Le maire Noël de Fos-sur-Mer gâte petits et grands commerces
Pour la troisième année, la mairie de Fos-sur-Mer offre à ses habitants 100 euros en bons d'achat à dépenser dans les commerces de la ville, boutiques d'artisans comme supermarchés.
Le maire Noël de Fos-sur-Mer gâte petits et grands commerces
Depuis trois ans, c’est le même manège. La salle des mariages de l’hôtel de ville de Fos-sur-Mer, situé un peu à l’écart du centre-ville, oublie robes blanches et costumes trois-pièces pour se transformer en grand guichet. Les habitants y défilent pour retirer le chéquier municipal marqué d’un cœur et du slogan “Je défends ma commune, je défends mes commerces”. 100 euros de bons d’achat par foyer à dépenser à leur guise dans les commerces de la commune. “L’objectif, c’est de faire redécouvrir les commerces de Fos-sur-Mer”, précise René Raimondi qui veut éviter comme nombre de petites villes de voir les rideaux tirés se multiplier.
Aide-soignante à la retraite, Jeannie Fancello est venue retirer ce mercredi après-midi ses bons. “Je vais m’en servir pour la Noël pour les cadeaux pour les petits enfants. On en profite, on sait bien que c’est pas obligé de faire ça”, sourit-elle. “C’est pas négligeable. Ça va me permettre d’acheter un peu de champagne”, renchérit Cécile David, une quinquagénaire apprêtée.
Les entreprises font le budget de la ville
Comme beaucoup d’habitants, Cécile David travaille dans la pétrochimie, comme secrétaire. C’est la forte présence des industries sur le territoire qui historiquement permet à Fos de bénéficier d’une capacité financière rare pour une ville de 17 000 habitants. 104 millions d’euros (dont 13 d’emprunt) et une taxe d’habitation à 0,01 % en 2017. Les seuls chéquiers portent sur une enveloppe maximale de 700 000 euros. “C’est peanuts, sourit René Raimondi. Bien sûr que nous avons un budget important mais il ne faut pas oublier qu’en face, il y a des inconvénients comme la pollution, l’existence d’un service risques majeurs, un réseau routier saturé”, appuie le maire.
En ne posant pas de conditions de ressources – “sur ce dossier, ce n’est pas l’idée” – la mairie de Fos-sur-Mer va plus loin que les colis de Noël, traditionnels dans beaucoup de communes mais aussi au conseil départemental, sur conditions d’âge et/ou de ressources (voir notre encadré). Elle s’inscrit ainsi dans une démarche rare, que Gémenos propose un an sur deux [Lire notre enquête : “Gémenos, la ville qui arrose ses habitants”]. “A ma connaissance, ce sont les deux seules communes de France”, témoigne René Raimondi.
Les supermarchés dans la boucle
La mesure est forcément bien accueillie par les habitants et étonne les nouveaux venus : “Je suis arrivé à Fos il y a deux ans et forcément, tous les collègues m’en ont parlé, explique Christian Pons, qui travaille à la maintenance électrique dans une carrière. Je vais vous dire, c’est pour faire les courses. Pas forcément pour Noël. C’est une aide importante”. Car c’est un aspect étonnant de cette aide, les commerces ne sont pas sélectionnés. Si “les commerçants et les artisans” sont mis en avant par la commune, McDo a rejoint le dispositif cette année et les grandes surfaces Leader Price et Intermarché y sont elles aussi incluses.
Ces deux dernières arrivent même en tête des dépenses. “Qu’on ne vienne pas nous dire qu’ils en ont besoin, s’agace Sandra Belfatmi, qui tient la mercerie La Bastidonne à deux pas de la mairie. A la base, on pensait que ce serait réservé aux petits commerces de la ville.” A la municipalité, la fonctionnaire chargée de l’opération, Sandrine Doridant explique : “On s’est calé sur les habitudes de consommation des habitants.” René Raimondi assume un choix politique : “Je n’envisage pas de sélectionner les commerçants. Même eux ont des salariés qui habitent à Fos. Et puis, Intermarché, c’est pas une chaîne, c’est un couple de gérants.
Surtout, assure l’édile, “c’est un faux problème si on regarde les pourcentages de chiffre d’affaires. On voit bien à ce moment-là que ça profite aux petits”. Retour à la mercerie : “C’est vrai que ce n’est pas négligeable. L’an dernier, cela a représenté 2500 euros pour moi, reprend Sandra Belfatmi. Mes clientes, mes mamies comme je les appelle, il y en a certaines qui sortent de la mairie et elles viennent directement ici et elles dépensent tout d’un coup. Pour d’autres, comme je fais aussi des vêtements, c’est avant le repas de Noël qu’organise le maire.” Sur le trottoir d’en face, la boucherie Martine (Griffet) et Camille (Lurmin), valide aussi la mesure qui rapporte pour eux aussi plusieurs milliers d’euros chaque année. “Il y a nos clients habituels, bien sûr, mais il y a aussi les nouveaux, souvent des jeunes, qui en profitent pour s’offrir une belle volaille plutôt que de l’acheter au supermarché”, se réjouissent les co-gérants.
“Difficile d’être contre” mais…
A l’arrivée, tout le monde semble plutôt satisfait. “Difficile d’être contre, c’est pas le sujet le plus porteur, sourit l’opposant LR Philippe Maurizot rencontré dans les couloirs du conseil régional. Je vote pour, évidemment. Mais d’aucuns parleraient de clientélisme.” Si cela permet sûrement de séduire, le sociologue spécialiste de la question des relations clientélaires Cesare Mattina, à qui on expose la mesure, est bien plus nuancé : “Bien sûr qu’il y a une utilité électorale mais ce n’est pas pour cela que l’on peut parler de clientélisme. A mon sens, il faut surtout regarder les groupes sociaux qui gouvernent une ville et, si je n’ai pas étudié particulièrement la situation à Fos-sur-Mer, cette mesure se tourne d’abord vers les commerçants qui doivent jouer un rôle important dans le gouvernement de la ville. Et en offrant les chèques aux habitants, [le maire] fait coup double.”
Reste à pouvoir faire perdurer la mesure. “Il n’y a pas de durée de vie à cette mesure. Si des usines ferment, on peut avoir des coups de ce style sur les dotations qui passent à zéro d’un coup.” En ce moment, c’est le sort de l’usine Ascométal, 450 employés, qui préoccupe la ville. “Quand l’hiver approche, il faut savoir garder ses noisettes, image quant à lui Philippe Maurizot. Pour moi, il manque de grands projets à Fos. Miramas a fait son village de marques, Istres construit son Forum des Carmes. À côté, le chéquier, ça fait petit bras”. “Je défends un projet de vie global à Fos, qui paie très cher en termes de conditions de vie, avec de nombreux services à la population, avec une police municipale qui est la première en France en terme de nombre d’agents par habitant”, rétorque à distance René Raimondi dont la rivalité avec Philippe Maurizot est ancienne. Et le maire tient avec son chéquier un symbole qui a son talon (d’Achille) : “Les administrés sont vite des enfants gâtés. Dur de leur retirer quelque chose !”
Les colis de Noël, une tradition bien ancrée
Ville de Marseille, d’Aix-en-Provence, conseil départemental… La tradition des colis de Noël est bien ancrée dans le département. Les premiers bénéficiaires sont les anciens qui y trouvent généralement diverses spécialités culinaires de la région. À Marseille, ce sont près de 12 000 colis que le Comité communal d’action sociale délivre chaque année.
Alors que sa présidente Martine Vassal inaugure la première “maison du Bel Âge” ce samedi, le département propose lui aussi ses petits cartons, réservés aux plus de 60 ans ne gagnant pas plus d’1,5 SMIC pour une personne seule et 2,5 SMIC pour un couple, ce qui recouvre la majorité des seniors des Bouches-du-Rhône.
“Quand j’ai épluché les archives municipales, je me suis rendu compte que c’est un sujet qui intéressait beaucoup les élus, commente le sociologue Cesare Mattina. Il y avait beaucoup de courriers à ce propos. Les élus voulaient qu’on leur attribue le mérite de ce qui a été distribué.” Il y a quelques années, un conseiller général proposait même de distribuer ces colis à sa permanence politique.
Commentaires
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Entre ça et le cancer, lié aux mêmes usines, je crois que (comme pour les impôts locaux) je préfère ne pas recevoir de cadeau.
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Il faut rappeler au Maire de Fos l’article 28 de la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat: “Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.”
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Où est l’emblème religieux sur ces bons ?
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Voir la photo de tête.
La croix dans la salle des mariages.
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C’est une croix camarguaise, et alors ? Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin , ce rigorisme est un peu exagéré.
Mais bon chacun pense ce qu’il veut
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