Pollution : le port construit son nouveau terminal ferries sans branchement à quai
Alors que le branchement à quai des navires pour réduire la pollution fait de plus en plus l'unanimité pour les compagnies et les collectivités, le port de Marseille ne l'a pour le moment pas prévu dans ses plans de réaménagement du Cap Janet. Mais assure qu'il le fera si la demande est formulée.
L'actuel Hangar du Cap Janet va être en partie démoli. Photo : Violette Artaud
“Ce n’est pas prévu pour le moment. C’est vrai que nous aurions pu y penser…” Sous les yeux ébahis des riverains venus s’informer sur le futur terminal du Cap Janet (lire notre article), les techniciens du Grand port de Marseille (GPMM) l’avouent : le nouveau terminal ne devrait pas comprendre, du moins dans un premier temps, les équipements nécessaires pour le branchement à quai des ferries. Le système, qui permet pourtant aux navires de couper leur moteur une fois amarrés, et donc, de moins polluer, est pourtant dans l’air du temps. Alors que les compagnies maritimes sont de plus en plus nombreuses à sauter le pas, les collectivités locales ne cessent de communiquer sur leur soutien financier pour mettre en place ce système.
“Les compagnies utilisatrices de ce terminal n’ont pas encore équipé leurs navires”, justifie auprès des habitants Jean-Philippe Ivaldi, responsable à la direction de l’aménagement du port. La Compagnie tunisienne de navigation (CTN), Algérie Ferries, L’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs algérienne (ENTMV), utiliseront le nouveau terminal du Cap Janet et n’ont effectivement toujours pas équipé leurs bateaux. Mais seraient sur le point de le faire. “Nous sommes en discussion avec certaines compagnies du Maghreb sur ce sujet. Nous ne pouvons pas les forcer mais certaines vont bientôt franchir le cap”, assure Jean-Philippe Ivaldi.
“Quand les compagnies seront prêtes, nous le serons aussi”
Selon Atmo Sud, l’association chargée de la surveillance de la qualité de l’air, chaque navire raccordé émet 4300 tonnes de dioxyde de carbone par an en moins. Imagé par la Méridionale, cela représente 3000 voitures qui effectueraient chaque jour un aller-retour Aix-Marseille. “Nous prévoyons la possibilité de le faire dans le cas ou les compagnies s’équiperont. Pour installer le branchement à quai, il ne faut pas d’infrastructure particulière. Je dirais qu’il faut compter environ 9 mois”, veut rassurer la présidente du directoire du port Christine Cabau-Woerhel, la directrice du port .
Actuellement, seule la Méridionale a équipé sa flotte pour se brancher à quai, tandis que Corsica Linea a annoncé en janvier dernier le faire dans l’année. La prochaine sur la liste devrait être la CTN. “Ils seront bientôt prêts”, glisse-t-on dans les couloirs du GPMM. La compagnie n’a pas donné suite à nos sollicitations. Christine Cabau-Woehrel confirme être en discussion avec la CTN mais ne souhaite pas en dire davantage sur l’avancée des négociations.
Le nouveau terminal du Cap Janet doit à terme accueillir l’ensemble des passagers des ferries à destination ou en provenance du Maghreb, dont une partie est actuellement reçue du côté de la Joliette. Nouvelle porte, nouvelle gare maritime, nouveaux espaces d’attente, de détente, nouveaux parkings et nouveaux postes de contrôle… 29,3 millions d’euros vont être investis pour la réorganisation du terminal (16 par le port, 10,3 par l’État, 4,4 par la région et 1,7 par la métropole). La livraison des travaux est prévue pour 2021.
L’équipement du quai, un “gros chantier”
Forte de son expérience, la Méridionale est également dans la boucle des discussions avec la CTN. “Nous leur donnons des conseils”, confirme Christophe Séguinot, directeur technique de la compagnie pionnière dans le branchement à quai à Marseille. Depuis le 1er janvier 2017, les trois navires de la Méridionale utilisent en effet ce système lorsqu’ils accostent au GPMM. “Le projet remonte à 2014, il a fallu faire une étude de faisabilité, des plans, puis intégrer le système dans le navire”, détaille Christophe Séguinot. Il estime par ailleurs qu’il faut compter environ un an pour les études et près de quatre semaines d’arrêt technique pour l’intégration du système.
