Pour ne pas dormir dehors, des migrants mineurs occupent une église
Des militants de RESF et du collectif Migrants 13 ont décidé mardi soir d'occuper l'église Saint-Férréol-Les-Augustins pour dénoncer le sort des mineurs isolés étrangers à la rue. L'archevêque a donné son accord pour laisser le lieu ouvert pour la nuit.
LC
Il aurait pu s’agir d’un énième rassemblement sous l’ombrière du Vieux-port. Mais les militants du réseau éducation sans frontières (RESF) et du collectif Migrants 13-Al Manba, ont décidé de passer au “coup de force” pour alerter sur la situation des mineurs isolés étrangers dans le département. Peu après 17 h, mardi, près d’une centaine de personnes ont investi l’église Saint-Férréol-Les-Augustins voisine, juste avant l’heure de la messe.
Parmi eux, de nombreux jeunes sans-abris, mineurs pour la plupart, originaires d’Afrique souvent. Une trentaine d’entre eux prend place sur les bancs de l’église, visiblement pas mécontents de s’asseoir, au chaud, entourés d’une foule de gens. Certains commencent déjà à piquer du nez quand les prises de paroles démarrent. “Nous sommes vraiment désolés de devoir en arriver là, mais nous n’avons pas le choix”, s’excuse d’entrée Anne Gautier, de RESF, au micro de l’autel.
“Ici, pour eux, c’est la rue”
Selon ses comptes, 93 mineurs, reconnus comme tels par la justice et bénéficiant d’une obligation de placement provisoire dorment ces jours-ci dans les rues de Marseille alors que les températures baissent. “Et il y en a forcément plus, car il faut ajouter ceux qui ne sont pas encore passés devant le juge, et ceux dont la minorité n’a pas été reconnue”. “On est obligés de les mettre dans des trains pour d’autres villes où ils seront mieux pris en charge, on sait qu’ici pour eux, c’est la rue. J’en ai envoyé 13 la semaine dernière”, confie une militante sous couvert d’anonymat qui pointe également les agressions régulières dont les migrants sont victimes.
Parmi les jeunes assis sur les bancs en silence, l’un d’eux, Sénégalais de 16 ans, explique ainsi être à Marseille “depuis 15 jours”, en provenance d’Italie. Il s’est rendu à son arrivée dans les services de l’Addap, association qui assure l’orientation des mineurs isolés. Mais aucune solution pour passer la nuit au chaud ne lui a été proposée depuis. “Je dors à la gare depuis mon arrivée”. Comme lui, certains attendent une prise en charge depuis des semaines, voire des mois. “Nous ne sommes pas nés dans la rue, pour la rue. Nous ne sommes pas nés pour être hébergés à la gare Saint-Charles”, lâche un autre qui prend la parole devant l’assemblée.
Des dispositifs en saturation
La charge de mettre à l’abri les mineurs isolés, qu’ils soient Français ou étrangers, revient au conseil départemental. Dans les travées de l’église, à l’heure où les paroissiens – parmi lesquels l’ancien président de région PS Michel Vauzelle – s’ajoutent aux militants pour l’heure de la messe, fleurissent les pancartes “Martine Vassal, vous le savez, des enfants dorment dans la rue, qu’attend le CD 13 pour les mettre à l’abri ?”. La présidente du département s’est récemment exprimée sur le sujet, pour demander à l’État de revoir le dispositif. “Les Bouches-du-Rhône font partie des territoires les plus impactés par l’afflux non maîtrisé de ces jeunes qui conduit à des situations humaines parfois dramatiques”, a-t-elle notamment écrit dans un texte publié sur les réseaux sociaux le 19 octobre, dans lequel elle estimait les structures d’accueil “en saturation”.
Si une centaine de places en plus étaient annoncées pour la fin de l’année, de nombreux mineurs trouvent porte close pendant des semaines. Le département a été sanctionné par la justice pour cette raison, notamment en juin dernier. Et les travailleurs sociaux du conseil départemental étaient de nouveau en grève lundi à l’appel de la FSU et de la CGT pour demander notamment un plan d’urgence de placement des mineurs.
“Nous attendons de Madame Vassal, qu’elle vienne en personne nous rencontrer, et assurer aux jeunes l’accès effectif à leurs droits.” Accès à la scolarité et sécurité, voilà ce qu’exige RESF et “pas seulement quelques nuits en hôtels miteux”. Pour autant, la présidente du département et les membres de son équipe n’ont pas pris la parole mardi soir.
