Ne m'appelez plus jamais "Grand Marseille"

À la une
par Lagachon
le 31 Mai 2010
7
Ne m'appelez plus jamais "Grand Marseille"
Ne m'appelez plus jamais "Grand Marseille"

Ne m'appelez plus jamais "Grand Marseille"

Encore une réunion, encore de grandes déclarations, encore des absents, encore des fins de non recevoir, le Grand Marseille avance, ou plutôt tourne en rond. A lire les différents articles sur le sujet, on a vite l’impression que les positions de chacun n’ont pas bougé d’un yota, que les sujets qui fâchent sont toujours les mêmes, et de même pour les projets.

Arrivera-t-on au bout de cette manière ? Peut-être. Le gouvernement pourrait imposer par la loi sa vision de la métropole marseillaise. Peut-on proposer une métropole différente ? Sûrement. Nous avons la chance d’être face à un territoire très particulier et très différent des autres métropoles françaises car l’espace est très décentralisé : universités à Aix, industries autour de l’étang de Berre, zones commerciales entre Aix, Marseille et Aubagne. Si nous devions comparer la métropole marseillaise à un pays, elle serait plus proche de l’Allemagne que de la France. Et c’est peut-être ce qui la rend difficile à envisager pour des énarques et autres hauts fonctionnaires nourris au jacobinisme et à l’hypercentralisation depuis le biberon.

Bernard Morel (1) a écrit à propos des différents projets qui se sont succédés « le Grand Marseille, c’était un Marseille plus grand », en effet, l’idée d’un Grand Marseille existe dans les cartons des édiles phocéens depuis la fin de la Première Guerre mondiale, sous la forme d’une extension des frontières au service de la ville centre. Et c’est justement tout ce qui est inacceptable pour les autres communes des Bouches du Rhône pour la bonne est simple raison que Marseille n’est ni Barcelone, ni Milan, et n’a plus la légitimité de s’imposer à un territoire qui concentre la moitié de la population de la métropole, l’essentiel des richesses et des zones d’activités ; un territoire qui se structure depuis plus de cinquante ans en opposition à Marseille, avec grand succès.

Prenons le cas d’Aix-en-Provence, ville réticente s’il en est à un projet de Grand Marseille. Petit flashback : voilà une ville ignorée superbement par une Marseille triomphante qui venait de lui ravir le rôle de capitale régionale au début du XIXème, voilà que 150 ans plus tard, après la Seconde Guerre Mondiale, Marseille s’embourbe et Aix saisit l’opportunité de « se refaire » face à la grande ville. En proposant un modèle diamétralement opposé à Marseille (petit, bourgeois, tertiaire, universitaire), Aix réussi à retrouver un peu du panache et du prestige qu’elle avait sous l’Ancien Régime et parvient à se tailler une place dans le paysage national : combien de ville de la taille d’Aix ont cette notoriété et cette image ? Alors ce n’est pas après tout ça que les aixois vont accepter de « brader » leur entrée dans une métropole avec Marseille, et on ne peut que comprendre leurs motivations !

Abandonnons ce terme de Grand Marseille qui laisse entendre que la ville va absorber toutes les ressources du territoire pour nourrir ses ambitions de métropole internationale. Abandonnons ce nom et ce concept jacobin pour inventer un nouveau modèle de métropole décentralisée qui soit acceptable par tous.

Car sans le savoir ou l’assumer clairement, habitants et politiques, même les plus récalcitrants, vivent déjà dans la métropole marseillaise : ils travaillent, habitent, se détendent, font leur course… dans un espace qui ne s’arrêtent pas aux limites de leur commune, et font régulièrement l’expérience des défauts de cet espace trop divisé.

La métropole que nous appelons de nos voeux propose un système de transports unique et efficace, fait de l’université d’Aix-Marseille une des meilleures de France, protège nos sites naturels exceptionnels, surveille les financements gargantuesques de l’Etat à Paris et s’assure que notre territoire ne soit pas lésé.

Plus concrètement, elle construit des lignes de TER entre les différents bassins de population et d’activité, elle renforce et dynamise l’emploi industriel autour de Berre, elle ne construit pas l’incinérateur à Fos sans concertation avec les riverains et en proposant des compensations, elle fait du festival de la photographie d’Arles un événement majeur en Europe, et bien sûr, s’occupe du rayonnement international et des infrastructures de la ville de Marseille…

La métropole que nous appelons de nos voeux travaille à renforcer tous les territoires dont elle a la responsabilité, elle n’est jamais dirigée par le maire de Marseille pour mieux équilibrer les pouvoirs, elle fait des « gestes » symboliques et forts pour montrer qu’elle ne reproduit pas ce centralisme que nous détestons tant en France, comme par exemple installer le siège de l’Université à Aix, ou la direction des affaires culturelles à Arles.

Car c’est en renforçant l’ensemble de sa métropole que Marseille deviendra grand.

1: Bernard Morel, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille, ancien conseiller du Président Vauzelle

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Hallain Hallain

    D’accord pour une “métropole” où s’additionneraient bonnes volon,tés et compétence pour mieux vivre ensemble. Les transports, la culture, l’emploi peuvent être des terrains de coopération étroite.
    Mais pour les habitants de l’extérieur de Marseille, Aixois, Aubagnais et bien d’autres, pas question pour autant de parler de ” tous les territoires dont elle (la métropole) a la responsabilité”. La “métropole” que nous appelons de nos vœux, nous habitants de l’extérieur, n’a pas a avoir de “responsabilité” sur les autres communes! Elles sont assez grandes et assez compétentes pour se responsabiliser elles-mêmes!
    Pas question non plus de parler de “« gestes » symboliques et forts” que devrait faire ladite “métropole” pour se faire bien voir. Ce n’est pas de symbole dont nous avons besoin! Le pouvoir et l’indépendance des communes extérieures ne doivent rien avoir de symboliques! Ce doit être un pouvoir vrai, indépendant, avec lequel la “métropole” devra négocier pour mettre en place des plans cohérents pour les transports et l’emploi!
    Bref, pas de jacobinisme! Qu’il soit celui, brutal et primaire, voulu par les énarques parisiens ou plus doux et chargé de “symboles” que vous semblez suggérer.
    Qu’on l’appelle “grand Marseille” ou pas, c’est non à l’intégration, sous quelque forme que ce soit!

    Signaler
  2. Fabien Fabien

    Cher Hallain, je suis content que nous partagions le même point de vue quant à la coopération étroite sur la culture, les transports et l’emploi, ainsi que sur la compétence des communes pour assurer seules leur avenir et enfin sur le fait que des symboles sont faibles s’ils ne sont pas accompagnés de faits tangibles.

    Par contre, je pense qu’il y a méprise sur la suite : nous ne parlons pas de principautés indépendantes mais intégrées à différents espaces (Région, France et Europe) avec lesquels elles doivent déjà partager la responsabilité de leur gestion, mais avec des institutions très éloignées de nous et qui ne comprennent pas toujours nos enjeux, et pour qui nous sommes loin d’être la priorité.

    L’idée que je soutien est que nous partageons un même espace de vie : aucun des habitants d’ici ne vit reclus dans son village. A partir de là s’appliquent les règles du vivre ensemble : faire des concessions et décider ensemble pour le bien commun (rien de nouveau depuis Périclès).

    Moi qui vient de l’extérieur de Marseille, je me sens plus proche et fais tout de même plus confiance à un Marseillais, un arlésien ou autre habitant d’ici, qu’à un lillois ou un parisien pour partager, avec moi et ma commune, la gestion de mon bassin de vie. Pas qu’ils soient mieux qualifiés en soi, mais tout simplement parce qu’ils connaissent mieux notre territoire et ces enjeux.

    Alors si en plus de nous aider à coopérer sur des dossiers structurants et mieux faire entendre notre voix à l’extérieur, une métropole peut rapatrier ici certaines des responsabilités qui sont pour l’instant très très loin de nous, et bien je dis que c’est plutôt une bonne idée… non ?

    Signaler
  3. Hallain Hallain

    Bonjour et merci de votre réponse

    D’accord sur le fait que rien ne vaut les gens sur place pour s’occuper de leurs propres affaires -sans tomber naturellement pour autant dans la réflexion genre “la Provence aux Provençaux”!…

    Mais la décentralisation, lancée voila déjà près de 30 ans, a justement été mise en place dans ce but : rapprocher le pouvoir des habitants. Et depuis 30 ans, ça fonctionne plutôt bien… Aussi, on ne comprend pas cette volonté actuelle de nos gouvernants de tout détruire.
    Ou plutôt on la comprend trop bien : la “réformé territoriale” a pour seul but de casser la décentralisation véritable. La suppression des cours régionales des comptes, la suppression de la taxe professionnelle entre autres “réformes” rendront les régions un peu plus dépendantes de Paris. Le démon du jacobinisme pur et dur refait surface…

    Et la création des super métropoles, genre Cum, loin de compenser cette “re-centralisation”, étouffera toute velléité d’indépendance des communes plus petites. On voit bien aujourd’hui que le mastodonte administratif qu’est MPM rend cette institution quasiment ingérable. On imagine ce que sera le monstre qui naitra de la “réforme” à venir!

