Après deux jours de grève, la MDS Belle-de-Mai obtient de l’oxygène dans le chaos
La maison départementale des solidarités de la Belle-de-Mai a fermé ses portes pendant deux jours pour dénoncer le manque de moyens dont ses équipes disposent. Après une rencontre avec le conseil départemental, les salariés ont obtenu de premiers engagements qui devraient leur permettre de respirer un peu.
Après deux jours de grève, la MDS Belle-de-Mai obtient de l’oxygène dans le chaos
Pendant deux jours, la maison départementale des solidarités (MDS) de la Belle-de-Mai a gardé portes closes. La quasi-totalité de ses effectifs ont déclaré une grève reconductible pour demander la création de plusieurs postes afin de pouvoir réaliser leur travail correctement. Une première pour cette structure qui accueille chaque jour plus de 200 personnes pour répondre aux urgences sociales de tout un arrondissement, le 3e, dont plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est dire si la pression est lourde sur les salariés de la MDS, qui sont 80 permanents, secrétaires, médecins, infirmières, assistantes sociales, éducateurs, auxiliaires de puériculture et pédiatres confondus.
Reçus jeudi par la direction des ressources humaines du département, leur tutelle, des représentants des salariés ont ensuite forcé le passage jusqu’au bureau des élus. “Nous avons alors appris que la présidente du département était prête à aller dans notre sens et à nous proposer la création de postes, alors qu’à la DRH on ne nous avait pas dit ça. Si on n’était pas montés, on ne le saurait même pas”, raconte Odile, conseillère conjugale à la MDS, qui était présente.
La délégation est repartie avec un engagement, qui doit être confirmé lundi, de cinq nouveaux postes. Un nombre en deçà des besoins évalués par les grévistes, qui évoquent la nécessité de recruter une douzaine de salariés pour arriver à un rythme normal, mais un début jugé convaincant. “La présidente a ouvert un dialogue qui semble plus constructif que la dernière fois où nous avions été reçus. C’est un changement de ton dont on prend acte.”, juge Valérie Marque, syndicaliste CGT. Le département n’a pas donné suite à nos sollicitations dans nos délais de publication.
“Plus de l’humanitaire que du service public”
“Cela va être plus qu’une bouffée d’oxygène”, se réjouit de son côté David Jame, le directeur de la structure, loin de nier le poids sous lequel ploie la MDS. “Cela devrait pouvoir nous permettre de réduire les délais d’attente, mais aussi d’approfondir les suivis et de faire de la prévention, qu’on doit parfois négliger, car on est dans l’urgence, précise-t-il. Aujourd’hui, on a malheureusement un fonctionnement qui relève plus de l’humanitaire que du service public.” Tenu à une certaine réserve, le directeur ne trace pas de lien de cause à en effet entre la politique menée par le conseil départemental et l’état de saturation dans lequel se trouve sa structure.
Il décrit en revanche l’extrême précarité constatée chaque jour par ses équipes et que tous voient augmenter. “Quasi systématiquement, les personnes accueillies sont en détresse au niveau des logements, bien souvent insalubres, surpeuplés, des conditions qui ont des effets directs sur le développement des familles, détaille-t-il. L’accès au droit est difficile, car il y a beaucoup de primo-arrivants, avec des problèmes linguistiques. Il y a beaucoup de naissances, et donc beaucoup de familles nombreuses, souvent monoparentales, avec des parents isolés qui n’ont donc pas accès à l’emploi. On a davantage l’impression d’être dans un pays en développement qu’en France au XXIe siècle.” Le 3e arrondissement est à ses yeux le secteur où les plus précaires trouvent le plus facilement à se loger, avant de déchanter quant aux conditions de vie générales. “On a la chance d’avoir une équipe remarquable, et des usagers dans la grande majorité très dignes.”
Toujours plus de personnes reçues
Dans ses nouveaux locaux flambants neufs investis en 2015, face à la Friche, la MDS semble un vrai lieu d’accueil, serein. Mais les salariés se sentent dépassés face à des situations qui donnent lieu à des urgences sociales et sanitaires toujours plus nombreuses. “On fait mal notre travail, évidemment qu’on le fait mal”, déplore Chantal, assistante sociale. Les délais pour obtenir un rendez-vous ne cessent de s’allonger, quand le temps pour approfondir les dossiers ne cesse de rétrécir. Corinne, éducatrice de jeunes enfants dans la protection maternelle et infantile (PMI), a vu exploser le nombre de personnes qu’elle rencontre. “Chaque année, je vois les statistiques. On a plus que doublé le nombre de personnes reçues en quelques années. Je n’ai pas l’impression de pouvoir répondre à leurs demandes. À la PMI, nous donnons en ce moment des rendez-vous pour le mois de mars, pour des nourrissons que l’on doit normalement voir au plus vite après leur naissance…”
Car derrière leurs propres limites, ce sont aussi les défaillances des autres services sociaux qu’ils doivent faire comprendre aux usagers. “Sur le 3e arrondissement, on est presque le dernier service social public”, explique David Jame. La PMI accueille des petits qui seraient en âge d’être pris en charge par un centre médico-psychologique, mais sont sur liste d’attente pour pouvoir y accéder. “Je redirige de plus en plus vers des professionnels du privé, alors que normalement nous n’en avons pas le droit, mais souvent c’est la seule façon d’avoir des délais corrects”, confie Chantal, qui s’inquiète aussi du grand nombre de logements sociaux en construction dans l’arrondissement, sans que la création d’une deuxième MDS n’ait été envisagée.
“On reçoit les gens qui sont refusés ailleurs”
“On fait face au désengagement global des pouvoirs publics. Les délais de traitement de dossier à la Sécu, la CAF qui coupe les droits au moindre changement de situation. Nous, on reçoit les gens qui sont refusés ailleurs. Et on se retrouve à devoir leur octroyer des aides financières, avec l’argent de l’État, pour pallier les défaillances… de l’État.”, analyse Thibaud, lui aussi assistant social. Et Odile de conclure : “Il y a un désespoir qui vient du manque de réponses que l’on peut donner aux personnes.”
Avec des arrêts maladie de plus en plus nombreux, plusieurs burn out, les salariés de la MDS de la Belle-de-Mai n’ont eu aucun mal à se convaincre les uns les autres de la nécessité d’une grève. Ils se félicitent aujourd’hui de leur décision, en voyant les premiers engagements pris par le département. “Mais on n’a pas envie de se faire bananer”, prévient une salariée. Si la grève a été levée jeudi après-midi, un préavis a tout de même été déposé pour mardi prochain, au cas où les créations de postes ne soient finalement pas confirmées lundi, ainsi que cela a été convenu avec l’équipe de Martine Vassal.
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