Les forains de la Plaine démarrent une lutte pour garder leur marché
Le projet de rénovation de la Plaine ne met pas en colère que des riverains. Les forains du marché qui s'y tient trois fois par semaine, perdus et inquiets face aux informations qui circulent sur l'avenir de la place, ont manifesté hier. Après une entrevue en mairie, leur combat pourraient bien se durcir.
En 2018, le départ des forains en raison du chantier avait déjà occasionné des débats houleux avec la mairie. (Photo LC)
Une procession d’utilitaires blancs, plus ou moins rutilants, sort bruyamment et lentement de la place Jean-Jaurès, direction la mairie centrale, sur le Vieux-Port. Jeudi, les forains du marché de la Plaine ont manifesté à leur manière, et à grand renfort de klaxons, contre la rénovation de la Plaine qui menace leur gagne-pain, le marché qui s’y tient les mardis, jeudis et samedis. Objet de tensions depuis des mois, la place fait l’objet d’un projet de rénovation qui passe par une “montée en gamme” du marché et une restructuration de ses espaces.
Ces travaux qui devraient durer deux ans, à compter de janvier 2018, sans qu’une solution n’ait été proposée pour l’heure aux forains pour continuer le marché pendant cette durée. Mais c’est aussi la perspective d’un marché réduit à 170 emplacements au lieu de 300 à la fin des travaux, avancée par La Provence qui citait une source de la Soléam, la société publique d’aménagement.
“Pour le moment, rien ne change”
“Ce n’est pas La Provence qui fait le projet !”, se défend Gérard Chenoz, président de la Soléam qui assure que “pour le moment rien ne change”. Reste que sur le document de travail de préfiguration des projets, qui avait fuité à l’été 2015, les scénarios envisagés oscillaient entre 170 et 230 forains, soit au minimum 70 forains de moins qu’aujourd’hui.
Contacté au sujet des forains, Gérard Chenoz ne comprend pas l’urgence à manifester, “à 13 mois du début des travaux !”. “On a un an pour tout bien préparer, phaser. Mme Lota [élue en charge des emplacements, ndlr] va faire un calendrier, elle les recevra plusieurs fois. Pour 2017, ils n’ont pas d’inquiétude à avoir”.
“Ce qui se passe, c’est qu’ils veulent enlever le travail de tout le monde, craint pourtant Angélique Crillon, une énergique blonde qui patiente en queue de cortège avant de démarrer son utilitaire. On n’a jamais eu d’info directe. Depuis un an, on essaye d’avoir un rendez-vous !” Elle vend du prêt-à-porter féminin depuis 12 ans sur la Plaine, à raison de deux fois par semaine, ce qui représente 70% de son chiffre d’affaires.
“2 ans de travaux, c’est 300 familles sans travail”
Quand elle a lu dans La Provence que le marché pourrait perdre 130 emplacements après les travaux, elle s’est immédiatement sentie concernée. “Comme j’ai pris une pause pendant ma grossesse, je n’ai jamais eu de place fixe. Je suis une journalière, donc je suis sûre et certaine de gicler s’ils suppriment des places.” Angélique Crillon a déjà vécu l’expérience au marché de la Joliette, où elle n’a plus de place les lundis. “On m’a proposé en compensation une place sur un mini marché devant la préfecture, mais il n’y avait personne, c’était à perte, alors j’ai arrêté”.
Un peu plus loin, d’autres de ses collègues discutent. “On n’est pas contre rénover. Rénover c’est bien, mais pas au détriment des commerçants ! S’il y a deux ans de travaux sans dispositions prévues, c’est 300 familles sans travail. Et je dirais que 90% d’entre nous ne travaillent qu’à la Plaine”, estime Simon Charbit, forain au verbe clair et déterminé. Un autre, qui se présente comme “de la famille Chevalier” et dont le métier de vendeur de vêtements se transmet de père en fils, énumère les villes de France où il a posé son stand, avant de conclure : “C’est le meilleur marché de France, je n’en fais plus d’autres, ailleurs on ne gagne plus rien”. Il voudrait que la mairie déplace le marché sur la place au fil des travaux. Déplacer le marché ailleurs dans le quartier lui paraît être le meilleur moyen de perdre la clientèle.
