Marie Jouffrit, CPE dans son “bureau des pleurs”
Avec "Voilà le travail", la journaliste Sandrine Lana aborde le sujet quotidien qu'est le travail en partant des femmes et des hommes au labeur, de leur rapport à l'autre, au lieu, à soi et au corps. Pour ce deuxième épisode, rencontre avec Marie Jouffrit, CPE à Mallemort.
Marie Jouffrit, CPE dans son “bureau des pleurs”
Écharpe bariolée, bottines et gros manteau couleur brique, Marie Jouffrit arpente le dédale de béton du CFA régional Travaux publics installé dans la verdure provençale, à Mallemort.
Novembre. Vendredi matin au Centre de formation d’apprentis Emile-Pico à Mallemort (13). On suit cette tache colorée qui évolue sur le fond gris des couloirs, de la cour, des bureaux, des classes. Elle a pris son poste il y a un peu plus d’un an. Elle est CPE, figure de l’ombre des parcours de l’éducation.
“CPE, ça ne signifie pas conseillère principale d’éducation, ici. Je suis coordinatrice pédagogique et éducative.”, explique-t-elle en plein état des lieux des chambres de l’internat du CFA, alors que les élèves rentrent chez eux pour le week-end. Carnet de notes à la main, elle épingle les couvertures mal pliées, les poubelles qui débordent et les élèves qui ont fait des efforts côté hygiène. “On est un centre de formation, donc on n’est pas là pour ça mais je dois parfois aborder avec eux les problèmes d’hygiène”.
Après l’état des lieux, le temps de traverser la cour, un formateur lui remet un morceau de papier où il a griffonné ses doléances à l’encontre d’un élève. “Il ne finira pas l’année chez nous !”. La secrétaire lui remet aussi une note quand Marie arrive à sa hauteur. Et un élève lui remet une demande de sortie. “C’est toujours comme ça, je me fais interpeller dès que je sors du bureau !”
On y arrive justement, au bureau de la CPE. La porte se referme, une grande fenêtre fait office de mirador sur la cour centrale du vaste bâtiment. Les apprentis aux coiffures de joueurs de foot circulent par groupes de deux ou trois.
“Ici, c’est un peu le bureau des pleurs pour tout le monde. Je suis aussi le lien entre les formateurs, la direction et le personnel administratif. Les formateurs y ramènent souvent leurs problèmes et je suis celle qui doit apporter les solutions. J’essaye toujours que cela se fasse dans la co-construction. Je considère qu’il n’y a pas de niveau de hiérarchie entre eux et moi. Lorsqu’il s’agit d’élaborer les plannings des formations ou des examens, on négocie entre nous mais s’il faut trancher, j’ai l’autorisation de le faire.”
Elle ouvre la fenêtre pour satisfaire un curieux qui a remarqué notre appareil photo. “C’est pour moi, tu veux témoigner ?”, il rit et part sur une boutade mâchouillée entre des dents souriantes. La fenêtre se referme. “Ces contacts informels sont importants pour moi.”
“Je gère le quotidien de 154 élèves – dont 3 filles. Je ne suis pas une CPE froide et méchante. Je fonctionne plutôt sur la confiance, l’équité et la justice. Je pense que c’est aussi plus facile d’être une femme face à une population de garçons. Les relations sont plus apaisées et je pense être une figure maternelle qu’on respecte. Parfois, ils viennent se caler dans mon bureau. Les formateurs me parlent d’eux, je connais chacun d’eux, leur histoire. Comme ils me connaissent aussi, ils comprennent vite quand je décide de poser un acte.”
Marie félicite les jeunes apprentis autant qu’elle les réprimande quand une info lui est remontée par le corps enseignant ou par la surveillante de nuit. “Tu sais ce que c’est la bienséance, toi ?, interpelle-t-elle un jeune qui s’est fait remarqué la veille à table… Tu vas le retenir maintenant ?”
La jeune CPE a été formatrice pendant neuf ans. “Il y a du défi et la culture des travaux publics, c’est un milieu particulier, les valeurs de l’éducation populaire n’y sont pas toujours. Le face à face pédagogique me manque même si le poste me plaît beaucoup. Il y a plein de choses à inventer avec les jeunes notamment sur les valeurs et la considération de la femme”.
En plus des conseils de classes qui sont ici individualisés, la CPE coordonne les sorties, les portes ouvertes de ce CFA où tous sont en alternance. “Ils sont rémunérés quand ils sont là, alors il faut arriver à les mobiliser sur l’extra-scolaire où ils ne le sont pas. On travaille avec le corps enseignant sur la notion d’engagement. On travaille aussi sur l’ascenseur social chez ces jeunes qui sont convaincus de l’intérêt pour la société de ce qu’ils font. Ils arrivent nombreux pour devenir conducteur d’engins mais on les encourage à passer le bac et à viser d’autres formations.”
Commentaires
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Article qui parait intéressant, mais j’ai un problème d’affichage, les photos chevauchent la première parie du texte. (i-mac / OS X yosémite / safari)
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J’ai le même problème, pas moyen de lire l’article.
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Bonjour, toutes nos excuses pour ce désagrément technique dû à un bug dans la galerie de photos. Nous l’avons retiré en attendant de résoudre le problème, afin de vous laisser profiter du texte en entier.
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