113 ans après sa mort, l’anarchiste Louise Michel de retour à Marseille
La place qui porte officieusement le nom de la révolutionnaire communarde Louise Michel devrait bientôt s'appeler ainsi officiellement. Une petite victoire pour quelques élus de l'opposition de gauche et pour les habitants du quartier. L'occasion aussi de revenir sur le parcours de cette militante anarchiste à Marseille.
La place qui portera bientôt officiellement le nom de Louise Michel (1e arr).
Janvier 1905. Rue Dugommier. Une vieille femme se meurt au premier étage de l’Hôtel Oasis à deux pas de la gare Saint-Charles. Deux journaux de l’époque Le petit Provençal et Le petit Marseillais racontent la même scène. Devant la porte de sa modeste chambre, des policiers font le pied de grue. Ils craignent que la septuagénaire pourtant agonisante ne se relève par miracle pour causer un énième trouble à l’ordre public. Louise Michel aura inquiété les forces de l’ordre jusqu’à son dernier souffle.
Révolutionnaire, anarchiste, féministe, altruiste, activiste, grande oratrice, avant-gardiste… Il est difficile de choisir un qualificatif pour décrire Louise Michel tant ses opinions et sa vie furent hors du commun. 113 ans après sa mort, cette militante d’extrême gauche est en passe de chambouler une fois de plus l’ordre établi : le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin s’est dit favorable à l’idée de baptiser une place de la ville du nom de cette figure incontournable de la Commune de Paris.
“Le maire m’a offert un livre d’histoire”
“J’ai soumis l’idée à Jean-Claude Gaudin qui a accepté. La place Fare-Petites Maries devrait donc changer de nom en ce sens à l’issue des procédures administratives”, confirme Sabine Bernasconi, maire LR des 1er et 7e arrondissements, où se situe la place. En début de semaine, l’élue expliquait à ce sujet lors d’une réunion avec les associations du quartier que le maire lui avait même offert un livre sur les grandes femmes de l’histoire, histoire d’être sûr qu’elle sache bien qui était Louise Michel.
Maintenant que Jean-Claude Gaudin est sûr, la maire de secteur prévoit donc un passage en commission de dénomination des rues d’ici au début de l’année.“Une fois de plus, Louise Michel s’est imposée à nous. Il s’agit d’une volonté des habitants et commerçants du quartier. L’officialiser est donc légitime, s’explique Sabine Bernasconi. Mais cela ne m’empêchera pas de dire ce que je pense de cette femme le jour de l’inauguration”, estime-t-elle nécessaire d’ajouter. “Prendre cette décision, ce n’est pas anodin pour une mairie de droite mais ça fait partie de la démocratie”.
En son temps, la “Vierge rouge” comme l’a surnommée le poète Clovis Hugues, avait le pouvoir de galvaniser les foules. Dire qu’elle a déclenché la ferveur du peuple marseillais comme elle a pu le faire à Paris serait une extrapolation. Il n’en demeure pas moins vrai que ces interventions dans notre ville étaient autant redoutées par la police que soutenues par des centaines de personnes. Le grand hommage qui a suivi sa mort en janvier 1905 constituent l’exemple le plus criant. Mais, et c’est peut-être là une partie moins connue de son histoire, ce n’était pas la première fois que Louise Michel mettait les pieds à Marseille.
Sept liasses de rapport de police
Afin de retracer son parcours en Provence, il faut se rendre rue Consolat dans les locaux du centre international de recherche sur l’anarchisme créé en 1965 par des militants libertaires. René Bianco, son fondateur décédé en 2005, a recoupé des articles de presse et des rapports de police. Il écrit ainsi dans l’un des bulletins du Cira : “Aux archives départementales des Bouches-du-Rhône, sept liasses au moins nous permettent d’avoir une idée de l’activité de Louise Michel dans notre département.” En tout, Louise Michel s’est rendue cinq fois à Marseille.
