Faire campagne dans l’ombre de Mélenchon

Actualité
le 25 Mai 2017
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La campagne dans la 4e circonscription n'a rien de ce qu'observateurs et politiciens auraient pu imaginer il y a encore quelques semaines. Avec l'arrivée de Jean-Luc Mélenchon, chaque candidat a vu sa place sur l'échiquier bouleversée et a dû revoir sa stratégie de campagne.

Faire campagne dans l’ombre de Mélenchon
Faire campagne dans l’ombre de Mélenchon

Faire campagne dans l’ombre de Mélenchon

“Je voudrais dire à Solange mon admiration, vous êtes si nombreux réunis ici.” François Baroin, chef de file du parti Les Républicains était à Marseille mercredi, dans le local de campagne de Solange Biaggi, avant de rejoindre le Var dans la soirée. La candidate de la droite et du centre dans la 4e circonscription fait figure de soldat à secourir, prise au milieu d’une bataille qu’il aurait été difficile d’imaginer il y a quelques mois encore.

Si François Baroin dit “admirer” la capacité de Solange Biaggi et de son entourage à remplir une salle, c’est bien qu’il mesure la situation : dans cette circonscription fortement ancrée à gauche, avec un sortant socialiste, Patrick Mennucci, l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon a affolé le curseur politique, rendant inespérée une victoire de la droite, déjà complexe à l’origine. Dans un contexte de guerre des gauches, le simple fait d’exister en tant que candidat de la droite semble une gageure. La venue d’une figure nationale entourée de tout ce que le département compte d’élus à droite, n’était donc pas de trop pour remobiliser les troupes.

“Le croisiériste parisien”

Pour autant, à entendre Solange Biaggi, rien ne change. Elle continue sa campagne “pareil, à l’écoute, pareil”. Pourtant la forte recrudescence de ses affiches dans tout le centre-ville traduit une certaine fébrilité. “On n’est pas impressionnés !”, dira-t-elle à la tribune, en dénonçant le “croisiériste parisien”, hué par le public. La candidate va même jusqu’à assurer qu’elle est “ravie” de la tournure que prend cette élection.

“Quand on est partis en campagne il y a un an et demi, on s’est aperçus qu’il y avait un rejet de Patrick Mennucci, et on s’est dit qu’avec un Front de gauche fort, on aurait peut être un petit trou pour nous, se souvient son suppléant Gérard Chenoz qui rit jaune aujourd’hui. Bon, on a été exaucés.” Il faut dire que l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon, porté à 39% dans cette circonscription au premier tour de la présidentielle n’a plus rien d’un coup de pouce pour la droite. Même s’il persiste à estimer que “c’est jouable”, le directeur de campagne constate, blasé : “Il a assuré son élection, pour partir le 19 juin au matin à Paris… Nous on n’est que des locaux.”

“Je ne suis pas sûre que ses intérêts soient ceux des habitants du quartier”

Le vent de la présidentielle dans le dos et un sondage qui la donne qualifiée pour le second tour dans un coin de sa tête, la candidate de la République en marche voit la situation d’un autre œil. Corinne Versini, faisait mardi son entrée en campagne en organisant dans un café-galerie une rencontre avec des adhérents du mouvement, dont elle est la référente départementale.

Et, elle l’assume d’emblée devant l’auditoire d’une bonne centaine de personnes, ce qui l’a décidée à se présenter dans la 4e circonscription, ce sont les premières rumeurs annonçant l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon. “J’ai dit, je vais y aller. Je peux pas laisser ma ville comme ça. Je suis peut-être prétentieuse en disant ça… Je ne le connais pas, bien sûr, mais je ne suis pas sûre que les intérêts de ce monsieur soient ceux des habitants du quartier”, explique-t-elle, comme un chef de troupe qui part au front pour montrer l’exemple. Alors qu’elle avait pourtant laissé entendre aux militants qu’elle ne serait pas candidate, ce qui avait suscité des crispations lors de son investiture par le mouvement.

Corinne Versini assure que c’est l’arrivée de Jean-Luc Mélenchon à Marseille qui l’a décidée à se présenter. (LC)

En politique, Corinne Versini revendique son inexpérience. Quitte à laisser filer quelques maladresses et à répéter un peu trop fréquemment quand on l’interroge sur un sujet précis, “je ne crois pas que cela soit dans les attributions du député”. Elle met aussi les pieds dans le plat quand un participant lui demande ce qu’elle pourrait faire contre la pollution due aux navires du port“Il y a des bateaux qui polluent, et c’est dommage, mais ils amènent beaucoup de croisiéristes !”, relativise-t-elle à outrance, avant de plaider un peu naïvement qu’il faut “être positif” afin “de trouver des solutions”. Mais elle fait volontiers de son statut de novice en politique un argument contre Jean-Luc Mélenchon. “Ce n’est pas facile avec deux grands ténors de la politique en face, et nous on a quand même le pompon ! On a un demi-siècle de vie politique face à nous”, lance-t-elle pour désigner le candidat de la France insoumise.

Corinne Versini assure qu’elle fait campagne “comme pendant la campagne présidentielle, sur le terrain” et que la présence d’un ténor national n’y “change rien”. Pour autant, si elle veut passer l’étape du premier tour et au-delà, Corinne Versini – qui vit à Aix et dirige une entreprise à Rousset – doit se faire un nom à Marseille. Et si possible faire comprendre qu’elle est moins parachutée que son concurrent.

