Décès en prison de Bilal Elabdani : une sourate du Coran en indice d’apologie du terrorisme
Bilal Elabdani est décédé aux Baumettes le 10 août dernier. Originaire de l'Isère, le jeune homme atteint de troubles psychiatriques s'est donné la mort après avoir été placé en détention provisoire pour des faits d'outrage à agent et de rébellion, après des suspicions d'apologie du terrorisme. Marsactu remonte le fil de son séjour à Marseille, qui n'aura duré que quelques heures.
illustration d'hôtel. Photo flickr/hamza Butt.
Quinze jours après sa mort, le corps de Bilal Elabdani [Lire notre précédent article] vient d’être restitué à la sa famille qui pourra enfin le mettre en terre. Ses dernières heures de liberté à Marseille sortent peu à peu du brouillard. Le 10 août dernier, ce jeune homme de 20 ans, originaire de Vienne (Isère) s’est donné la mort dans la cellule des Baumettes après y avoir été mis en détention provisoire en attendant une expertise psychiatrique demandée par le tribunal.
Comme il est d’usage, le parquet de Marseille a ouvert une enquête préliminaire en ce sens. Mais la famille de Bilal Elabdani souhaite que toute la lumière soit faite sur les circonstances de son arrestation puis de son incarcération. Bilal Elabdani souffrait de troubles psychiatriques et avait commis de nombreuses tentatives de suicide, ce dont sa famille avait avisé les enquêteurs. Elle a demandé à son avocat, Jérôme Pouillaude de porter plainte pour “homicide involontaire” la semaine dernière.
En attendant les résultats de l’enquête du parquet et la suite qui sera donnée à cette plainte, nous avons tenté d’en savoir plus sur le séjour de Bilal Elabdani à Marseille et les circonstances qui ont entraîné son arrestation. Le 7 août dans l’après-midi, il est mis en garde à vue pour des faits présumés d’outrage et menace de mort à agent, rébellion et dégradations de biens mais aussi d’apologie du terrorisme. Cette dernière présomption a notamment entraîné une perquisition au domicile de ses parents par la police judiciaire de Lyon “pour y chercher les traces d’une éventuelle radicalisation”, indiquait-on au parquet, la semaine dernière.
Au final, cette présomption a été abandonnée par le parquet qui n’a retenu que les autres préventions lors de son déferrement au tribunal. Au départ ce sont les dégradations commises à l’hôtel du jeune homme qui ont entraîné cette suspicion des enquêteurs. L’hôtel du centre-ville où le jeune homme a séjourné figure bien parmi les victimes sur la feuille d’enrôlement du tribunal.
Comportement inquiétant
Bilal Elabdani y a débarqué dans la nuit du 6 août alors qu’il avait décidé de “venir voir la mer” à l’insu de ses parents comme nous l’a expliqué son père a posteriori. “D’emblée, son comportement nous a inquiétés, indique la gérante de l’hôtel, sous couvert d’anonymat. Il était bruyant, parlait beaucoup et tenait des propos incohérents.” Des paroles qui résonnent fort dans le patio sur lequel donne sa chambre.
Le personnel et notamment la femme de chambre dit avoir peur de ce jeune homme décrit comme “agité”, “délirant”. Bilal Elabdani finit par quitter sa chambre dans le courant de la journée du mardi à la demande de la direction. “Il avait payé pour deux nuits mais ne souhaitait pas rester et nous ne l’avons pas retenu, poursuit la gérante. Avant de partir, il a couvert les murs de sa chambre d’inscriptions au feutre noir.” Selon ses dires, le jeune homme part torse nu, laissant derrière lui une partie de ses affaires, son argent, ses papiers. Là encore, il tient des propos incohérents, paraît “en crise”.
“Nous avons craint qu’il revienne puisqu’il avait toujours la clef et comme il avait dégradé sa chambre nous avons logiquement prévenu la police“, poursuit la gérante. Aux dires de la responsable de l’hôtel, le jeune homme est arrêté à Belsunce à deux cents mètres à peine de l’hôtel. La jeune femme confirme que ce sont bien les inscriptions écrites sur les murs de sa chambre qui ont justifié la qualification “d’apologie du terrorisme selon la police qui les a fait traduire”.
Effectivement, la petite chambre occupée quelques heures porte encore les traces de son passage. Sur le mur extérieur de la salle de bains, on peut lire “allahou akbar” (Dieu est grand en arabe) surmonté d’un étoile à cinq branches. Sur le mur d’en face, il a écrit son nom, sa date de naissance et son adresse ainsi que des propos grossiers adressés à un certain Valentin. “La porte était entièrement couverte d’insultes à l’intention de la police et de la justice mais nous les avons effacées”, reprend la responsable qui nous accompagne. Sur un autre mur, on peut lire un texte en arabe mais écrit en alphabet latin.
Sourate de protection
C’est cette inscription qui aurait éveillé les soupçons de la police. Elle commence par ces mots “Bismillah y lahman y lahir” et se conclut une nouvelle fois par “Allahou akbar”. Une rapide recherche sur internet permet de constater que ce texte est une traduction phonétique imparfaite de la sourate 114 dite an-nas (Les hommes) que l’on trouve ainsi traduite :
“Au nom de Dieu, Le tout clément, Le tout miséricordieux. Dis, je cherche refuge auprès du Maître des hommes. Du roi des hommes. Du Dieu des hommes. Contre la méchanceté de celui qui suggère les mauvaises pensées et qui se dérobe. Qui souffle le mal dans le cœur des hommes. Qu’il soit lui-même génie ou homme”
Une sourate présentée comme protectrice et fréquemment invoquée pour soigner un malade par la prière. Le père de Bilal, Mohammed Elabdani présente son fils comme “peu pratiquant” : “Mon fils n’est pas religieux, il prie pour s’en remettre à Dieu quand il va vraiment mal”. Un élément que confirme l’inscription faite dans sa chambre d’hôtel. Pour l’heure, les circonstances précises de son arrestation et les faits relevant des délits d’outrage et rébellion n’ont pas été portées à la connaissance de la famille et de son avocat. Les éléments recueillis indiquent clairement que son comportement était celui d’une personne en état de crise délirante. L’enquête judiciaire devra faire la lumière sur les raisons qui ont permis son incarcération plutôt qu’un placement en établissement psychiatrique.
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Si ce jeune homme avait eu un nom “bien français” et avait taggé sur les murs de l’hôtel une invocation à Jésus/Marie/Joseph la police l’aurait remis à ses parents et non placé en détention provisoire. Nous sommes en effet dans un Etat laïque-et-catholique.
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