La première, les 25 et 26 juin 1881 au cours d’une tournée de conférences. Louise Michel s’adresse alors aux Marseillais et plus particulièrement aux Marseillaises venues l’écouter. La romancière Édith Thomas écrira : “Le rédacteur du Petit Provençal est frappé par l’attitude simple et fort correcte de cette femme redoutable qui fait courir Paris depuis si longtemps. Elle appelle les femmes à se jeter dans la Révolution : “Pas de filles pour la prostitution, pas de fils pour l’armée…”“
Après sa condamnation pour sa participation aux manifestations de chômeurs en 1883, des meetings s’organisent à Marseille pour la soutenir. Mais c’est 14 ans plus tard, en 1897 que l’anarchiste reviendra dans la ville. Pour annoncer sa venue le journal local Le petit Provençal écrit, comme le fait remarquer René Bianco : “La Vierge rouge est une femme au cœur ardent et bon, débordant d’un sincère amour des pauvres et des opprimés.” En guise de compte-rendu, le quotidien note une “très grande affluence” dans la salle Rossi des Chartreux où Louise Michel a tenu sa causerie. La police quant à elle estime que 2500 personnes ont assisté à la conférence.
Dernier voyage dans un bain de foule
En 1902, Louise Michel animera deux conférences à Marseille dont un grand meeting antimilitariste à la Bourse du Travail. Cette fois-ci, pas de compte-rendu dans la presse mais selon les rapports de police, Siméon Flaissières, le maire socialiste de l’époque accepte la présidence de l’une de ces réunions. Lors de son avant-dernier passage à Marseille, la police note déjà son état de fatigue. “Devant 250 personnes dont un tiers de femmes, elle ne parle que pendant cinq minutes”, a pu lire René Bianco dans les rapports qui décrive “la conférencière fort enrhumée.”
Et puis, Louise Michel s’est rendue une dernière fois à Marseille en janvier 1905, pour ne jamais en repartir, emportée par une pneumonie. Les quotidiens locaux font tous état de son décès. Dans un article très détaillé, Le petit Marseillais du 12 janvier relate :
La popularité qui depuis plus de trente ans s’était attachée à la vie de Louise Michel ne l’a point abandonnée au moment de sa mort. C’est au milieu d’une foule immense et calme que la levée du corps de la célèbre révolutionnaire a eu lieu dans l’après-midi d’hier. La voiture mortuaire, ornée de couronnes émanant d’un grand nombre de groupes politiques de la ville ou du département s’est dirigée au cimetière Saint-Pierre.
C’est donc dans un hôtel de la rue Dugommier que Louise Michel a passé ses derniers moments. Depuis, l’hôtel a changé de nom et de propriétaire, de décoration. Mais Louise Michel est toujours là. Sur une plaque de marbre fixée à l’entrée de l’établissement d’abord, mais surtout, dans l’esprit du propriétaire des lieux. André Gilles, qui tient l’hôtel Duc de son père était loin d’imaginer qu’une idole des anarchistes y était décédée lorsque son père le lui a légué.
Un propriétaire d’hôtel féministe
“C’est mon ami Richard Martin, le directeur du théâtre Toursky, qui me l’a appris”. André Gilles s’est alors passionné pour cette femme, lisant tout un tas de bouquins à son sujet. “Elle avait un idéal et s’y tenait. C’était une femme qui pensait plus aux autres qu’à elle-même. Aujourd’hui, il faut une très grosse loupe pour retrouver ce genre de personne”, raconte le vieil homme désormais à la retraite, devant son hôtel.
Sa retraite, justement, André Gilles la passe à voyager. Il s’est notamment rendu en Nouvelle-Calédonie, là où Louise Michel, institutrice de métier, avait fondé une école pour les autochtones kanaks. “Il n’y a plus rien qui rappelle ce qu’elle a fait là-bas”, regrette cet homme qui a développé une grande curiosité pour le féminisme.
À Marseille, André Gilles ne risque pas de tels regrets. Car si la dénomination de la place Fares-Petites Maries n’est pas encore officialisée, une plaque y trône déjà. En janvier 2013, après l’annuelle cérémonie de commémoration de la mort de Louise Michel devant l’hôtel Dugommier, un cortège mêlant militants d’extrême gauche, politiques d’opposition, habitants et commerçants du quartier a pris les devants. “Nous avons cheminé à pied de l’avenue Dugommier jusqu’à la place qui se trouve à quelques mètres de là, et avec notre échelle nous y avons scellé une plaque que nous avons nous même confectionnée, se souvient Christian Pellicani, élu municipal du Front de Gauche. Depuis, cette dénomination est entrée dans l’usage. J’ai même vu passer un papier officiel avec le logo de la mairie où la place est appelé ainsi”, se félicite l’élu d’opposition qui serait heureux de constater que Google aussi, s’est pris au jeu.