“L’église n’est pas indifférente au sort des jeunes et des moins jeunes”
“En accord avec Monseigneur Pontier, j’accueille ce soir les jeunes qui sont ici”, annonce rayonnant le curé Steve Babooram à la fin de l’office, peu après 18 h 30. Avec l’aval de l’archevêque qui a récemment insisté sur le devoir d’hospitalité et de solidarité des chrétiens, la trentaine de jeunes va pouvoir dormir au chaud. Notant au passage que le lieu de culte se situe “quai de la fraternité”. “L’église n’est pas indifférente au sort de jeunes et des moins jeunes, des orphelins, des orphelines”, a-t-il déclaré avant d’être salué par une pluie d’applaudissements. Une militante essuie quelques larmes “On n’est pas équipés pour accueillir plus, a cependant nuancé le prêtre. Mais j’appelle Mme Vassal, les autorités, pour qu’ils entendent ce cri”.
L’annonce de cette ouverture de l’église pour la nuit fait rebrousser chemin aux policiers qui repéraient les lieux en vue d’une potentielle évacuation. “C’est un coup de force, mais je m’étais renseignée sur l’orientation de la paroisse, jésuite comme le pape François, et ouverte sur la question de l’accueil”, glisse Anne Gautier. À 19h, les premières boîtes de pizza étaient déjà éventrées, avant une longue, et chaude nuit.
Actualisation le 22/11/17 à 12h30 : L’archevêque a annoncé mercredi matin qu’il ouvrait les portes de l’église aux mineurs étrangers jusqu’à samedi 25 novembre.
Commentaires
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Face à l’arrivée massive de mineurs non accompagnés, on comprend la panique au sein du conseils départemental. Pourtant, les travailleurs sociaux de l’aide sociale à l’enfance sont confrontés depuis de nombreux mois à ce flux incessant et leur direction – culte du secret oblige – a préféré garder le silence et fermer les yeux devant cette réalité. Résultat : aucun schéma départemental prévoyant de créer des places; aucun financement d’associations relais (on préfère même les baisser), une centaine d’enfants laissés à la rue…Mesdames Vassal et Devesa, l’administration ne vous ayant pas informées, les citoyens se chargeant de vous éclairer, réagissez pour que les droits de l’enfant soient enfin respectés sur les BDR. Pour que la SOLIDARITE ne soit plus un vain mot
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Le Conseil Départemental 13 (CD 13) ne peut pas tout financer.
Exemple : on l’a compris lors de la première table ronde des journées d’Averroès, ce 17 novembre. Il y fut gentiment hué lors de l’annonce des différents soutiens et sponsors. Pour 2017 c’est ceinture du côté du CD 13, aucun appui.
Bien sûr notre « cher » CD 13 doit préparer son obole à l’organisation du Grand Prix de France 2018 de Formule 1, au Castellet. La région ne peut pas tout payer…
On en attend des retombées touristiques et polluantes autrement plus porteuses que l’accueil de jeunes mineurs migrants.
Connaît-on le montant définitif du soutien de nos impôts au ballet varois 2018 des formules 1 ? Combien de places d’hébergement ? A méditer.
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Avec ces huées fort justifiées à la Criée, j’ai réalisé que le CD 13 n’aimait pas trop parler de Méditerranée, ce qui le renvoie à son rejet des migrants et de tout ce qui vient d’ailleurs comme les mineurs non accompagnés qui ont dû la traverser au risque de leur vie. Vaut mieux se limiter à notre PROVENCE
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Donc, y a pas d’argent. Et il faut pleurer parce que le vilain gouvernement veut supprimer la taxe d’habitation, qu’on ne pourra plus augmenter ad libitum au hasard des dérives de la “gestion” locale.
Mais de l’argent, il y en a pour : un beau stade (mais pas pour les écoles), un beau voyage à Miami et un beau spectacle de bagnoles au Castellet – et peut-être même dans Marseille (mais pas pour les ados qui dorment dans la rue)… Question de priorités, sans doute : ici, l’empire romain a laissé diverses traces, dont la tradition éprouvée du “panem et circenses”.
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Toujours des commentaires très agréables …
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Le Conseil départemental finance des buffets assez copieux lors de vernissages d’expositions aux Archives Gaston Deferre (sur les photos de Jean-Marie Périer cette année par exemple).
Evidemment ça ne s’adresse pas au même public…
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Sur 2,5 milliards de budget, le CD 13 ne pourrait pas dégager quelques millions pour l’aide aux mineurs ? Manque peut être la volonté politique …
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