Tapie veut siphonner 20 millions d’euros de La Provence pour payer ses dettes
Bernard Tapie, qui doit rembourser 440 millions d'euros dans le cadre de l'annulation de l'arbitrage de l'affaire Adidas - Crédit Lyonnais, mise notamment sur 20 millions d'euros de dividendes de La Provence et la vente d'une partie du capital du groupe.
Tapie veut siphonner 20 millions d’euros de La Provence pour payer ses dettes
Bernard Tapie va-t-il utiliser La Provence pour payer ses dettes, nous interrogions-nous il y a un an. Oui, peut-on répondre aujourd’hui à la lecture de Mediapart, qui s’est procuré la proposition qu’il va faire à ses créanciers lors d’une réunion au tribunal de commerce de Paris ce vendredi. L’homme d’affaires s’apprête à devoir rembourser 440 millions d’euros dans le cadre de l’annulation de l’arbitrage de l’affaire Adidas – Crédit Lyonnais.
Pour éviter d’en passer par là, il lui reste un dernier recours judiciaire : la décision de la Cour de cassation, attendue le 18 mai. Mais en parallèle, il lui faut bien anticiper un nouveau revers, après l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 décembre 2015. Pour cela, il propose un “plan de sauvegarde” de ses différentes sociétés. Autrement dit, il tente de convaincre ses créanciers et le tribunal de commerce de Paris qu’il vaut mieux les laisser en activité pour en tirer d’importants profits plutôt que de les liquider et vendre le tout à l’encan.
Échéancier de remboursement
Bien sûr, il y a les actifs immobiliers (hôtels particuliers à Paris et Neuilly, immeuble à Saint-Tropez). Et même une hypothétique récupération de près de 6 millions d’euros dans le cadre d’une vieille affaire liée à son fameux yacht, Le Phocea. Mais dans la présentation rédigée à sa demande par le cabinet Wingate, c’est le groupe La Provence, son “principal actif commercial”, qui concentre toutes les perspectives de développement. Et donc de rentrées financières.
Dans le tableau qui récapitule l’échéancier des remboursements sur la période 2018 – 2023, 20 millions d’euros de dividendes en provenance du journal sont mentionnées, soit plus de 3 millions d’euros par an. Une somme “évidemment pas crédible” estime le journaliste de Mediapart Laurent Mauduit. “Tapie veut-il prendre La Provence en otage ?”, s’interroge le syndicat national des journalistes (SNJ) du journal, dans un communiqué. “Alors que notre actionnaire majoritaire nous a toujours dit que notre groupe était “préservé, protégé” de ses déboires judiciaires, il apparaît dans ce document que ce ne serait pas le cas.”
Comment la structure pourra-t-elle supporter durablement une telle ponction, l’équivalent de son résultat d’exploitation actuel ? “Le redressement de la structure est en cours et a déjà commencé à produire ses effets”, argumente le document. Il y a quelques jours, en annonçant son départ, le PDG Claude Perrier estimait d’ailleurs avoir rempli “la mission confiée par l’actionnaire majoritaire de remettre La Provence sur le chemin du succès“.
Marque Provence et plan social
Cette stratégie s’appuie sur la “diversification”, en misant sur la puissance de la marque “Provence” – “le troisième mot français le plus connu à l’étranger”. “En 2016, cette dynamique a été particulièrement intense, vante le plan. Le groupe a organisé trois salons, deux croisières, le tour de Provence, une course de cross et des forums.”
Nul doute qu’elle sera poursuivie par le nouveau duo constitué par Jean-Christophe Serfati et Franz-Olivier Giesbert. “Notre actionnaire majoritaire n’a jamais caché sa volonté de développer des activités lucratives grâce à « la marque » «La Provence», et le départ de Claude Perrier n’y est sans doute pas étranger, avait déjà réagi le 2 mai le SNJ qui s’inquiétait “d’actionnaires tournés vers des gains à court terme”.
Depuis 2013, année de l’arrivée de Tapie, la chute de la diffusion du quotidien papier n’a toutefois pas été enrayée (- 14 %). Et les “effets” du redressement, ce sont aussi les charges de personnel en baisse de 3 millions d’euros entre 2013 et 2015. Pour cela, La Provence et notamment sa rédaction a encaissé le départ de 53 salariés dans le cadre d’un plan social à 3,9 millions d’euros. En parallèle, 26 journalistes expérimentés demandant à bénéficier de la clause de cession ont quant à eux dû essuyer plusieurs recours. “Si t’as envie d’aller tirer ton coup, c’est quand même pas moi qui vais payer”, avait lancé Bernard Tapie, qui a finalement dû s’exécuter.
“Cessions partielles du capital”
Diversification d’un côté, baisse des coûts de l’autre : “Au fur et à mesure du développement du groupe”, le plan de Bernard Tapie estime que “[sa] valorisation devrait considérablement augmenter dans les années à venir”. À côté des dividendes, il fait donc miroiter la perspective de “cessions partielles du capital”. Cela pourrait passer dans un premier temps par une prise de participation plus importante de Nethys, qui possède 11 % du capital depuis fin 2015.
Derrière ce beau récit industriel, le dossier repose toutefois largement sur l’inextricable maquis de recours, procédures, créances, sur lequel le mandataire judiciaire lui-même explique ne pas avoir de certitudes. “Faute de disposer de toutes les informations suffisantes et actualisées, il n’est pas possible d’affirmer qu’il existe, ou qu’il n’existe pas, de possibilité de mise en place d’un plan de sauvegarde par la seule capacité de remboursement générée par cette holding”, avertit celui qui est censé représenter les créanciers au tribunal de commerce. Ce dernier examinera le cas dans quelques jours.
Article actualisé le 12 mai à 11 h avec le communiqué du SNJ
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