Pas sûr que les commerçants et habitants alors mobilisés connaissaient tous Louise Michel. Pourtant, certains sont aujourd’hui remplis de joie à l’idée de l’officialisation à venir. C’est le cas par exemple d’Ali Timizar, président du CIQ qui voit là une victoire des gens du quartier : “C’est la preuve qu’il est encore possible que les habitants restent maîtres de leur quartier, le construisent ensemble. Nous avions peur qu’un immeuble soit reconstruit sur cette place. Mais des jeux pour enfants, un peu de verdure, nous en rêvons. Cette place, c’est notre rayon de soleil.” explique-t-il. Une petite révolution qui aurait sûrement fait sourire Louise Michel.
Commentaires
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coquille dans le texte : “C’était une femme qui pensait plus à elle qu’aux autres”.
Le commerce voisin de l’hôtel n’est pas très féministe, lui.
(merci pour l’article, je ne connaissais pas le lien de Louise Michel avec Marseille).
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Enfin ,Louise MICHEL est présente à Marseille.
Une femme extraordinaire reconnue , cela a pris du temps .
Quant à Sabine BERNASCONI , elle ferait bien d’aller chez MAUPETIT afin de s’acheter une biographie d’Adolphe THIERS et l’on verrait ce qu’une femme de droite est capable de dire sur le sujet et sur la notion de Démocratie.
Cela compléterait sans doute ses connaissances en histoire , et peut être qu’à la fin de sa lecture ,elle déciderait de demander à débaptiser notre lycée du même nom au profit d’une personnalité plus humaine.
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Quelle bonne idée !!!
Un “hommage” de ce type : un établissement scolaire, portant ce nom, est une incongruité……heureusement la force de l’habitude à rendu ce nom…commun !
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OUI !!!
Tout à fait d’accord ! C’est une très bonne idée.
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Débaptiser lycée Thiers pour lycée Louise Michel …
Bernasconi comme tout le panel d’incultes qui entoure Gaudin tremble devant une anarchiste ( au sens de l’époque ) antimilitariste , de gôôôôche en plus, humaniste, féministe,un monstre quoi ! ” vous rendez vous compte ce que ces gueux du quartier revendiquent ” on aura tout vu !!!
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On peut pas être bon partout, Bernasconi sa spécialité c’est Broadway, alors Louis Michel vous pensez bien que…
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Thiers pour mémoire c est 1500 fusillés et 5000 déportés de Paris vers la nouvelle Calédonie
Je ne compte pas les morts.
Mérite t il d être au fronton de notre lycée marseillais ?
Nous pouvons se poser la question, chère Sabine.
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Certes. Mais il faudrait alors aussi penser à débaptiser la rue Adolphe Thiers, pas bien loin du lycée du même nom.
Et dans la foulée, s’interroger sur la pertinence de continuer à appeler du nom d’Alexis Carrel une rue du 4ème arrondissement : après tout, ce brave garçon fut un collaborateur notoire, accessoirement partisan de l’eugénisme…
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Pour être complet Louise faisait partie de cette déportation. Un grand homme cet Adolphe.
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Le nom de Louise Michel sera également donné à un immeuble de logements sociaux et à une crèche, rue Félix Pyat (autre communard, déporté comme Louise Michel), juste en face de l’école. La livraison est prévue pour février.
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Concernant Alexis CARREL , cette question est posée par nombre de gens depuis pas mal de temps , mais visiblement cela ne choque personne à la mairie.
Le maire à vraisemblablement sa propre vision historique.
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Intéressant article. Je ne savais pas que Louise Michel était morte à Marseille et y repose. Quant à débaptiser les noms des rues, certes…mais par exemple lycée Thiers est devenu lui-même un lieu de mémoire de la ville, indépendamment de ce qu’a pu faire Thiers.
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Pour ajouter au commentaire sur le commerce attenant à l’hôtel, il a en sous-sol les seules caves Louis XIV à ce jour retrouvées à Marseille.
Le tout donne un bon coktail surréaliste !
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A Marseille comme dans d’autres villes, mai 1968 avait rebaptisé le Lycée Thiers, Lycée de La Commune.
En faire le Lycée Louise Michel serait aussi bienvenu ! Même en Espagne on arrive à déterrer Franco.
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Si vous avez l’occasion je vous conseille de voir le spectacle Calamity Louise que Gisèle Martinez propose de temps en temps dans la région et qui évoque de manière drôle et poétique la vie de Louise Michel (http://cie.eponyme.free.fr/calamity-louise.htm).
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