“Ensuite nous avons dû attendre que le port amène le courant, il s’agit d’un gros chantier”, précise encore le directeur technique de la Méridionale. Un chantier qui a donc abouti à la fin de l’année 2016. Soit un an après ce qui était initialement annoncé. Tandis que la compagnie est chargée d’ériger la potence dont elle reste propriétaire, il revient au GPMM d’y amener le courant. Dit autrement, le port tire le câble et la compagnie installe la prise.
Et c’est là que réside la complexité. Le port a ainsi dû mettre en place un transformateur permettant de convertir l’alimentation 20.000 volts d’EDF en 11.000 volts, standard international pour les navires. Mais à l’époque, l’opération avait pris du retard à cause d’un souci technique. L’un des transformateurs avait en effet dû être désinstallé puis renvoyé dans ses usines, un défaut majeur ayant été détecté. “Aujourd’hui, nous sommes préparés. Nous l’avons déjà fait pour la Méridionale, nous n’avons donc pas de préparation technique préalable”, défend Christine Cabau-Woehrel, pour qui la balle est désormais dans le camps des compagnies.
La région s’en agace
Au sein du conseil de surveillance du port de Marseille, certains membres se montrent en revanche moins confiants sur la question. Du côté de la région, notamment, difficile de soutenir le port, alors qu’on y communique à l’envi sur le plan environnemental à 400 millions d’euros fièrement dénommé “une COP d’avance” et qu’était annoncé il y a peu un coup de pouce d’un million pour le branchement à quai de la Corsica Linea (qui affrète parfois en période de creux des navires pour le Maghreb).
“La question a été soulevée au sein du conseil de surveillance. Ce projet ne prévoit pas de photovoltaïque, pas de branchement à quai, pas de haute qualité environnementale pour les bâtiments… Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous engager dans des projets qui ne prendraient pas en compte les enjeux écologiques”, répond sans détour Philippe Maurizot, vice-président à la région et membre au conseil de surveillance aux côtés de Renaud Muselier.
“Jean-Marc Forneri [président du conseil de surveillance, Ndlr.] a été réceptif à cette problématique. Pour le moment, le port ne peut pas garantir que cela sera intégré dans le projet initial, pour des questions de délais notamment, mais on nous a assuré que ça serait pris en compte à terme”, tempère le vice-président de la région qui finance le réaménagement du Cap Janet à hauteur de 4,4 millions d’euros.
La totalité des ferries du Cap Janet branchés d’ici à 2023 ?
D’autres collectivités sont directement concernées par cette question. La semaine dernière, lors d’une conférence de presse qui visait à présenter son “agenda environnemental” (lire notre article), la présidente du département a annoncé une aide au GPMM de 6 millions d’euros pour, justement, le branchement à quai. “Ayant maintenant un autre bureau à la tour La Marseillaise, je me rends compte effectivement du nombre de bateaux – et pas obligatoirement les plus gros – qui crachent du noir”, a fait remarquer, perspicace, Martine Vassal.
Bruno Genzana, son vice-président en charge du développement durable, développe : “ce contrat s’intègre dans un plan total de 14 millions d’euros. Le département en prend donc en charge 6 et se concentre sur deux objectifs : l’électrification des navires en réparation dans le secteur des grandes formes et l’alimentation pour la totalité des ferries internationaux du Cap Janet d’ici à 2023”. Une réjouissante perspective, mais le vice-président au développement du département ne semble pas au courant que le port n’a pour l’heure pas de projet précis en ce sens. Surpris, l’élu a promis de se renseigner.
“En déplaçant le terminal de la Joliette au Cap Janet, nous allons engendrer une augmentation d’émission de CO2 de l’ordre de 1000 tonnes par an, estime un ingénieur de la direction des aménagement du GPMM qui se veut tout de même optimiste. Cela sera rapidement compensé par le branchement à quai.” Sauf que pour l’instant, le port, suspendu aux décisions des compagnies, n’est pas en mesure de fournir un calendrier qui le prévoit au Cap Janet.
1000 tonnes de CO2 supplémentaires par an
Selon un diagnostic publié en février 2018 par Atmo Sud, les transports maritimes représentent 41 % des émissions d’oxyde d’azote induits par les transports *, de 40 % des émissions de particules fines (PM10) et 9 % des émissions de CO2 de la métropole. “Les bateaux utilisent des combustibles non raffinés ou peu raffinés, qui produisent jusqu’à six fois plus de polluants par quantité d’énergie utilisée que les véhicules diesel”, peut-on lire dans le document. Une pollution disproportionnée si on la compare à l’énergie utilisée dans ce domaine. En effet, le trafic maritime ne représente que 9 % de la consommation énergétique totale du territoire. Le développement du branchement à quai au sein du GPMM permettrait bien évidemment de réduire ce ratio ainsi que la pollution induite par le trafic maritime. Tandis que le déplacement d’une partie des ferries en partance ou à destination du Maghreb vers le Cap Janet engendrerait, selon les ingénieurs du port, 1000 tonnes de CO2 supplémentaires par an.
