À l’usine Coca des Pennes-Mirabeau, 23 jours de grève et de soutien de la population
Voilà 23 jours qu'une partie des salariés de l'usine Coca des Pennes-Mirabeau est en grève pour protester contre un plan social qui menace 44 emplois sur le site. Alors qu'une médiation vient d'être demandée par la justice, la solidarité des riverains et commerçants du coin confortent les grévistes dans leur lutte.
Les grévistes de l'usine Coca des Pennes Mirabeau bloquent l'entrée du site depuis trois semaines.
Les grévistes de l’usine Coca-Cola des Pennes-Mirabeau sont d’humeur joviale. Il fait beau et une bonne nouvelle vient de tomber : la justice s’est montrée clémente avec les sept salariés – dont six représentants du personnel – assignés devant la justice par leur direction pour exercice abusif du droit de grève. Si la levée du piquet est bien demandée “sous 24 heures”, il ne s’agit là que d’une “invitation” du tribunal de grande instance, sans astreinte alors qu’ils encouraient une amende de 1000 euros par jour d’occupation. “La justice nous donne raison”, clame désormais Lionel Reina, délégué CGT, l’unique syndicat actif dans la mobilisation.
Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, les grévistes ne tardent pas à applaudir la deuxième annonce de leur représentant. “Une médiation va être menée sous l’égide de l’État”, fait-il savoir à l’assemblée. À la demande du tribunal, la Direccte (direction régionale de l’emploi) va donc arbitrer dans les prochains jours des négociations sur les 44 suppressions de postes aux Pennes sur 128 au niveau national, annoncées il y a trois semaines. Sur les cinq sites que comprend Coca Cola European Partners en France, cette usine est la plus touchée.
Malgré ces deux satisfactions, les grévistes ne répondront pas favorablement à l’“invitation” à abandonner le piquet de grève. “Vingt-trois jours, c’est long déjà. Mais on est lancés maintenant. Et on ne va pas retourner travailler sans avoir rien obtenu”, fait-on savoir sur place. Il faut dire que les grévistes pennois de Coca sont désormais bien solides sur leurs appuis. En 23 jours, ils ont largement eu le temps de s’organiser et de transformer leur piquet de grève en campement. Notamment grâce à l’aide et au soutien massif de la population de la commune.
Le primeur, le boucher, le boulanger…
Il ne se passe pas une minute sans qu’un automobiliste qui longe l’usine Coca-Cola klaxonne. Loin de témoigner leur agacement, les conducteurs lancent ainsi un signe d’encouragement aux grévistes qui bloquent l’usine. À chaque coup de klaxon, une dizaine de gars répondent en chœur par des cris, les poings levés. Après 23 jours de grève, ils sont toujours une quarantaine, installés sous des tentes, ou assis sur des chaises devant un tronc de bois qui se consume à leurs pieds. “Y a un petit élagueur du coin qui nous fournit du bois pour qu’on puisse se chauffer. La météo a pas toujours été clémente. On a même eu de la neige la semaine dernière”, commente Jonathan(*), un jeune technicien de maintenance.
À ses côtés, Dimitri(*), lui aussi technicien de maintenance. Comme Jonathan, c’est sa première grève et s’il considère le bien-fondé du combat évident, il reste étonné de l’ampleur de la solidarité qui l’entoure. “Le primeur, le boucher, le boulanger, les gens du PMU. Ils nous ont tous amené un truc ! On a eu des brioches, des croissants, un beau panier garni avec des clémentines… Tous les jours quelque chose !”, énumère-t-il, conforté dans sa lutte. Dans le tranquille village des Pennes-Mirabeau, la question du soutien ne se pose effectivement même pas. “Ce sont nos clients, nos amis. C’est normal non ?, justifie Julie qui tient avec sa famille le PMU. La semaine dernière, mon frère et ma belle-sœur sont allés chez Métro pour leur acheter de quoi se ravitailler”, ajoute-t-elle.
Soutien moral
“Nous avons eu une grosse aide de la part des commerçants et des particuliers qui sont venus nous amener des vivres, des dons, du soutien moral”, raconte Jean-Marc Tarico. Cela fait 18 ans qu’il s’occupe du magasin des pièces détachées de l’usine Coca-Cola. “C’est la deuxième grève que je connais. L’autre, c’était pour une prime il y a dix ans. Elle a duré huit jours. Mais je n’ai jamais connu une grève aussi longue et cette solidarité, elle nous permet de tenir.” Et comme pour illustrer ses propos, un vieux monsieur vient justement apporter du taboulé et prendre des nouvelles. “Regardez, il est même venu avec un chasuble !”, rigole Jean-Marc en pointant du doigt le vêtement du vieil homme floqué avec le visage du Che et l’inscription “CGT Coca-Cola”.
Au début de leur mouvement, les grévistes ont pris soin d’informer la population. Armés de tracts et de canettes de Coca, ils ont fait passer le message à tous les automobilistes qui passaient devant l’usine se situant juste à côté de la bretelle d’autoroute. “Les gens ne comprennent pas que Coca licencie. Ils trouvent notre grève légitime”, poursuit Jean-Marc Tarico. En effet, quelques mètres plus loin, l’avis est partagé. “J’ai pas vu les comptes de Coca mais il me semble qu’ils font des bénéfices, non ? Si c’était une petite entreprise qui croulait sous les dettes, OK, mais là…, entame Christelle Dadoune qui tient un magasin de fruits et légumes en face de l’usine. Alors on leur donne des fruits quand il fait froid pour leur donner du courage. Ils ont raison de faire ça.”
“Tout le monde a du Coca dans son frigo”
Difficile en effet d’imaginer que Coca Cola European Partners, qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 2 milliards d’euros puisse se trouver en difficultés économiques et n’ait d’autre choix qu’un plan social. L’embouteilleur l’envisage pourtant afin de “réorganiser” ses cinq usines françaises. “Une solidarité comme ça dans un mouvement social, c’est rare mais finalement c’est pas si étonnant que ça se fasse ici, analyse Stéphan Dainotti, secrétaire général CGT de Nexcis venu apporter son soutien aux Pennois. Tout le monde a du Coca dans son frigo. Forcément, ça interpelle. Ensuite, Coca représente le capitalisme et l’impérialisme américain. L’appui de la population permet de retrouver la vertu de la solidarité. Et c’est ça qui les fait tenir”.
Sur le trottoir d’en face, Alain Quaranta fume une cigarette devant sa maison en attendant que sa femme trouve les clefs de la voiture. Cet ancien travailleur du port regarde dans la direction de l’usine Coca. Lui aussi, en son temps, s’est battu pour son emploi. Alors quand l’appel aux dons a été lancé, il n’a pas hésité a donner 20 euros. “Les employeurs gagnent plein de sous et veulent licencier. C’est toujours pareil. C’est pas normal ce qui leur arrive”, dit-il en tirant sur sa cigarette quand sa femme le rejoint. “Moi aussi j’étais syndiquée. Si on ne se bat pas, on a rien. Et sans solidarité, ils n’iront pas loin”, conclut-elle avant de monter dans la voiture, et de klaxonner en passant devant le piquet de grève.
(*) Ils n’ont pas souhaité donner leur nom de famille.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Commentaires
0 commentaire(s)
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.