CRITIQUE DE LA CONFUSION DE LA MÉTROPOLE MARSEILAISE ET DU DÉPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE

LA VILLE ET LE DÉPARTEMENT

Billet de blog
le 9 Sep 2018
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Il est temps de s’interroger sur la signification politique de la fusion de la métropole marseillaise et du département des Bouches-du-Rhône, et sur ce que ce projet implique, à la fois sur le plan des pouvoirs et des institutions et sur le plan de l’économie politique de l’espace ainsi institué.

Le déni de la différence entre les différents espaces qui fondent le département

C’est la première réflexion que l’on souhaite formuler ici : la fusion entre l’espace urbain de la ville de Marseille et de la métropole marseillaise et l’espace du département repose sur le déni de la différence entre un espace urbain et un espace rural, mais aussi sur le déni de la différence entre une ville comme Arles et une ville comme Marseille. Il n’est même pas sûr qu’en dépit de leur proximité, ce soit un projet politique viable de fusionner Aix et Marseille dans une même métropole et, ainsi, de tendre à ignorer leurs spécificités, les particularités qui distinguent l’espace urbain de Marseille et celui d’Aix.  Confondre, par leur fusion, la ville et le département, c’est construire un espace politique fondé sur la méconnaissance, sur la dénégation des identités, des acteurs et des engagements propres à un espace urbain, mais c’est aussi, comme en miroir, construire un espace politique fondé sur la méconnaissance des spécificités des espaces ruraux, des politiques d’aménagement du territoire fondées sur la reconnaissance des cultures nées dans des espaces situées hors des espaces urbains et continuant à y vivre et à s’y exprimer.

 

La disparition de la logique de réseau qui fonde l’espace du département

Ce qui a fondé le département des Bouches-du-Rhône, dans l’histoire, c’est une logique de réseau. Quand, avant la Révolution, la capitale politique et institutionnelle de la région était Aix, dans une sorte de méconnaissance de l’importance économique de Marseille, fixer, après la Révolution, le chef-lieu du département à Marseille avait une signification politique – en finir avec les structures et les institutions de ce qui devenait ce que l’on appelle aujourd’hui « l’Ancien régime » – et une signification économique – reconnaître l’importance de la ville qui était en train de devenir une métropole économique, Marseille, notamment autour de son port. Mais cette mutation reposait sur l’aménagement d’un espace fondé sur la mise en œuvre d’une logique de réseau – à la fois de réseaux de transports et de déplacements, de réseaux de distribution de l’énergie et de réseaux d’échanges et de circulation d’informations. En fusionnant l’espace, fondamentalement urbain, de la métropole marseillaise et l’espace du département, on ignore cette logique de réseau, en la réduisant aux logiques de réseau propres aux villes et en méconnaissant, finalement, les logiques de réseau spécifiques aux espaces non urbains.

 

Le déni de l’importance de la politique de la ville

Mais ce projet de fusion comporte un autre déni, celui de l’urgence de l’engagement de ce que l’on appelle, aujourd’hui, la « politique de la ville ». Si Aix est devenue une ville en se fondant sur la vie des institutions, notamment judiciaires et universitaires, c’est dans l’espace marseillais que se manifeste, aujourd’hui, l’urgence de ce que l’on appelle la politique de la ville, c’est-à-dire de la politique destinée à assurer une plus grande égalité entre els lieux, entre les habitants et entre les quartiers, mais, au-delà, c’est à Marseille que s’est engagé le débat public depuis qu’elle est devenue un chef-lieu, à la fois dans la construction d’une presse régionale et dans l’aménagement des lieux du débat public. C’est dans l’espace de la métropole marseillaise que se manifeste la nécessité de la conception et de l’élaboration d’une telle politique, bien plus que dans les autres lieux de l’espace des Bouches-du-Rhône. Confondre métropole urbaine et département, c’est, finalement, ignorer la spécificité des confrontations politiques et sociales sur lesquelles repose la spécificité de l’espace urbain. Rappelons-nous que la politique est née dans l’espace de la ville, rappelons-nous que la polisdésigne, dans la culture dont nous sommes issus, l’espace urbain, et les politai, comme les cives, les citoyens, ceux qui habitent cet espace. Mais confondre l’espace de la métropole urbaine et celui de l’espace du département, c’est oublier, ou refouler l’importance des confrontations dans la naissance et le développement de l’espace politique. C’est à une telle méconnaissance que conduit la fusion entre la métropole et le département, à la méconnaissance, finalement, tout simplement, de la spécificité de l’espace urbain. Peut-être demain cela conduira-t-il à l’abandon des politiques de la ville dans l’espace de la métropole. 

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