*précision apportée le 24/10 à 12h00
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Je ne sais pas si, dans cette ville qui est l’une des plus polluées de France – voire la plus polluée selon certaines sources -, il y a un concours de dilettantisme en réponse aux enjeux de santé publique, mais je ne vois que ça comme explication.
Not’bon maire compte sur le mistral pour “nettoyer” l’air (i.e. expédier notre pollution chez les voisins) et se dispenser de développer les alternatives à la bagnole (y compris quand elles ne coûtent pas grand chose, comme les pistes cyclables).
Un élu métropolitain peu connu, mais qui gagnerait à l’être plus, un certain Alexandre Gallese, “délégué au plan climat” (sic), contestait dans La Provence l’intention du gouvernement d’instituer une “zone à faible émission” à Marseille : selon lui, l’ouverture de la rocade L2 permet de “diminuer la pollution dans le centre-ville”. *Déplacer* la pollution serait plus exact, mais je pinaille…
Et maintenant, le port “oublie” les branchements à quai, “pourtant dans l’air [pollué] du temps”. C’est un si beau spectacle, les navires “qui crachent du noir”…
Dilettantisme ou f.utage de gueule ? J’hésite…
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C’est toujours pareil : “c’est pas difficile à faire” …, “on s’arrangera”…
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Je ne sais pas si le terme ahurissant est approprié…
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Bonjour,
d’abord une remarque de forme, il faudrait mieux différencier la Région (quand vous parlez de l’institution), et la région (quand c’est l’entité géographique).
Plus important, il y a une imprécision dans votre texte sur les % de pollution dus aux navires : les “camemberts” précisent bien que c’est dans le mix “transports” et non sur la totalité des émissions métropolitaines de ces 4 polluants (où les transports ne sont pas la totalité des émissions) !!
On peut voir sur l’inventaire des pollutions d’Atmosud ( http://emiprox.atmosud.org/graph.php ) en demandant dans le menu les Bouches-du-Rhône (soit à peu près celui de la Métropole) que les transports (en additionnant routiers+non routiers) représentent “seulement” 58 % des NOx ; 29 % des particules PM10 ou 17% du CO2…
Les navires représentent donc dans le mix total : 58 % de 41 % = 24 % des NOx, et de même 12 % des PM10 ou encore, 1,5 % des émissions de CO2.
Bien évidemment ce n’est pas rien, et cela justifie pleinement une action publique ou privée par ailleurs…
Attention à ne pas polluer le débat justement, qui est déjà assez vif sur la question, avec de telles approximations, merci de corriger ou préciser si c’est possible.
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Bonjour,
Merci pour votre attention, il s’agit effectivement d’une erreur qui vient d’être corrigée.
Bien à vous
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“Ayant maintenant un autre bureau à la tour La Marseillaise, je me rends compte effectivement du nombre de bateaux – et pas obligatoirement les plus gros – qui crachent du noir” , comme quoi il faut que le directeur mange à la cantine pour que les menus s’améliorent … S’il pouvaient y avoir un peu plus d’élus avec leurs enfants à l’école publique, se déplaçant dans la ville en mode actif (à pied, à vélo, … ) ou commun, etc., certains “projets” prendraient plus d’importance .
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C’est d’autant plus troublant que les toitures des Hangars peuvent soutenir une très grande capacité de panneaux photovoltaïques. Ce qui permettrait de réaliser un Hub Eco.
J’ai peur que les projets de destructions des Hangars du cap Janet , ceux la même qui ont vu passer tant de voyageur, les hangars où sont tournés tant les films, ne revoit rapidement le jour.
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2023: encore 3000 tonnes de CO2 à respirer!… Vraiment, l’irresponsabilité des compagnies et du port est inadmissible.
On dirait que la pollution et le réchauffement climatique n’existent pas pour certains…
“La question a été soulevée au sein du conseil de surveillance. Ce projet ne prévoit pas de photovoltaïque, pas de branchement à quai, pas de haute qualité environnementale pour les bâtiments… Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous engager dans des projets qui ne prendraient pas en compte les enjeux écologiques”
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