MARSEILLE ET L’ÉGALITÉ DES TERRITOIRES

Billet de blog
le 15 Juil 2018
0

Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, l’a annoncé dans « Le Monde » du 12 juillet, au cours d’un entretien avec L. Couvelaire : « Marseille », dit-il, « est le coup d’envoi d’un tour de France baptisé Les territoires en action. Interrogeons-nous donc sur ce que peuvent signifier, à Marseille, l’égalité des territoires et leur action.

Qu’est-ce que des territoires ?

Ce que l’on appelle un territoire est la médiation politique de l’espace. Un territoire désigne l’espace sur lequel s’exerce un pouvoir et un espace dans lequel s’ancre une identité. Si les territoires ont longtemps désigné des espaces nationaux définis par des frontières, sur lesquels s’exercent les pouvoirs politiques des chefs d’État, il est intéressant – et, d’une certaine manière, inquiétant – d’observer que, depuis quelque temps, cette figure du territoire s’applique aux espaces urbains : ne nous trompons pas, ne nous faisons pas d’illusions : si a été institué un « ministère de la cohésion des territoires », dans le gouvernement Philippe, c’est pour désigner, en réalité ce que l’on pourrait appeler un ministère de l’égalité des territoires, c’est-à-dire un ministère de la lutte contre les inégalités et contre les exclusions. C’est bien sur ce point que réside ce que l’on peut appeler l’urgence de la ville. Si une politique de la ville a fini par été engagée, c’est parce que les pouvoirs publics ont enfin pris conscience de la gravité des inégalités qui déchirent les espaces urbains, qui menacent l’intégrité même des villes et des banlieues. N’oublions pas ce que veut dire ce mot, banlieue : la banlieue, c’est l’espace du ban, c’est-à-dire l’espace sur lequel s’exerce un pouvoir, parce qu’en ancien français, un ban, c’était un ordre, une loi. Si la banlieue désigne un espace qui a fini par constituer un espace d’exclusion, c’est parce que, tandis qu’un espace politique et culturel est un espace dont l’identité est définie par ceux qui y vivent, un espace du ban, une banlieue, désigne un espace dont l’identité leur est imposée par le pouvoir. 

 

Les inégalités à Marseille

C’est, ainsi, l’inégalité qui fonde la banlieue : une banlieue est un espace dont l’inégalité sociale avec la ville tient à ce que son identité est imposée par les pouvoirs urbains – qu’il s’agisse des pouvoirs politiques et institutionnels ou des pouvoirs économiques. Le premier exemple que l’on peut trouver de l’inégalité économique, culturelle et sociale qui divise la ville en en fragmentant les territoires est, sans doute celui des transports et des modes de déplacement collectifs. Dans une ville comme Marseille, les inégalités entre les lieux de la ville se manifestent, d’abord, de la façon la plus évidente, dans l’inégalité entre eux quant à leur desserte par les transports en commun. En effet, c’est en se déplaçant dans tous les espaces qui la fondent que l’on prend pleinement conscience de son appartenance à la ville et de l’identité urbaine dont on est porteur. L’autre grande inégalité qui divise l’espace de Marseille est celle du logement. Sur ce plan aussi, il y a urgence. En effet, qu’il s’agisse de l’inégalité entre les qualités architecturales des ensembles immobiliers, de l’inégalité quand aux conditions dans lesquelles ils sont habités ou de l’inégalité quant à l’exclusion dont ils sont frappés dans leur appartenance à l’espace de la ville, les inégalités, à Marseille en particulier, sont les inégalités spatiales entre les lieux de la ville – ne serait-ce que parce que, dans cette ville, les espaces qui, dans d’autres villes, sont dans les banlieues, sont des banlieues situées dans l’espace de la ville.

 

L’urgence d’une politique de l’égalité urbaine à Marseille

C’est bien pour ces raisons qu’une politique visant à inscrire l’égalité dans l’espace de la ville devient urgente à Marseille. Ce n’est pas un hasard su, pour reprendre les propos de J. Mézard, c’est Marseille qui est le lieu où s’engage une politique visant l’égalité entre les territoires. Au passage, on peut noter l’usage du terme « coup d’envoi »– comme si la politique de la ville n’était qu’un jeu – à moins qu’il ne s’agisse d’évoquer ici dans l’espace marseillais une confrontation entre les lieux et entre les territoires comparables à la confrontation entre les équipes d’un mach de football. Après tout, si les territoires, en particulier à Marseille, sont séparés par des inégalités, il s’engage entre eux une lutte sociale comparable à la lutte des classes définir par Marx – à une époque, justement, ou commençait à se manifester pleinement l’inégalité entre les lieux, entre les quartiers, entre les espaces, de villes qui commençaient à devenir les métropoles qu’elles sont aujourd’hui. C’est bien ce que signifie une politique urbaine des territoires à Marseille : y instituer l’égalité, c’est faire en sorte qu’il n’y ait plus de division entre des territoires, que l’espace urbain ne soit plus morcelé, mais, au contraire, que la ville soit un espace dont l’identité soit pleinement partagée équitablement par tous ceux qui l’habitent. Peut-être est-ce particulièrement important parce que nous sommes le lendemain du 14 juillet : le 14 juillet 1789 se voulait l’engagement de la recherche de l’égalité entre tous les habitants de notre pays et entre tous ses territoires. À cet égard, il est tout à fait significatif que le titre du ministre chargé de la politique de la ville et des territoires dans le gouvernement d’E. Philippe soit ministre de la cohésiondes territoires et non de leur égalité.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire