Défilé le 26 mai

MARSEILLE MANIFESTE

Billet de blog
le 27 Mai 2018
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Comme Paris, comme, sans doute, toutes les villes de France, Marseille était dans la rue, samedi, pour dire son rejet de la politique engagée par le pouvoir. Marseille était dans la rue pour retrouver ce qui fait peut-être son histoire : l’articulation entre l’inquiétude et l’indignation.

Indignation et engagement politique

C’était cela, samedi, qui dominait l’ombrière du Vieux-Port, puis la Canebière, puis le cours Lieutaud et, enfin, la place Castellane : l’indignation, la colère, un engagement politique exprimant une protestation, manifestant dans un défilé le rejet par la ville entière de la politique menée par le gouvernement d’E. Macron et d’É. Philippe. En défilant dans la rue, le peuple de Marseille et de sa banlieue a voulu dire qu’il voulait d’autres choix politiques, qu’il voulait, comme les autres peuples de France, faire entendre ses choix. Peut-être est-ce, une fois de plus, le rejet, la colère, qui fondent l’engagement politique. Peut-être, avant même d’exprimer des choix, faut-il, en politique, pour se faire entendre, commencer par exprimer des refus, des oppositions, des antagonismes. L’indignation a rassemblé tout un peuple divers, fait de partis et d’associations multiples, constitué par une pluralité de mouvements réunis dans des mots et dans des exclamations partagés. Marseille dans la rue, samedi, c’était Marseille politique, c’était le Marseille de La Marseillaise, qui retrouvait dans un chœur politique partagé le Marseille de L’Internationale.

 

Inquiétude et politique de la ville

C’est que, samedi, il n’y avait pas que des chœurs : ce qui s’entendait dans la rue, c’était aussi – peut-être même surtout – l’inquiétude d’un peuple qui ne sait pas où le mènent ceux qui sont censés le conduire et le diriger. Dans la ville, la politique, samedi, était une politique faite d’incertitude, d’interrogations : dans cette sorte de rejet du débat et de la confrontation, la majorité présidentielle du mouvement En marche, qui commence, d’ailleurs, à exprimer aussi des interrogations et des incertitudes, suscitait la manifestation d’un peuple réuni dans l’inquiétude. Finalement, au lieu de susciter l’adhésion (n’oublions pas que E. Macron a été élu par 66 % de 63 % des électeurs, c’est-à-dire par à peu près 37 % des électeurs), le président élu en 2017 finit peut-être par susciter le rejet, en tout cas, des manifestations importantes de rejet, de refus de la politique qu’il propose. Samedi, la ville a dit son engagement politique dans la manifestation d’un refus. C’est, après tout, toujours dans le rejet dans l’opposition que se construit ce que l’on appelle la politique de la ville. Dans les manifestations, on a toujours à l’esprit les vers que Victor Hugo a écrit sur les tours de Jéricho par Josué et ses compagnons, qui représentent, sans doute, les manifestations populaires des ouvriers du XIXème siècle : « À la septième fois, les murailles tombèrent ».

 

La fête et le défilé

Mais, samedi, il n’y avait pas que des slogans et des discours de protestations : il y avait aussi des chants, des costumes, des déguisements, des mouvements de danse. À La Marseillaise et L’Internationale, c’était Bella ciaoqui se joignait dans un mouvement politique porté aussi par la fête. Les manifestations, dans la rue, ne manifestent pas seulement des engagements politiques : elles sont aussi des temps de fête, de costumes, de chants, de musique et même de mouvements théâtraux. La manifestation est aussi un moment de fête, comme pour répondre à l’inquiétude par une fête qui se fait plus forte qu’elle. Tout au long du défilé de samedi, on pouvait entendre des chants et des instruments de musique qui venaient dire que, pour inventer de nouvelles formes de politique, il faut commencer par joindre la fête à l’engagement. Il n’y a pas d’engagement politique plein sans fête et sans de nouvelles formes d’hymnes à la joie, pour parler comme Beethoven. C’est ainsi que, samedi, la rue était un espace de fête en même temps qu’un espace politique. Dans le rejet de la politique engagée par le pouvoir, la manifestation de samedi, dans la rue, où les dirigeants étaient dans le même cortège que le peuple de la ville, imaginait, une fois de plus, un langage politique différent : un langage politique qui n’était pas celui des technocrates et des administrateurs, mais celui du peuple retrouvé. En joignant la fête et le défilé aux mots et aux discours du politique, la manifestation fonde toujours un langage politique différent, pleinement libre.

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