe Madrolle, vice-président de la communauté urbaine et secrétaire général adjoint du Modem… Sur ses tracts, il a cependant opté pour une photo où il serre la main de Manuel Valls. Jeudi, pour fêter son élection, il avait à ses côtés le sénateur et n°2 du parti Jean-Vincent Placé.
Passé ce petit exercice de name dropping, place à l'analyse politique du François-Michel Lambert conseiller municipal de Gardanne, qui dit "y être arrivé il y a 10 ans mais pas sans une expérience de cadre politique", notamment des campagnes électorales. Il avait, assure-t-il, "intégré dès 2010 l'idée qu'un accord électoral allait se négocier pour contourner l'absence de proportionnelle". Mais surtout que la circo 1310 était la bonne : un redécoupage jugé favorable, l'absence de leader socialiste, le "pare-feu antiparachutage" que représentent les expériences malheureuses de ceux de Bernard Tapie et Bernard Kouchner… "Personne n'était capable dans ma circonscription d'avoir une telle analyse", conclut-il.
"L'écolo en cravate"
Il n'a pas un peu les chevilles enflées notre nouveau député ? "Ce n'est pas le genre à rouler des mécaniques, dément Jacques Charton. Mais un gars qui part avec une image de sparring-partner allant se friter avec un sortant qui en est à deux mandats a besoin de se positionner." Il a en mémoire la couverture médiatique dans l'édition locale de La Provence le lendemain de l'élection : "3/4 de page pour Deflesselles, 1/4 pour Lambert. Quelqu'un qui voit ça, il essaye de dépasser sa modestie naturelle. Et en fait peut-être, du coup, un peu trop".
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Son look de cadre Pernod Ricard – il ne quitte jamais sa veste noire, même pas pour une partie de pêche – n'aide peut-être pas. "Quand j'ai vu le débat (sur Marsactu, ndlr) avec Mallié je me suis dit "oh peuchère". Il n'était pas très décontracté, on avait d'un côté l'écolo en cravate et de l'autre quelqu'un en bras de chemise, à l'aise", raconte Achim Gertz. Une de ses proches, à qui il l'avait présenté, l'a trouvé d'ailleurs "hautain. Mais c'est une apparence". Son premier conseil post-élection était toutefois celui de "garder les pieds sur terre."
Bon navigateur
Gertz, lui, a été exclu du parti à cause des velléités de son groupe local du pays d'Aix de faire alliance avec le centre – "la droite" dit Annick Delhaye qui était "en pointe" contre ce projet – pour les municipales 2008 d'Aix-en-Provence. Lambert, qui était membre du groupe mais implanté du côté de Gardanne, "était à fond avec nous mais n'a pas démissionné par solidarité. C'est quelqu'un qui sait naviguer, il n'est pas dans une stratégie de confrontation". Naviguer, et même passer sous silence une responsabilité importante lors de la présentation de son CV : il a été à la tête régionale du parti. Il faut dire qu'il l'a quitté rapidement : "aux législatives 2007, il a soutenu une candidature socialiste avec laquelle nous n'étions pas d'accord", raconte Annick Delhaye.
"C'est quelqu'un qui va droit vers son but", résume Gertz, qui ne lui en tient pas rigueur. Nathalie Coutenet non plus qui a fini première des femmes lors du vote des militants de circonscription appelés à choisir un candidat de chaque genre, et sait que l'investiture ouvrait de belles perspectives de victoire. Pourtant, et elle ne le précise pas, la 10e était à l'origine "réservée femme" par le parti pour assurer la parité. Nul doute que l'entregent dont Lambert ne fait pas mystère sur d'autres sujets lui aura permis de forcer son destin…
En parlant de destin… "Je lui avais fait un petit dessin avec mes poissons (qu'il publie régulièrement sur son blog, ndlr) où je disais que Paul le poulpe avait prédit qu'il serait député. Il l'avait dans son salon puis il l'a accroché dans son local de campagne", s'amuse Achim Gertz, qui du coup lui en a concocté un autre où il lui prédit un poste de ministre en 2024... Lambert que certains décrivent comme ambitieux et qui siège dans l'opposition à Gardanne a en tout cas été clair face à Marsactu : "je suis contre le cumul dans mandats – je suis d'ailleurs le seul député de la région à avoir signé la charte Anticor – donc je ne serai absolument pas candidat à la mairie. Je n'ai jamais cru à la gestion de tout un territoire par un seul homme, mais à la capacité à faire émerger des femmes et des hommes."