Lors de la rencontre avec les adhérents, elle prend donc bien le temps de rappeler ses attaches locales. “J’ai fait mes études à Saint-Jérôme, j’habitais à la Rose”, répète-t-elle. Et quand un homme âgé de la salle lui demande si elle n’est pas originaire de tel village corse, elle acquiesce en levant les bras au ciel et ajoute “Marseille est la plus grande ville de Corse, on est chez nous ici !”. Elle met aussi en avant un suppléant qui vit dans le 3e arrondissement, Saïd Ousmane Diallo, arrivé en cours de campagne présidentielle après avoir d’abord soutenu Benoît Hamon à la primaire socialiste.

Patrick Mennucci pris en “étau”

Diffusion de tracts et porte-à-porte quasiment tous les jours sont au programme de Patrick Mennucci, loin d’être plus confiant que les autres candidats. Le sortant socialiste se retrouve à camper le rôle inconfortable du deuxième homme, qu’il n’avait bien sûr pas anticipé. Dès son premier pied posé à Marseille, Jean-Luc Mélenchon s’est proposé de lui offrir “une bouillabaisse”, l’assignant à la fois au rôle de concurrent direct – “je ne veux pas affaiblir le Parti socialiste, je veux le remplacer” – mais aussi à celui de victime collatérale de sa conquête de la circonscription.

Patrick Mennucci trouve certes dans cette position de faire-valoir l’occasion d’un coup de projecteur des médias nationaux, qu’il connaît déjà bien. Dès lundi, il a ainsi été reçu par Jean-Pierre Elkabbach dans la matinale de CNEWS (ex-I-télé) pour un entretien de 20 minutes afin d’évoquer les enjeux du scrutin. “Il faut que je me sorte de cet étau”, a-t-il admis à cette occasion, reconnaissant être cerné à sa gauche par Mélenchon et à sa droite par Corinne Versini, représentante d’un parti dont on ne pouvait soupçonner l’ascension fulgurante il y a encore un an. Avoir son nom sur les bulletins au second tour le 18 juin est donc devenu l’objectif du sortant, qui a saturé l’espace public d’affiches dès l’annonce du parachutage mélenchonien – ce qui lui aurait valu, d’après le Canard enchaîné du 24 mai, un rappel à l’ordre de la mairie.

Le député n’a donc pas un mais deux adversaires à combattre, et dont il doit se distinguer. Il tape donc aussi bien sur “la candidate du Medef” pour qualifier Corinne Versini qui est effectivement membre de l’UPE 13 que sur “l’arrogance” et la “violence” du leader de la France insoumise, qu’il accuse d’être “arrangeant avec le Front national”. Il fulmine quand ses affiches sont détournées pour faire de lui un macroniste, et se revendique sur ses tracts “député de gauche”mais n’évoque guère le bilan du président Hollande. Un exercice d’équilibriste inattendu. Il compte tout de même sur une visite de soutien de Bernard Cazeneuve, l’ex-premier ministre au positionnement assez neutre au sein du Parti socialiste, pour souffler quelques instants dans cette tempête que personne à Marseille n’avait vu venir.


Candidats, enjeux, résultats : notre dossier sur la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône

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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Un petit remix à peine orienté pour le plaisir :
    Défendre les intérêts des habitants du quartier, je ne crois pas que ce soit dans les attributions d’un député. Défendre les intérêts des familles populaires du quartier, je ne crois pas que ce soit dans l’intérêt de la candidate de l’Union pour les entreprises. Il y a beaucoup de bateaux qui polluent et c’est dommage, mais ils amènent beaucoup de croisieristes… parisiens. Il faut être positif !

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  2. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    lol ! L’article du Canard cité par Lisa Castelly (Le Carnard Enchaîné. 24 mai, p.3 “Mélenchon en parachute doré”) reproduit une intéressante citation de Patrick Menucci :”Chez Mélechon ils ont collé comme des sagouins pensant la présidentielle. Gaudin veut ma peau et Guérini m’envoie Mélenchon pour me faire chier !”… C’est sans doute cela la recette de la bouillabaisse promise Patrick !

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  3. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Dans le Monde.fr une intéressante tribune de Rafaël Cos “Idéologiquement Macron fait du neuf avec du vieux”, contient un éclairante analyse de la disparition du PS qui n’était plus qu’une machine à “mettre à disposition de ses élites un ensemble de ressources (matérielles, financières et symboliques)… asséché par son exercice du pouvoir, n’est plus configuré pour faire du débat doctrinal une dimension structurante de ses pratiques”.
    Patrick Menucci va plutôt trouver le terme de sa carrière dans cet épuisement du parti où il a passé sa vie et à nourri toute sa carrière, que dans l’efficience des candidats qui lui sont opposés.

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  4. vékiya vékiya

    bye bye au ps et à lr…

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  5. corsaire vert corsaire vert

    L’ élu local sortant et les candidats ont raison de se faire du souci !
    Si Mélenchon s’est parachuté, les autres, dits locaux, soit disant originaires de Marseille n’ont jamais atterri avec leur parachute dans ce quartier en pleine déshérence ….
    tchao !!!

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