    Que les gens sur place décident ce qui les concerne ok. Mais que cela reste dans la proximité. Pour un habitant d’Aubagne, Aix, Trets ou Cuges, que la décision soit prise à Paris ou à Marseille ne fait aucune différence si elle est prise par des bureaucrates, si elle “tombe d’en haut”. Si vous venez de l’extérieur de Marseille vous savez bien que le “centralisme -sinon l’impérialisme- marseillais” n’est pas un vain mot! Les habitants de toutes les communes des environs le savent! Et aucun n’a envie une seconde que Marseille ait quoi que ce soit à dire sur les aménagements, les permis de construire, la gestion, la vie quotidienne dans nos villes!

    Que Marseille agisse sur les transports vers les villes voisines ne serait déjà pas si mal. La “capitale phocéenne” a toujours été parfaitement incapable de mettre en place un réseau de transport régional digne de ce nom! Et elle devrait, aujourd’hui, avoir encore plus de compétences? On croit rêver!

    Et ce qui fait peur aussi, et qui suscite l’opposition des habitants extérieurs à Marseille, c’est une autre réalité : Marseille a d’énormes problèmes financiers -et depuis longtemps. Incompétences des élus successifs? Peut-être. Toujours est-il que les habitants d’Aix ou Aubagne, villes économiquement solides, n’ont strictement aucune envie d’entrer dans ce “super Marseille” à seule fin de boucher ses gouffres budgétaires et pallier aux carences locales!

    Sur tous ces sujets, demandez donc son avis au maire de Plan-de-Cuques, ville intégrée à MPM. Il parle en connaissance de cause -et n’encourage pas vraiment une adhésion au Grand Marseille! Vidéo sur http://www.youtube.com/watch?v=lGaUiXruG5A en marge du référendum organisé à Aubagne.

    Mais in fine, toutes ces discussions sont vaines à mon avis.
    On comprend bien que cette “réforme” est avant tout conjoncturelle : 21 régions sur 22 sont gérées par l’Opposition! Et ça passe très mal dans le gosier élyséen. Alors ont fait une loi, des réformes de circonstance (changer le mode de scrutin est un exemple typique de ce comportement inconséquent). Et peu importe l’utilité, la cohérence de cette réforme : ce qui les préoccupe, ces gens-là, n’est pas l’avenir du pays : c’est leur propre avenir électoral à très court terme.
    Ils n’ont aucune vision pour le pays. Pour la République!

    Signaler
  4. fred fred

    Séquence des feux-travaux Rond-Point du Prado.
    Il me semble que la séquence des feux est la suivante, lorsque l’on vient de la statue de David pour aboutir sur le rond-point du Prado pour aller vers la Place Castellane:
    Feu vert puis feu rouge pour aller en direction de la Place Castellane-pour laisser passer les véhicules venant de Rabateau qui eux-mêmes ont (après une courte période) lorsqu’ils vont en direction de la Statue de David le feu rouge pour laisser passer ceux qui viennent de la Place Castellane, mais le flot des véhicules qui venaient de Rabateau bloque, ceux qui venaient de la Statue de David pour aller sur la place Castellane…Vous me suivez?
    Je vérifierai tout de même…..
    Cordialement….

    Signaler
  5. fabien fabien

    @Hallain, j’ai été très occupé mais je tenais à revenir sur votre réponse.
    Il y a deux éléments qui me semblent particulièrement clés dans ce que vous dites : Marseille a du mal à se gérer seule, et Marseille est endettée. Je vais vous surprendre mais je pense que c’est exactement pour ça qu’il faut faire la métropole maintenant.
    Marseille a cruellement besoin de l’argent et des compétences des autres communes de la métropole pour équilibrer sa comptabilité, et sortir les décisions politiques du milieu marseillo-marseillais. C’est une occasion rêvée pour les autres villes de la métropole de “négocier” leur ralliement en position de force et s’assurer de faire une métropole décentralisée.
    Maintenant, pourquoi le faire du côté d’Aix, La Ciotat, St Zach ou Fos ? A court terme, il n’y a pas forcément de raison tangible, mais à long terme, il y a deux risques pour ce territoire : que l’état sur-investisse à Marseille (ce dont je doute tout de même) et impose une métropole à la jacobine, et encore plus grave, que Marseille continue d’évoluer indépendamment de sa métropole et se marginalise.
    Pas forcément grave tout de suite, mais grave à long terme pour les habitants de tout ce territoire qui verront les grandes entreprises préférer Lyon et Lille à Marseille, Fos, Aix ou autres, mais aussi les événements culturels, les investissements, les bonnes écoles et les étudiants qui vont avec, les artistes…
    Je noircis le tableau volontairement, j’en conviens, mais nous passons à côté d’une formidable opportunité d’améliorer la vie des habitants (plus d’emplois, de meilleurs transports, de belles expositions…) en refusant de doter cet espace d’une institution de gouvernance commune, à nous tous de la faire comme nous la voulons.

