Duchaîne part à la pêche au squale : avec une canne à bouchon ?

Duchaîne part à la pêche au squale : avec une canne à bouchon ?

"Rester calme et boire frais". Ce n'est pas du Michel Audiard, mais c'est tiré d'un célèbre nanard du cinéma français, et c'est une des citations préférées de Bernard Squarcini , dit le squale, ou squarce, (rayer les mentions inutiles), le patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DRCI), selon les auteurs de L'espion du président, une bio récemment éditée et largement non autorisée sur le grand patron du renseignement français. Boire frais peut-être, mais rester calme, pas sûr que ce soit depuis quelques heures, vraiment l'humeur du Squale. Car justement un des 3 auteurs du fameux bouquin Didier Hassoux, qui est également premier flingue au Canard Enchaîné vient de lancer une bombinette sur la canebière qui fait déjà beaucoup parler ce matin, même si tout ça ne devrait pas aller bien loin. Tentative de déminage. 

Cela fait plusieurs jours que l'investigateur du palmipède traînait autour du vieux-port. On le disait plutôt intéressé par les histoires des HLM de la droite locale, mais c'est donc du côté du guérinigate que le coup est parti. Et dans un sens parfait du teasing, l'info a commencé à circuler hier soir et a vite été reprise en boucle dans les médias, et c'est vrai qu'elle est bankable :  selon Le Canard donc

le juge Duchaîne aurait demandé au parquet un supplétif à son enquête sur JNG, afin de pouvoir entendre le squale qu'il soupçonne de trafic d'influence.

Ouf,ouf,ouf.Pour essayer de la faire courte, Duchaîne soupçonnerait le squale d’avoir filé pas mal d’infos sur l’enquête à son ami Jean-Noël, en échange de quoi JNG aurait favorisé la carrière professionnelle des 2 enfants Squarcini qui travaillent au conseil général des Bouches du Rhône, où plus exactement qui travaillaient, car un des deux a depuis changé de crèmerie. Mouais. Et histoire de charger encore plus la barque, ces infos auraient été obtenues via notamment des écoutes illégales. Hum,hum.

C’est vrai que JNG et Alexandre Guérini ont toujours fait les malins à Marseille, à la fois sur leur relation avec le squale "notre ami", et sur leur niveau d’information sur le dossier

on sait tout, qui appelle qui, qui parle avec qui.

Les PV d’instruction sont remplis de SMS d’Alex et d’interrogatoires de son imprudente compagne Jeannie Peretti qui semblent prouver qu’ils étaient très bien informés. D’autre part, toujours selon le Canard, Charles Duchaîne appuierait ses soupçons sur des déclarations du fameux Jean- Marc Nabitz, l’ancien patron de 13 développement, la sulfureuse filiale du CG 13 où justement travaillait un des enfants du squale. Nabitz, qui depuis qu’il est en détention provisoire a beaucoup balancé sur tout le monde, droite et gauche confondue, se serait aussi mis à table concernant JNG qui lui aurait demandé d’augmenter le fils du squale, sans vraiment de justification.

Si tout ça fait très mauvais genre, pas sur néanmoins que ça aille très loin. D'abord parce que le fait que le Squale surveille comme le lait sur le feu l'affaire Guérini, et ce depuis le départ, n'est pas vraiment un secret. Il a été préfet de police à Marseille jusqu'en 2007 et en connaît donc parfaitement les acteurs principaux.

En bon flic des RG – avant de venir à Marseille il a été numéro 2 des renseignements généraux – il a toujours beaucoup fréquenté les politiques, mais aussi les journalistes pendant ses années sur le vieux-port. Et forcément beaucoup déjeuné et dîné avec JNG, un des personnages les plus influents de la canebière doublé d'un compatriote, ce qui vaut beaucoup pour le squale. Ce qui a fait d'ailleurs à l'époque beaucoup de jalousie chez d'importants pinsuts locaux, notamment du côté de l'hôtel de ville.

D'autre part, son patron de l'époque, le Préfet de Région Christian Frémont, aujourd'hui directeur de cabinet du président de la république, connaît lui aussi parfaitement le dossier. JNG a même indiqué au début de l'affaire que c'est Frémont qui lui avait demandé d'acheter le fameux terrain de La Ciotat pour le transformer en décharge. Une défense qui a depuis fait pschiit, mais néanmoins le squale a toujours fait très attention à ce que Frémont ne soit pas éclaboussé par ces histoires de poubelles, et surtout par ricochet le locataire de l'Elysée. C'est quand même surtout pour ça que le squale est payé, ce qu'on lui reproche par ailleurs. On peut ajouter au passage que la présence d'Henri Proglio decidément de tous les mauvais coups, dont Squarcini est proche, a là-aussi renforcé sa vigilance.

En ce qui concerne ses enfants employés au CG, Squarcini s'en est toujours défendu :

 ils travaillent, ils ont des diplômes, ils ont les compétences pour les postes qu'ils occupent.

Même si autour de lui, comme les auteurs de " l'espion du président" l'avaient souligné on reconnaît

une vraie maladresse de la part de Squarcini

La justice dira si on est là dans du "trafic d'influence", mais ça n'a quand même pas l'air de casser 3 pattes à un canard, notamment compte-tenu des sommes en jeu, car selon La Provence de ce matin le fils du squale a démarré en 2005 à 1700 euros pour finir à 3050 euros en 2011. On a vu pire. Surtout que c'est le fameux Nabitz qui balance et qui en a dit de bien pire par exemple sur Gaudin, et ce qui à notre connaissance, n'a donné lieu à aucune investigation.

Autre point qui plaide en faveur du squale, c'est l'information sortie hier par la journaliste Louise Fessard de Médiapart et qui indique que, après enquête, aucun des acteurs de l'affaire (Duchaine, les gendarmes, l'expert Garossian, Cachard ami et avocat de Muselier…) n'avait fait l'objet d'une demande d'écoute, ou de facture détaillée (les fameuses "fadettes"), y compris de la part de la DCRI, selon les 3 opérateurs Bouygues, Orange et SFR interrogés. Pourtant le Squale, les fadettes ça le connaît, elles lui ont valu une récente mise en examen.

On ajoutera pour que le tableau soit complet qu'il est de notoriété publique que Duchaine et Squarcini se détestent, à cause d'une affaire corse là-aussi parfaitement racontée dans l'Espion du Président, où le juge avait été faire interpeller l'élu Corse Jean-Christophe Angellini, au sortir d'un déjeuner chez Maxim's (ouf pas au Fouquet's) où l'avait invité le squale. Qui avait dû passer quelques délicats coups de téléphones sur l'île pour expliquer qu'il n'était pour rien dans ce histoire. Pour toutes ses raisons, on se demande si, cette fois-ci, Duchaîne n'est pas allé à la pêche au requin avec une canne à bouchon. Un requin pointe-noire comme celui qui tourne désormais dans l'aquarium géant du nouveau siège du quai d'Arenc du Conseil général des Bouches-du-Rhône, racheté récemment à l'armateur CMA CGM.