“On va tout faire pour que Babel Med ait lieu en 2019”

Interview
le 28 Déc 2017
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Faute de financement de la région, l’édition 2018 de Babel Med Music, qui mêle salon professionnel et festival grand public, n’aura pas lieu.  Mais le président de l’association organisatrice Latinissimo, Marc Aubergy, compte bien le relancer en 2019. Avec ou sans la région, mais sans jamais trahir les racines du festival.

Le groupe La pegatina en 2016. 
Crédit : Jean de Peña pour Babel Med Music.
Le groupe La pegatina en 2016. Crédit : Jean de Peña pour Babel Med Music.

Le groupe La pegatina en 2016. Crédit : Jean de Peña pour Babel Med Music.

Le 20 décembre, l’association Latinissimo annonce qu’elle renonce à organiser l’édition de Babel Med Music “suite à la réduction de 79 % de la subvention de son partenaire principal : la région Provence-Alpes-Côte d’Azur”. La collectivité assume un choix politique et ne souhaite plus être le seul gros financeur du rendez-vous marseillais des musiques du monde. Une semaine plus tard, une pétition a été lancée pour pousser le président de région Renaud Muselier à revenir sur sa décision et compte déjà plus de 4000 signatures.  Le président de l’association Marc Aubergy fait le point sur la situation.

Marsactu : Comment avez-vous appris le retrait de l’aide de la région pour l’édition 2018 ?

Marc Aubergy : On l’a su dans la semaine qui précédait le vote en plénière [la réunion du conseil régional, ndlr] par le directeur de cabinet [du président Renaud Muselier] qui nous a reçus. Il nous a dit que nous ne correspondions plus à leur modèle économique – je reprends exactement ses termes. Ils reconnaissent l’intérêt économique du salon mais pour ce qui est des concerts, on nous a dit “ça nous intéresse plus”.

Car la région considère que la billetterie n’est pas assez rentable…

Tout à fait. Mais les soirées, c’est une vitrine pour Marseille, pour la région. Entre 30 et 40 % des artistes qui se produisent sont des locaux. Le petit groupe du Var ou des Alpes-Maritimes, que nous, nous connaissons parce qu’il tourne ici, et bien pendant Babel, il se produit devant des pros du monde entier et sur la scène du Dock des Suds.

Est-ce que vous vous voyez envisager Babel Med sur un autre modèle économique ?

Non, je ne me vois pas changer. Latinissimo a trois segments : Babel Med, la gestion du Dock des Suds et la Fiesta.  Des trois, celui qui a le plus de lien avec l’économie, c’est certainement Babel Med. Babel, c’est 4000 nuitées d’hôtel au mois de mars à Marseille, c’est 204 emplois le temps du festival – qui vont donc être supprimés – en incluant les intermittents. Quand on vient dans un festival pour un salon, on va aussi visiter la ville, donc il y a une part de tourisme également. Pendant Babel, on fait travailler quinze entreprises, pour la restauration par exemple. Alors s’il faut encore affiner ce modèle économique, moi je vous avoue que j’ai du mal à comprendre ce qu’ils entendent par là. Il y a un manque de reconnaissance. Nous existons depuis treize années et avons gagné la reconnaissance du milieu professionnel dans le monde entier.

Cette année Babel Med n’aura donc pas lieu. Projetons-nous l’année prochaine, que va-t-il se passer ?

On va tout faire pour qu’il ait lieu. Avec ou sans la région. S’ils reviennent sur leur sentiment, tant mieux. On va refaire un projet. Ils nous répondront oui ou non. Mais dans tous les cas, nous n’allons pas attendre la réponse pour trouver un autre financement, vu ce qui nous est arrivé cette année. On ne va pas dormir.

Marc Aubergy lors d’une conférence de presse en 2016. Alors vice-présidente à la culture de la région, Sophie Joissains (à droite) était alors venue afficher son soutien à l’événement.
Crédit photo : Jean de Peña pour Babel Med Music

“Refaire un projet”, c’est-à-dire ?

Repenser le projet. Mais pas qu’avec les suggestions de la région car cela fait un moment qu’on réfléchit. Par exemple, nous faisons des conférences à chaque édition. Mais au fil des années, nous nous sommes aperçus que cela se transformait en un entre-soi. Et bien, nous allons essayer de les ouvrir plus largement. Avec un thème comme le numérique par exemple. Il se passe un phénomène très important en ce moment en Afrique : Orange investit de façon très conséquente sur le numérique. L’année dernière, on évoquait cela avec les producteurs africains, notamment au sujet du changement de modes d’écoutes, de la chute du CD, de la promotion. L’idée serait de faire venir des pointures sur le sujet et de l’ouvrir au public, aux jeunes, aux artistes. En communiquant de façon beaucoup plus élargie. Voilà un exemple de changement. Il faut parler des sujets actuels. De l’avenir des festivals par exemple. Vous avez aussi Live Nation, ce gros fonds américain qui depuis des années rachète des salles et produit des gros artistes. Ils ont une énorme salle à Los Angeles par exemple, ils mettent Madonna, ils mettent Beyoncé, et tout est à eux. En gros, ils mettent leurs artistes dans leur salles. Et depuis, ils investissent, ils achètent des festivals clef en main, ils cherchent à acheter des salles à Paris, ou encore… à Marseille. Ils ont un partenariat avec Marsatac [Lire notre interview de son directeur général]. On n’est pas des autistes, le Dock est intéressant pour ces gens-là.

Vous imaginez Babel Med, voire la Fiesta, ou même les Docks puisqu’il est aussi question de lieu de tomber dans ce genre de modèle ?

On va vers une marchandisation de la culture, en l’occurrence de la musique. Mais il y a quand même des réactions. Les Francofolies, Les Vieilles Charrues, Les Eurockéennes.. la Fiesta des suds – puisqu’on a les mêmes partenariats – on reste pour le moins indépendants. Il y a une prise de conscience avec tous ces gens, qui depuis vingt ans font pour le public des grands festivals. Ces festivals sont pleins donc c’est qu’ils plaisent. On ne va pas tomber dans ce système de produit culturel. Avec Babel, on voulait faire un débat là-dessus, en invitant cette année des directeurs de festivals à intervenir, ou à donner l’alerte. On voulait faire savoir qu’il y avait ce phénomène, entre autres… Ce n’est pas qu’un acte de résistance pour installer la polémique, c’est faire prendre conscience. On considère que cela peut-être un frein à la création, au petite salle de quartier… Ce n’est pas un acte de militantisme, mais la réalité est ainsi. Il faut la faire connaître au public.

Si la région décide que votre projet pour 2019 ne lui convient pas, qu’allez-vous faire ?

Quand on a commencé la Fiesta, on était financé à 90 %. 26 ans après, le partenariat public représente 20 %. Donc on sait gérer, apparemment le public nous suit et parallèlement à ça, on a fait Babel Med qui est à la moitié du parcours de la Fiesta. Donc ça marche. En même temps l’année dernière, cinquante festivals ont fermé en France. Il y a une crise aussi. Les subventions ne font pas tout. L’autofinancement se dégage au fil des années. Ça fait trois ans que la billetterie est en augmentation, l’année dernière, 15 000 personnes sont venues en trois soirs. On n’avait jamais vu ça. Avant que la région nous donne sa décision, on avait envisagé de reconstruire le festival. Mais on va pas le révolutionner, c’est le meilleur moyen pour le mettre en l’air. On garde les racines de l’histoire. Donc oui, nous garderons Babel Med avec notre concept qui a treize années, et donc avec des concerts le soir. Et s’ils ne veulent pas financer les concerts, on va devoir trouver un autre partenaire.

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