    Signaler
  6. Hallain Hallain

    Je comprends très bien la “formidable opportunité” pour Marseille et quelques uns de ses habitants. Mais je vois très bien en même temps le risque mortel que prendraient Aix et Aubagne à entrer dans ce conglomérat difforme. Marseille a surtout besoin de l’argent des autres communes; les compétences, excusez moi, mais Marseille est à cent lieues de les considérer! L’important pour Gaudin et son équipe, C’est de rafler tout ce qui est encore “rafable” avant la prochaine échéance électorale, afin de présenter une ville qui connaîtrait une amélioration de sa situation… Une amélioration que la ville aurait réalisée sur le dos des nouvelles venues…
    Cela me fait penser à la création, il y a déjà longtemps, de la “Normed” qui consistait à mettre ensemble trois chantiers navals: Dunkerque, La Seyne qui étaient moribonds, et La Ciotat qui fonctionnait très bien. Le tout soi-disant pour “sauver la navale”… Résultat des courses, les trois chantiers ont disparu.
    “Négocier en position de force” avec Marseille??? C’est-à-dire? “On vous donne notre fric, notre indépendance et…quoi???”
    Encore une fois, il ne s’agit pas d’évoluer chacun de son côté; on peut “mutualiser” énormément de choses. Mais pourquoi vouloir avec une telle insistance soumettre Aix et/ou Aubagne sinon pour ponctionner leur bonne santé au profit de Marseille?
    Ces gens qui nous gouvernent nous ont habitué à n’agir que dans leur propre intérêt, n’hésitant pas à modifier la loi pour ce faire. Et les habitants de la région devraient applaudir à ça? leur faire confiance?
    Et puis c’est simple : si les habitants et leurs élus ne veulent pas de ce projet, pourquoi vouloir le leur imposer? Il n’y a qu’à le leur demander -ce que fait l’Agglo d’Aubagne ce dimanche. En démocratie les choses doivent aller simplement -et sans coup de force!

    Signaler
  7. ericmazargues ericmazargues

    Il ne faut pas tout confondre.
    La réforme territoriale ratée est une chose, la nécessaire gouvernance commune de la Métropole Marseille Provence en est une autre. Lier les deux est un moyen de botter en touche un peu facile.
    Cette métropole est déjà une réalité dans les faits, mais pour fonctionner de manière optimale (et on en est loin), elle doit trouver (très vite) un mode de coordination efficace.
    Rappeler les ratés antérieurs, ressasser les vieilles rivalités, s’arc-bouter sur ses petits privilèges en s’abritant derrière des prétextes aussi fumeux que les “libertés communales” est contre-productif.
    Si les élus d’Aubagne, de Plan-de-Cuques, d’Aix ou de Fos avaient dépensé autant d’énergie à rechercher des moyens de s’entendre avec Marseille qu’ils en usent à dénoncer les méfaits (réels, certes, mais aussi souvent imaginaires ou fantasmés), nous n’en serions pas là.
    Il est ainsi, cher Hallain, un peu facile de reprocher à Marseille d’avoir été incapable de mettre en place un réseau de transport régional digne de ce nom, alors que cette compétence est celle de la région, de la SNCF et de l’Etat, mais nullement celle d’une commune déjà trop pauvre pour avoir un réseau interne compétitif ! D’ailleurs, qu’en est-il des transports en commun dans les communautés “riches” de l’agglomération ? Ce n’est guère mieux, quand ce n’est pas pire (Aix, l’Etang de Berre…).
    Quand aux communes “assez grandes et assez compétentes pour se responsabiliser elles-mêmes”, en matière d’urbanisme, de développement économique, pourquoi alors même se contenter des intercommunalités existantes ? Revenons à nos bonnes vieilles communes isolées et autarciques, on verra très vite ce qui restera de l’attractivité de la région…

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire