Villages de marques : et si Marseille jouait collectif ?
Villages de marques : et si Marseille jouait collectif ?
« Plus d’un millier d’emplois créés, 100 millions d’euros de travaux pour les entreprises locales, un projet structurant pour le quartier, un stationnement facilité par un vaste parking de 2 500 places, [la] création d’infrastructure pour fluidifier la circulation de la zone ». Telles sont les promesses étalées par Estimmo, porteur d’un projet de villages de marques à La Valentine dans une page de pub diffusée dans La Provence mi-avril.
Une manière de désamorcer les vives critiques soulevées par l’implantation sur 26 000 m2 de 125« magasins d’usines », qui proposent des marques de vêtements à prix cassés. Venant de Laurent Carratu, patron de Toinou et président de Terres de commerces, inquiet pour le commerce de proximité, du maire de secteur Robert Assante (Nouveau Centre), soucieux de la circulation automobile supplémentaire dans une zone déjà saturée et peu accessible en transports en commun, mais aussi de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence, qui a demandé dans un communiqué un « moratoire », ces réactions ont abouti au report du passage du dossier en commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), chargée d’autoriser ou non toute extension ou création de magasins.
Un moyen aussi pour Frédéric Touati, tête de pont du projet de La Valentine, de se positionner face aux deux spécialistes du genre qui ont commencé à prospecter dans la région : Marques Avenues aux Pennes-Mirabeau et Mac Arthur Glenn à Miramas. En conseil municipal de Marseille, l’adjointe au commerce Solange Biaggi (UMP), qui défend le village de marques de La Valentine, a bien résumé la préoccupation de la majorité : contrer les projets concurrents et les zones déjà existantes, comme Plan-de-Campagne et Aubagne, et ainsi rapatrier ce milliard sur les quatre dépensés par les Marseillais qui l’est hors des frontières de la ville.
Un sujet pour le pôle métropolitain
De quoi poser la question de la cohérence de la politique commerciale de la ville et de ses voisines. « On a l’impression d’être revenus 20 ans en arrière avec des coups de promoteurs qui achètent des terrains et font miroiter des emplois », commente Jean-Louis Urbain, membre du conseil de développement du pays d’Aix, qui s’est penché sur la question du commerce. Il s’étonne notamment qu’après avoir poussé le chantier des Terrasses du Port, des Voûtes de la Major, l’extension du Centre Bourse et la rue de la République, qui devaient placer le pôle d’attraction commercial au centre-ville, la municipalité s’éparpille « au gré des opérations immobilières » au Vélodrome et à la Capelette et maintenant à La Valentine. « Si je suis franchisé Mango en centre-ville et qu’ils s’installent au village de marques, vous pensez que la griffe va doubler sa clientèle ? », ironise-t-il, avant d’ajouter : « J’ai eu Jacques Boulesteix (président du conseil de développement de Marseille Provence Métropole, ndlr) qui m’a dit « c’est typique de Marseille, on fait du coup par coup ». »
« Si on créé des emplois d’un côté pour en supprimer de l’autre, ce n’est pas cohérent », répond en écho Michel Amiel, maire socialiste des Pennes-Mirabeau, qui confirme avoir été contacté par Marques Avenues. « Vu la taille, la complexité et la multiplicité des projets, il n’est pas question de laisser partir cela n’importe comment sans concertation croisée », assure-t-il. Son premier souci sera donc d’en discuter au sein de l’agglo aixoise, mais aussi avec le comité de pilotage de Plan-de-Campagne. A la mairie de Miramas, qui n’a pour l’instant pas donné suite à nos sollicitations, on semble au contraire enthousiaste, espérant un « premier coup de pioche d’ici la fin de l’année », avait rapporté La Marseillaise début avril.
L’idéal pour Michel Amiel serait que l’ensemble des grandes agglomérations du département se mettent d’accord : « c’est un des éléments qui peut être envisagé par le pôle métropolitain. Nous étions contre une grande métropole, par contre, le pôle nous paraît être un outil pour des grands projets structurants. On est en plein dedans. » De quoi donner, après le sujet crucial des transports, du contenu à cette coopération entre Marseille, Aix, Aubagne, Salon, Fos et Martigues, qui doit aboutir d’ici la fin de l’année.
Requalification
Sur le fond, « que ce soit à La Pioline, à Vitrolles, à Plan-de-Campagne ou à Pertuis, le pays d’Aix est plus sur une réflexion en terme de confortement et de requalification » que de nouvelles implantations, assure Jean-Louis Urbain, qui cite le schéma de développement économique adopté en 2006. « Et c’est la même chose à Aubagne », assure-t-il, mettant cette fois-ci en avant la partie consacrée au commerce du PADD du Scot de l’agglo aubagnaise.
Le quoi du quoi ? Le Schéma de cohérence territoriale est un document d’urbanisme censé orienter à long terme la vision du développement d’un territoire : habitat, transports, activités économiques… Et le Projet d’aménagement et de développement durable en pose les grandes lignes, qui sont ensuite traduites dans un document d’aménagement commercial (DAC) qui doit « répondre aux exigences d’aménagement du territoire, notamment en matière de revitalisation des centres-villes, de cohérence entre équipements commerciaux, desserte en transports, notamment collectifs, et maîtrise des flux de marchandises, de consommation économe de l’espace et de protection de l’environnement, des paysages, de l’architecture et du patrimoine bâti ».
Tout un programme. En tout cas si au pays des sigles Aubagne et son pays de l’Etoile n’ont pas encore rédigé leur DAC, le PADD est clair : hormis le nouvel espace commercial des Gargues (80 000 m2), qui se veut mixte avec logements et loisirs, pour la maxi-zone de la Martelle, qui compte notamment la locomotive Auchan, premier hypermarché de France en terme de chiffre d’affaires, on parle de « requalification », souhaitant « conforter et redynamiser » les centre-ville. Le PADD de l’Ouest Etang de Berre, constatant une « importante évasion commerciale au profit de pôles extérieurs » parle lui en revanche de « renforcer l’offre interne en la complétant et en la diversifiant », mais ne fait pas de Miramas un pôle majeur.
Planification collective
De manière générale, entre le rapport Charié de 2009, pour qui « la vitalité de l’économie de marché ne peut plus s’affranchir de l’intérêt général », déplorant des « entrées de ville défigurées » et ces communes qui « torpillent la cohérence territoriale », la loi Grenelle II en 2010 et la proposition de loi Ollier-Piron, qui sera débattue en deuxième lecture à l’Assemblée, l’heure est au retour de la planification politique en amont des décisions ponctuelles livrées à des commissions par ailleurs appelées à être régionales plutôt que départementales lorsque l’influence des projets l’exige.
Quelques pionniers comme Rennes, Brest, Lyon ou Grenoble, salués par la Fédération nationale des agences d’urbanisme, ont ouvert la voie, avec des démarches très ciblées. A Marseille Provence Métropole, on n’en est encore qu’à l’état embryonnaire dans l’intégration du commerce au Scot, reconnaît Patrick Magro, vice-président chargé de l’aménagement du territoire. A l’échelle du département, il faudra se contenter du schéma de développement commercial des Bouches-du-Rhône, très épais et complet sur les statistiques, mais très vague et sans portée obligatoire sur les préconisations.
Tendances lourdes
« On a du mal ici à anticiper les choses. On attend que les opportunités arrivent pour changer les documents d’urbanisme au lieu de dire « on va se développer de telle manière et donc prévoyons des stations d’épuration, de la voirie etc. »”, commente Sandrine Dujardin, directrice du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement des Bouches-du-Rhône, qui siège en CDAC.
Pour Jean-Louis Urbain, on ne peut en tout cas pas ignorer des « tendances lourdes », comme le développement du commerce en ligne et l’augmentation des prix des carburants. Cette semaine, Libération nous apprenait que « la fréquentation des centres commerciaux a baissé depuis trois ans (-3,9% en 2009) » et présentait le projet d’Aubervilliers, qui se veut « un quartier commercial, pas un centre » dixit le maire PS. Jean-Louis Urbain parle lui de « resserrer les fonctions urbaines (habitats, commerces services publics), pour éviter un de consommer de l’essence, deux de polluer, trois d’obliger les collectivités à créer des métros coûteux. » Loin des villages de marques qui n’ont de villages que le nom…
Une analyse des 4 générations de villages de marques, « temples du shopping touristique »
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De l’urbanisme commercial au commerce dans l’urbanisme, par la Fédération nationale des agences d’urbanisme
Urbanisme commercial et politiques de déplacements. Jalons pour un aménagement économique durable, par le Groupement des autorités responsables de transport
Nos centres-villes condamnés à se ressembler ?, par La Voix du Nord
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Commentaires
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On ne peut pas à la fois refuser la création d’une métropole et vouloir faire les poches des marseillais. Il est temps que Marseille recupère la richesse qu’elle produit.
Si les aixois et les aubagnais étaient moins égoiste tout cela n’arriverait pas…
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Marseille n’a pas les infrastructures de déplacement nécessaires pour accueillir de nouvelles activités générant un accroissement de la circulation – Nous sommes deja une des villes européennes les plus encombrées et les plus polluées, accroitre encore la circulation se fera au dépend de la sante, du commerce local et de la qualité de vie des Marseillais. Dans ces affaires les politiques ne voient pas plus loin que les marchés de travaux – Betonner la ville comme cela se fait depuis quelques années, sans créer de nouvelles infrastructures pour le déplacement ( la L2 a été commencée il y 25 ans) relève de l’aberration mentale.
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La multiplication des projets intramuros à Marseille, va générer une concurrence interne, c’est évident. Les projets Marseillais vont se tirer dans les pattes, ravivant par la même, la bonne vielle guerre ” centre-périphérie” , déjà résolu depuis longtemps dans la plus part des grandes villes , au profit du rayonnement commercial de leur centre-ville. Rayonnement qui d’ailleurs a eu des effets positifs autant sur requalification des centre-ville que sur la dynamique commerciale générale des métropoles. Dans ce contexte Marseille pense pouvoir encore jouer la carte du développement commercial de type ” périphérique” monofonctionel et monomodal, consommateur d’espace et générateur de lieux sans la moindre urbanité.
Quand au viel idome sur l’évasion commercial, il n’a pas de sens, si l’on considère que ces 1 Milliad “évalué” d’évasion porte sur tous types de consommation, et que 1 M² d’équipement de la personne = 1 M² d’équipement de la maison. L’achat occasionnel en équipement de la maison par exemple nécessite du foncier et de la grande accessibilité routière, deux éléments dont ne dispose plus Marseille depuis longtemps…
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En regardant les posts précédents (gégé13, oHéo), j’avoue avoir assez rigolé :
– le projet est ciritiqué pour absence de transports en commun suffisants dans cette zone de Marseille. J’avoue que je cherche les TC sur Plan de Campagne, Vitrolles ou Les Paluds…,
– ceux qui s’opposent au projet sur Marseille sont pour celui de Miramas et s’extasient des CC en périphérie. Il n’y a aucune logique économique et environnementale.
– il faut arrêter de penser que les infrastructurures de transports ne sont obligatoirement que routières. Les tran sports en commun (train, métro, tram, bus), ca existe aussi.
– s’opposer à la construction d’un CC en justifiant sa position par un manque de foncier, il faut être sacrément en manque d’arguments pour avancer celui là.
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Marseille est spoliée de ses richesses depuis 30ans par des communes périphériques , qui ont refusé toute alliance avec celle ci, et leurs représentants et autres osent aujourd’hui tenir des propos pareils !! C’ est pitoyable…
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