Plutôt melon que pastèque
Pour clore le chapitre, Gertz, qui a fait front commun avec lui contre les permis d'hydrocarbures, lui reconnaît "des convictions". Avec un profil "que je situe au centre au niveau économique et social plus une forte sensibilité écologique", analyse Jacques Charton, dont "ce n'est pas [le] positionnement politique. Je suis plus proche du Front de gauche." Autrement dit plutôt melon (vert à l'extérieur, orange à l'intérieur) que pastèque (on vous laisse deviner…). Avec, si l'on en croit son site de campagne, une farouche opposition au FN et ses idées.
Préférant éviter le terme de centriste, Annick Delhaye – qui est elle "clairement à gauche" – le voit "plutôt comme un pragmatique, un modéré". Pragmatique : le mot est endossé volontiers par Lambert, qui dit vouloir "mettre les mains dans le camboui". Un héritage de Génération écologie, avec l'idée que cette dernière "ne soit pas qu'une vision". Autre leitmotiv tiré de GE : "penser global, agir local. Tous les mots sont important. Tiens, je vais peut-être réutiliser ce slogan…"
S'il y avait un camarade dans lequel il se reconnaît localement, se serait Karim Zeribi : "nous avons un député européen (Zeribi, ndlr) et un député, tous les deux élus dans des territoires jugés inaccessibles aux écologistes. On a une responsabilité Karim et moi de démontrer que les écolos ne sont pas ces élus boboïsants mais ceux qui ont les meilleures réponses". Il admet même que Zeribi "porte un discours qui descend directement auprès des électeurs, à moi de le faire encore plus. C'est un point sur lequel il faut que je m'améliore". Mais dans cette veine, c'est du Nordiste Jean-François Caron qu'il se rapproche le plus : même parcours (GE, convergence écologie solidarité, EELV), même ancrage dans un bassin minier. Un patrimoine qu'il a réussi samedi dernier à faire inscrire au patrimoine mondial de l'Unesco.
Le changement, "ça va être difficile"
Capacité à naviguer, pragmatisme : Lambert devra certainement faire usage de ces traits de caractère pendant son mandat. "Vu la position d'EELV dans la majorité, ça va être très difficile. Quand on voit sur les permis pétroliers en Guyane les couleuvres qu'ils sont obligés d'avaler…", commente Achim Gertz. Même son de cloche chez Claude Jorda, conseiller général Front de gauche du canton de Gardanne, qui avait clairement appelé à voter pour lui au second tour : "je compte sur lui en tant que député pour mettre en musique le changement, ce qui ne va pas être facile".
Faire pression sur le PS, mais aussi faire avec la pression venue de sa gauche. Jorda espère le rencontrer pour faire le tour des sujets de la circonscription. Sur l'industrie – Rio Tinto Alcan, la centrale de Gardanne… – il concède qu'"il est pas un anti, ce n'est pas un écolo qui va dire "il faut fermer les usines à cause de la poussière". Je pense qu'il se soucie de l'avenir industriel de notre région et de comment le marrier avec l'environnement".
Sur le travail du dimanche et "comment on revient sur cette loi" emblématique de son prédécesseur, ça s'annonce plus compliqué. En débat avec Mallié, son challenger ne la contestait pas, s'opposant simplement à son extension. "Je suis vraiment contre l'ouverture le dimanche et il me semblait que c'était un positionnement partagé à EELV", s'étonne Annick Delhaye.
Idem pour la légalisation du cannabis ou l'entrée de la Turquie dans l'UE, sujets autour desquels il avait louvoyé pendant le débat. La vice-présidente du conseil régional s'attend toutefois "à des positions moins modérées en tant que député élu que comme candidat", moins sous la pression de "ne fâcher personne" avant le jour crucial du vote. Surtout qu'il faudra respecter la discipline de groupe et qu'"on peut compter sur lui", estime-t-elle.
Commentaires
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Il est beaucoup plus que ça, on peut lui faire confiance, nous ne serons pas déçu !
N’émettons pas des propos désobligeants, ne salissons pas son intégrité, ne lui mettons pas des bâtons dans les roues !
Et si on déblayait les dossiers locaux pour avancer plus vite ?
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Il ferai mieux de s’occuper de la radioactivité des residus de bauxite de Guinée (boues rouges)Et des 48 millions de tonnes de ce dechet TOXIQUE et radioatif en mer et sur terre Lisez Mediapart et le financement de L’ economie circulaire par l’industriel Alteo(fond de pension Americain)Demandez moi le rapport confidentiel.
gerard rivoire@sfr.fr
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Je viens de vous voir sur bfmtv.bonne prestation,il est honteux de voir de nos jours que les eco taxes soient prélevées par une société prive Italienne .qu’une enquête est lieu dans les plus brève délai , sur les méthodes de contrat émis par le précédent gouvernement .h
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