La dernière séance de Jean-Claude Gaudin
Ce dernier conseil municipal de l'année est aussi le début d'une fin. Les paroles du maire un mois après le drame de la rue d'Aubagne auront forcément un écho inédit, alors qu'une manifestation résonnera à ses portes. Pour atteindre une séance d'une telle intensité, il faudra sans doute attendre ses adieux au conseil en 2019.
JC. Gaudin en visite rue d'Aubagne le 5 novembre – Photo Patrick Gherdoussi/Divergence images
Cela ressemble à une dernière séance. La fin d’un système municipal qui craque de toutes parts. Depuis le 11 novembre, le maire a pratiquement disparu de la place publique. Il a annulé presque toutes ses participations à des événements. Ses visites auprès des équipes municipales ou à la préfecture se sont déroulées loin des regards. Cible des slogans scandés dans les différentes marches, il a été mis à l’abri de la vindicte populaire et des questions des journalistes. Son dernier discours public date d’une semaine. À la fin du premier débat politique sur l’habitat indigne, il a pris la parole pour esquisser un bilan, tout en disant réserver pour le conseil municipal le débat sur le passé (lire notre article).
Ce jeudi, il reprend la parole dans le théâtre qu’il préside, du haut de son perchoir, son directeur des services à sa droite, son cabinet derrière lui. Un retour différé d’une dizaine de jours après une première convocation officiellement ajournée par crainte de débordements en marge de la séance. Ce conseil municipal est peut-être la dernière fois où la parole du maire aura un tel écho, historique, avant l’adieu, le vrai, qui aura vraisemblablement lieu en décembre 2019 pour l’ultime réunion du mandat.
C’est aussi l’ultime occasion pour Jean-Claude Gaudin de rattraper sa communication désastreuse des premiers jours après le drame de la rue d’Aubagne. Depuis un mois, il a entendu depuis son bureau des “Gaudin démission” sur tous les tons. Il a rapidement écarté l’hypothèse se comparant au “capitaine” d’un navire dans la tempête. “Le maire est maire. Il est élu pour six ans. Il est le propre maître de son propre temps. Moi, je ne spécule pas sur ce genre de choses. Je n’ai pas senti la volonté du maire d’écrire l’histoire différemment”, estime le maire des 9e et 10e arrondissements, Lionel Royer-Perreaut, qui a assisté jeudi à la réunion de groupe. En prenant la parole dès le début de la séance, le maire de Marseille lancera un débat consacré au drame de la rue d’Aubagne, ses conséquences mais aussi le bilan de vingt-trois ans de politique de “l’habitat au sens large”. Sur cette question de l’habitat dégradé dont le drame du 5 novembre est devenu le symbole [notre dossier], il insistera sur le secours et l’assistance apportés par ses services auprès des quelques 1 500 personnes délogées. Pour la première fois, il a reçu collectifs et associations, ce mardi, comme l’exhortait à le faire Bruno Gilles.
La majorité fait “bloc”… en apparence
Du côté de sa majorité, résume un adjoint, “on va faire bloc, c’est une évidence. La situation est assez grave pour ne pas se diviser. Il y aura assez de notre opposition pour le faire”. Mais cette majorité soudée n’est qu’une façade. “Jean-Claude Gaudin n’arrête pas de répéter que ses amis l’ont laissé tout seul”, note un élu expérimenté de la majorité.
Durant le mois passé dans un quasi-silence, pas une parole politique n’est venue défendre celui qui les a tous faits. Qu’elle vienne du président du parti Bruno Gilles, des parlementaires Valérie Boyer ou Guy Teissier, pas une parole ne s’est élevée pour défendre le maire ou sa politique. Martine Vassal, la présidente du conseil départemental qui a pris la suite de Jean-Claude Gaudin à la métropole, n’a guère eu de mot en solidarité avec le maire de Marseille. Comme si, déjà, le pouvoir avait changé de lieu.
De manière générale, c’est la parole municipale elle-même qui s’est faite discrète. Les seuls élus à parler ont été ceux en charge du plan d’urgence et, à l’occasion, Yves Moraine, le chef du groupe majoritaire. Quand des commerces ont été dégradés à la fin des manifestations, ni l’adjointe au commerce Solange Biaggi ni son homologue chargée de la sécurité publique Caroline Pozmentier ne se sont exprimées.
Alors, le conseil est l’occasion de rejouer l’unité autour du chef, face aux critiques forcément injustes de l’opposition. Celles de gauche notamment, dont plusieurs élus ont discrètement participé aux trois marches, du recueillement à la colère. Lors d’une conférence de presse, le président du groupe socialiste Benoît Payan a prévenu : “Il n’y a pas le début d’une introspection, d’un questionnement. Ils sont encore sur la certitude que la somme des intérêts particuliers constitue l’intérêt général.” Il s’imagine en relais de la contestation actuelle, comme son collègue du parti communiste Jean-Marc Coppola. “Je suis là pour porter leurs exigences, leurs revendications dans un lieu de pouvoir, c’est mon rôle.”
Oppositions multiples
Après son intervention, il compte quitter momentanément l’hémicycle pour rendre compte des débats. Cantonnés sur le Vieux-Port par un dispositif de sécurité imposant, il y trouvera des manifestants qui répondent à plusieurs appels. Le collectif du 5 novembre, qui réclame une vraie lutte contre le mal-logement, les opposants au partenariat public-privé des écoles (PPP), les syndicats des territoriaux Force ouvrière et la CGT qui appellent à la grève des agents des écoles, mais aussi l’UNSA, tous appellent à se rassembler dès le petit matin, avec chacun leurs revendications. Ils feront face, de loin, au “bunker de Bargemon“, un sous-sol qui n’aura jamais aussi bien porté son surnom.
Cette mobilisation tous azimuts, nouveau symbole de l’agrégation des colères, ne fait pas ciller la majorité municipale. “Ce que je crains, c’est qu’on rentre un peu sous les huées. De toute façon, personnellement, je suis opposé à ce qu’on rentre par des portes dérobées. On assume les bonnes choses comme les mauvaises”, glisse un adjoint au maire. “Faire de la politique politicienne sur le dos des victimes est ignoble. Il y a des revendications légitimes, mais l’essentiel de ce qui nous rassemble est supérieur à ce qui nous sépare : la démocratie, la liberté et la paix”, voulait croire Yves Moraine, avant le conseil municipal annulé. De son côté, Benoît Payan prévient : si les manifestants sont repoussés avec la même violence que lors des récentes marches, “nous quitterons l’hémicycle”. Laissant la majorité à son jeu de rôles.
Le maire des 6e et 8e arrondissements Yves Moraine fera partie de ceux qui auront la parole pour animer la riposte. Les manquements de l’État, notamment dans la lutte contre l’insalubrité, seront soulignés. Comme lui, d’autres élus chargés de gérer la crise — Julien Ruas, Arlette Fructus, Patrick Padovani — ou préposés à la riposte politique — Martine Vassal et son plan métropolitain, Bruno Gilles, Lionel Royer-Perreaut — devraient prendre la parole.
“Poser les bases d’un souffle nouveau”
Ce dernier, président du bailleur social 13 Habitat, ne cache pas que ce conseil sera tout de même l’occasion de regarder vers l’avenir, sans le maire, donc : “Je ne suis pas dans une posture qui viserait à critiquer quiconque. Je veux alimenter un débat légitime qui doit poser les bases d’un souffle nouveau, d’une politique qui sur certains aspects a fait ses preuves et qui de l’autre doit être amendée.” Il entend “replacer les choses dans leur contexte global : c’est une question de parcours résidentiel qui est cassé. Il est cassé parce que tous les outils ne sont pas utilisés, parce que toute une partie de la population n’est pas éligible aux logements sociaux et notamment les gens qui n’ont pas de ressources.”
Derrière ce début de critique, il y a les faits, rétorque par avance Jean-Marc Coppola, qui ne voit pas plus que cela d’inflexion dans les dossiers présentés : “Passés trois rapports sur l’aide aux évacués, ce conseil municipal poursuit dans sa logique libérale avec une arena au parc Chanot et la poursuite des délégations de service public.” [Découvrir les dossiers chauds du conseil]
Des rapports que voteront sans broncher toute une série d’élus qui, éloignés des questions sociales et d’habitat, resteront silencieux lors du débat inaugural. Parmi eux, certains ont accompagné Jean-Claude Gaudin à la mairie depuis vingt-trois ans, comme Robert Assante. Marginal dans la majorité municipale, l’adjoint au patrimoine municipal l’est aussi dans son expression : “Je me dis à moi-même : putain, pourquoi je ne l’ai pas vu avant. Ma famille est très modeste, Mes cousins auraient pu être dedans. Je m’en veux. Je ne fais des reproches qu’à moi-même”. Une remise en cause politique que le maire n’a pour l’heure fait qu’esquisser.
Benoît Gilles et Jean-Marie Leforestier
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Franchement la théâtralisation de cette dernière séance ne m’émeut pas.
Il ne faudrait quand même pas faire passer Gaudin pour Macbeth et avoir droit à une épidémie générale et aiguë des glandes lacrymales de nos élus, suite aux larmes que va essayer de leur tirer Jean Clôôôôôôôôôde.
Son règne se termine en fait divers. Nous pouvons jeter le bébé avec l’eau du bain.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Et la baignoire avec!
Se connecter pour écrire un commentaire.
La salle de bain étant pleine de fissures, il est temps d’évacuer l’immeuble.
Se connecter pour écrire un commentaire.
@Antoine de Meria : D’accord avec vous.
Le pathos ne peut servir d’exutoire à la tragédie marseillaise.
Il faut que toute la majorité de droite gaudiniste fasse le bilan de son passé commun et surtout de son passif. Trop facile de se contenter de tracer des perspectives d’avenir.
Ces hommes et femmes du passé doivent être renvoyés à leur néant en mémoire des âmes de la rue d’Aubagne.
Que les Cachard and Co n’aient pas encore démissionné de leurs mandats est une honte de plus pour cette droite “marchande de sommeil”dans tous les sens de la formule.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Trop c’est trop, la catastrophe c’est lui…
Nouvel exemple de son incurie, boulevard de la Libération-Général de Monsabert, le prolongement de la Canebière: rue Saint-Vincent de paul totalement obstruée, maison avec des étais, une autre en état de péril à l’angle de la rue d’Isoard…une honte!
Se connecter pour écrire un commentaire.