Incinérateur de Fos-sur-Mer : enfumage à tous les étages
Incinérateur de Fos-sur-Mer : enfumage à tous les étages
Faut-il autoriser l’incinérateur de Fos-sur-Mer à brûler 360 000 tonnes, soit 60 000 de plus qu’actuellement ? C’est la question posée au préfet des Bouches-du-Rhône, et jusqu’au 8 décembre par une enquête publique, suite à la demande d’Evéré, qui exploite le site pour le compte de la communauté urbaine de Marseille (MPM). Du côté des élus et habitants du golfe de Fos, qui ont déjà dû se résigner à voir le projet se concrétiser malgré leur opposition, l’argument principal de la société (elle ne peut traiter l’intégralité des déchets de cette dernière), a du mal à passer (voir notre article d’hier).
Mais en réalité le scénario, officiellement présenté en avril par Evéré, était déjà écrit depuis longtemps, pour au moins deux raisons. La première tient dans cette réalité physique que l’audit commandé par le nouvel exécutif de gauche de MPM avait identifié en 2009. Le premier contrat signé en 2005 sous la mandature de Jean-Claude Gaudin (UMP) prévoyait 390 000 tonnes pour la mise en service en 2007. 35 procès, une annulation de la délégation de service public (DSP) et de multiples retards de chantiers plus loin,pour 2011 sa première année effective de fonctionnement, le site devrait absorber 459 000 tonnes. Un constat d’échec pour les prévisions et la politique de réduction des déchets et de recyclage du maire de Marseille et de son successeur (malgré une amélioration).
Ci-gît la parole donnée
Eugène Caselli récupère donc le bébé en 2008 après son élection à la tête de MPM sur les listes Guérini, qui s’était engagé à ne pas faire l’incinérateur, avec une DSP annulée par le tribunal administratif. Et, on l’a dit, commande un audit. Que dit-il ? “Dans l’installation prévue à la convention de DSP (initiale, ndlr), c’est l’incinération qui absorbe le tonnage supplémentaire”. La rallonge est facile : même s’il n’a été autorisé par le préfet que pour 300 000 tonnes, l’incinérateur a été construit pour en brûler 360 000, aux côtés des 110 000 de méthanisation (du moins théoriquement, voir plus loin). Malgré les cris d’orfraie des opposants et la justification par l’urgence des défenseurs, la situation est donc connue depuis longtemps.
En février 2009, vu la construction à 95% de l’incinérateur et les pénalités qui découleraient de son abandon analysées par l’audit, Eugène Caselli signe une nouvelle DSP, au grand dam des élus du golfe de Fos qui inaugureront un peu moins d’un an plus tard un “rond-point de la parole donnée”. Mais le revirement s’accompagne d’un autre engagement – conseillé par l’audit pour qui c’est la meilleur solution – et voté dans une délibération sur les “orientations d’évolution du projet”: “ramener la quantité incinérée de 360.000 t/an à 250.000 t/an, en augmentant la quantité méthanisée de 110 000 tonnes à 220 000 tonnes”.
Imaginez : “Dans cette hypothèse, la Communauté Urbaine rééquilibre le rapport incinération – méthanisation pour un surcoût supportable par la collectivité (53% – 47% au lieu de 77% – 23%). Elle anticipe ainsi les dispositions du Grenelle de l’environnement, notamment au regard de l’objectif de diminution de 15% d’ici 2012 de la quantité de déchets incinérés et stockés.” Alléluia… Retour sur terre : aucune deuxième ligne de méthanisation ne semble à l’ordre du jour, et c’est “l’incinération qui absorbe le tonnage supplémentaire” pour reprendre la formule de l’audit. “Ci-git la parole donnée”, bis repetita, les Fosséens peuvent se construire un nouveau rond-point.
Déficit caché de capacité
La deuxième raison est peut-être encore plus gênante : elle tient au fameux aspect “multifilières” du CTM, qui on le rappelle a toujours été présenté comme ayant une capacité de 300 000 tonnes pour l’incinération plus 110 000 tonnes pour la méthanisation, soit 410 000 tonnes. La réalité des flux, que détaille le résumé d’Evéré pour l’enquête publique (voir ci-contre), est plus complexe. A l’arrivée des ordures ménagères, une première phase de tri permet d’extraire les plastiques et les métaux mis à la poubelle classique par les Marseillais : c’est la première filière, qui pèse 6 657 tonnes et repart illico chez des centres spécialisés dans le recyclage de ces matériaux (soit tout de même plus de 20% de ce que la collecte sélective permet de récupérer par ailleurs).
Le reste part à l’incinération ou à la méthanisation, ce sont les deux autres filières. Le hic : si 110 000 tonnes entrent effectivement dans l’“unité de valorisation organique”, suit une deuxième phase de tri où “l’on retire les cailloux, le verre, le plastique, qui représentent environ la moitié du tonnage”, explique Béranger Saltel-Pongy, dircom d’Evéré. Ils n’ont rien à faire dans un compost, on est d’accord.
Aux 110 000 tonnes entrantes, 55 000 sont donc retirées. Donc d’une part comptées double puisque venant rentrer dans la capacité de l’incinération (où 13 131 tonnes sont envoyées) et d’autre part (pour 36 819 tonnes) rejoignent la catégorie que l’on ne peut pas exactement compter dans la “capacité” du CTM des déchets finalement envoyés en décharge (la dernière et “ultime” filière). Refaites le calcul de ce qui entre et ressort : le CTM ne permet de retirer de la circulation que 355 000 tonnes. Et encore, on ne compte pas les mâchefer et autres résidus de traitement des fumées qui restent après l’incinération et doivent aller à la décharge… A la limite on peut en revanche y ajouter les 6 675 tonnes de matériaux recyclables qui viennent réduire le tonnage de déchets à traiter.
Coïncidence, le manque correspond quasiment à la rallonge que demande Evéré au préfet. N’y a-t-il pas déjà moyen de faire mieux de ce côté ? “Il n’y a pas d’écart entre ce qui a été conçu et la façon dont cela fonctionne aujourd’hui”, répond Béranger Saltel-Pongy. Tout est normal donc. De deux choses l’une alors : ou les élus en étaient conscients, et cachaient de manière irresponsable sous le tapis le déficit quand ils parlaient au diapason des communicants d’Evéré de 410 000 tonnes. Ou ils n’avaient pas fait les comptes, et c’est grave… En tout cas “les dispositions contractuelles de la DSP ne prévoient pas de pénalité en cas de non respect des engagements en termes d’objectif de méthanisation/compostage. Seules des voies juridiques pourraient éventuellement être exploitées”, nous indique MPM.
Encombrants mais juteux DASRI
Dans ce contexte, le deuxième volet de l’enquête publique apparaît comme une cerise sur les bordilles : Evéré demande au préfet, dans ses 60 000 tonnes de rab’, à pouvoir brûler 10 000 tonnes de juteux déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI). Or, dans son argumentation générale pour obtenir 60 000 tonnes supplémentaires, Evéré explique que cela permettra notamment de limiter les fameux “refus” qui sont retirés avant la méthanisation et envoyés en décharge alors qu’ils pourraient être brûlés sur place dans l’incinérateur s’il avait une capacité plus importante.
Problème, et Béranger Salter-Pongy finit par le reconnaître, “une petite part de refus combustibles” devrait encore partir en décharge avec le projet tel qu’il est présenté. En fait 8 936 tonnes, contre 11 844 aujourd’hui. Tonnage que les fours pourraient très bien accueillir s’ils ne devaient pas en plus se charger des DASRI. N’est-ce pas mettre un peu la charrue avant les bœufs d’aller chercher des sources extérieures avant d’avoir “rempli pleinement sa mission qui est d’accueillir tous les déchets de MPM” ? “C’est une proposition”, se contente de répondre Evéré.
D’autres candidats en lice
Pas de chance, ses arguments pour le volet DASRI ont par ailleurs été quelque peu émoussé lors de la réunion publique de lundi soir à Fos. “Le département ne dispose pas d’installation de traitement pour ce type de déchets”, avait lancé Béranger Saltel-Pongy. “C’est faux. Nous avons ici présent le patron d’une entreprise martégale qui a l’autorisation de traiter les DASRI”, a rétorqué le maire de Fos René Raimondi (PS). “C’est une installation de pré-traitement qui banalise les déchets (qui peuvent rejoindre les ordures ménagères, ndlr), pas de traitement”, a minaudé son interlocuteur.
Quoi qu’il en soit JCG Environnement (c’est son nom, rien à voir avec notre bon sénateur-maire rassurez-vous), ne peut certes traiter que 1 800 des 10 500 tonnes produites par an dans le département, mais elle a même fait en mai une demande d’augmentation de capacité au préfet. Tout comme un second projet à La Penne-sur-Huveaune. Ils attendent toujours. Pas Evéré, qui a déjà son enquête publique, a grincé René Raimondi, qui voit le mal partout…
Les “orientations d’évolution du projet” votées en février 2009 en même temps que la DSP, qui prévoient également un “dispositif de suivi de la santé des riverains de l’installation”…
Le “résume non technique” d’Evéré pour l’enquête publique :
Commentaires
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Une fois retiré des poubelles le papier, le carton et tous plastiques il reste quoi ?
Des déchets verts (parfaitement valorisables, au niveau micro des foyers avec le compostage, ou macro de la bio énergie) qui ne brûlent pas, du moins sans carburant. Alors on rajoute les bennes d’embalages péalablement triés par ces couillons de citoyens.
L’incinération est PAR NATURE l’ennemi du tri séléctif; faire le choix de l’incinérateur c’est à la base torpiller le tri.
“Oui mais et alors on faisait quoi ? ”
Ben on observait que les règles européennes n’ont pris personne en traitre, que les communautés urbaines ont eu des décennies pour se préparer, et que pendant que les Alsaciens en sont arrivés à ne presuqe plus avoir de “poubelles” (ils payent à la levé, selon le poids : autant dire que comme par hasard tout le monde recycle), et ben nous dans le sud les cercles mafieux qui ont fait perdurer l’enfouissement et acculer à l’incinération nous foutent dans la m…
Merci Guérini, encore une fois.
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Bon alors, si j’ai bien compris: l’incinérateur est en sous capacité mais demande une hausse de son autorisation de traitement, c’est ça? Ou alors c’est l’inverse….?
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Fos,1963.Au nord des marais sur lesquels la raffinerie esso va être construite,un peu en retrait d’un déffilé de camions transportant des cailloux pour remblayer ces plans d’eau,un vieux fosséen appuyé sur le guidon de son vélo ,éffondré,pleure…Il a vécu une modeste vie de pauvre,mais au centre d’un pays d’une immense richesse naturelle.Dans une région propre et saine où il n’y avait qu’à tremper un fil dans l’eau pour avoir du poisson et se baisser pour rammasser des coquillages.Les taureaux et moutons complètaient les modestes besoins des habitants de ce beau village .A peine deux mille habitants.tout le monde se connaissait.
Et puis,ça a fait comme quand on dépose un sac d’ordures au beau millieu d’une place vide et bien propre ..C’est comme l’effet domino .Le lendemain,vingt sacs s’entassent sur celui qu’on a déposé..D’un seul coup,Fos a explosé!! Tout est parti ,vingt mille ouvriers de tous les métiers sont arrivés comme des abeilles sur une rûche.Des chantiers ouvraient de tous les côtés.Pendant un moment il y a eu jusqu’à un mort par jour dans ce (rush) invivable.
La suite ,on la connait…Manifestants ou non,les fosséens se sont fait bouffer
par ce monstre du profit qui ne respecte rien .Depuis solac imposée par Giscard,les industries ont mangé tout le territoire.La pollution,n’en parlons pas.Il a été assez dit et écrit
que nous sommes la région la plus (cancerisée)de France!!Un grand honneur!
Aujourd’hui,presque cinquante ans après,c’est moi qui pleure.
Dans les années soixante,faute de moyens ,mon épouse et moi,avec deux enfants en bas age,avons consacré quatre ans de nôtre vie à construire la maison de modestes rêves.
Quatre ans pendant lesquels j’avais bien sûr un travail et où il m ‘est souvent arrivé de faire 35 heures en deux jours!Tout ça pour finir nôtre vie dans un immense
merdier de polution de produits chimiques et de trafic routier insupportables.
Fos s Mer c’est aujoud’hui 17.000 habitants qui subissent en plus, la proximité et les retombées d’un incinérateur qu’on a installé chez eux pour dégager la merde des autres!
Et en plus,pour une question de profit on va bénéficier des déchets hospitaliers.
.Quelle générosité Mossieu Gaudin!!
On pourrait en ajouter encore,mais devant le constat de la connerie humaine face à l’appat du profit,je ne le verrai peut être pas,mais il est beau le mur dans lequel on va…
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j’ai une petite demande de précision sur l’article.
Il est dit qu’il y a un premier tri à l’arrivée des OMR à Fos. Soit, qui a vu le dispositif technique fonctionner ?
Quels matériaux retirent-ils de ce tri avant incinérateur ?
Si c’est le cas, il n’y a plus besoin de mettre en place des collectes sélectives des déchets ménagers et tout le monde est content !
est-ce que ce qui est sorti de cette phase de tri rentre dans les critères de contribution des éco organismes (Eco emballages, Ecofolio ou Ecosytemes) ?
Rassurez-vous tant qu’à Marseille, ce sera toujours plus facile d’aller jeter ses poubelles au container dans la rue et de faire plus de distance pour aller à un container de tri, il ne sert à rien de faire appel au civisme et autre citoyenneté pour augmenter les performances de tri.
Enfin, le tri sélectif n’améliore rien de plus que le tri des déchets ou la collecte sélective. Trier et sélectionner n’est-il pas à peu près la même chose ? Svp, éviter le pléonasme et on commencera à progresser !!!
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Bravo pour votre article très bien argumenté .
Il serait souhaitable qu’une enquête très poussée soit faite sur le choix de la société choisie par GAUDIN pour l’incinérateur alors qu’il présidait MPM : on découvrait des éléments très intéressants.
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Pour moi, tout le problème vient des déchets. Il y en a de plus en plus, donc il faut bien s’en occuper ! Et ça, c’est le boulot du CTM de Fos. Donc si le volume des déchets augmentent, c’est quand même pas leur faute. Et je doute qu’ils fassent exprès de mal les traiter, ça les avancerait à quoi ?
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Plusieurs commentaires, les autres ayant deja ete dit dans l’article precedent :
– Titoune essaye de nous faire pleurer sur un monde disparu, indemne des pollutions, se plaignant des pollutions et cancers generes par la ZIP pour nous dire avoir bati sa maison sur place. Pas tres logique comme comportement.
– si je comprend bien : les OM de MPM sont de 460 000 tonnes. Sauf erreur ou omission, une partie (vers La Ciotat par exemple) va directement en decharge sans passer par Fos.
Faut il donc considerer les 460 000 tonnes comme allant a Fos ??
Sii je prend les 460 000 tonnes et que Fos incinere 300 000 tonnes et methanise 55 000 tonnes, je presume qu’on envoie en decharge 105 000 tonnes (sans parler des machefers). Ce n’est pas tres coherent. Le centre devrait etre prevu pour tout valoriser ou presque, par l’un ou l’autre systeme. Or, l’incineration est prevue a 300 000 tonnes et la methanisation a 100 000 tonnes, soit un deficit de 60 000 tonnes (soit l’augmentation demandee par Evere).
Avec un accroissement de 60 000 tonnes d’incineration, on restera a 45 000 tonnes d’enfouissage ( c’est a dire le moins constate sur la methanisation).
A moins de prendre nos elus pour des nuls en calcul mental ou des pourris favorisant M. Frere, j’en conclue qu’il s’agit au choix, d’une mauvaise gestion du tri selectif aupres des habitants (pour reduire le volume des 460 000 tonnes d’OM produites) soit d’un probleme sur la methanisation.
Dans les deux cas, la gestion de MPM semble mauvaise et Evere semble faire ce qu’il veut.
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