“Comme un supermarché où il manque des rayons”
“Comme les salariés des usines, on se bat pour garder notre travail ! Sauf que nous, on est au RSI [régime social des indépendants, ndlr]: s’il n’y a plus de marché, on ne touchera pas de chômage mais on continuera de payer des charges sociales”, reprend Simon Charbit, bientôt rejoint par un voisin, Cyril Khazarian, dont l’emplacement est dans la famille depuis 1952. Lui s’inquiète aussi très sérieusement. “Si je ne travaille plus, j’ai un crédit à payer pour ma maison, je ne pourrais plus rembourser. Et on me saisira ma maison parce qu’ils ont voulu refaire une place ?”. Lui non plus ne voit pas d’un bon œil la possibilité de réduire de moitié le nombre de stands après les travaux, “ce serait comme un supermarché auquel il manque des rayons, les gens ne viendront plus.”.
Le plus dur pour chacun, c’est le flou. “Chacun dit la sienne”, résume un forain. “Est-ce que ça va se faire par tranches ? Où est-ce qu’ils vont nous mettre pendant les travaux ? Et que vont devenir les 130 forains en moins ?”, s’interroge Marianne Garoute, présidente du syndicat des commerçants non-sédentaires des Bouches-du-Rhône qui va transmettre ses questions à Marie-Louise Lota, une fois que le cortège sera arrivé à l’hôtel de ville.
“Tous les gens du quartier ne manifestent pas”
De la vitrine de son agence immobilière, Myryem Dur, observe passer le cortège de camions, avec à sa tête des membres du collectif La Table est plaine et de l’Assemblée de la plaine, venus en soutien, à pieds mais avec des banderoles sur lesquelles on peut lire “Le marché, c’est le coeur du quartier”.
La commerçante habite sur place et regarde la mobilisation sans trop éprouver de sympathie. “C’est comme à Notre-Dame-des-Landes, ceux qui manifestent ne sont pas d’ici, souffle-t-elle. Tous les gens du quartier ne manifestent pas, ils veulent une jolie place. Les forains laissent la place sale, et après ils manifestent”. Elle fait souvent ses emplettes sur le marché et ne voit pas les travaux comme une fatalité. “Si le marché est déplacé, j’irais là où il se trouvera ! Les gens viennent de loin pour faire leur courses ici, ça ne les dérangera pas plus”. Pour elle, la solution serait un référendum, à condition “que ceux qui votent viennent avec leur taxe d’habitation ou taxe foncière, que ce soit vraiment les habitants qui votent”.
“On a un an pour tout bien préparer”
Gérard Chenoz, ne risque pas d’avoir envie d’un referendum. Il a déjà été éreinté par les ateliers de concertation de l’année dernière. Dans les semaines à venir, d’ailleurs, la Soleam présentera progressivement les détails du projet sélectionné, via son site internet puis par des expositions dans les mairies de secteur, accompagnés d’un cahier de dialogue. Et l’élu municipal de s’interroger sur qui pourrait bien “manipuler” les forains. Une pique très claire envers les militants anti-rénovation qu’il qualifiait il y a un an de “poignée d’irresponsables”.
Pour l’heure, il veut travailler à l’apaisement. “L’objectif c’est de faire au mieux, il ne faut pas s’énerver. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’ennui, pas de poussière, mais il faut laisser le temps au temps. C’est pour ça qu’il y a encore un an d’études.”
Mais, contrairement aux espoirs de Gérard Chenoz, la rencontre avec Marie-Louise Lota, n’a semble-t-il pas permis d’ouvrir un dialogue. Recontactée dans la soirée, Marianne Garoute raconte que l’entretien avec l’élue aux emplacements a tourné au vinaigre. “Ça s’est très mal passé. Mme Lota nous a confirmé qu’il faut moins de forains à la Plaine, pour arriver à 170. Ils trieront, avec ceux qui ne sont pas en règles, ceux qui ne payent pas, et les autres seraient replacés ailleurs, mais personne ne veut en entendre parler. Ça a crié et ça s’est finit comme ça”.
Concernant les travaux, les représentants ayant affirmé d’emblée leur rejet du projet, aucune discussion n’a eu lieu sur un possible phasage ou autre organisation temporaire, assure-t-elle. “Elle n’arrive pas à comprendre que c’est notre gagne-pain”, déplore la présidente du syndicat des forains, qui conclut dans un soupir : “Du coup, on va remettre ça la semaine prochaine.” Alors que le projet est encore susceptible d’évoluer, les négociations ont bien mal commencé.
Commentaires
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Très belle image en tête d’article : le slogan “le marché doit rester le coeur de la Plaine” au milieu d’ordures jonchant le sol…
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L’émoi des forains est compréhensible mais il est indéniable que :
– La place et ses rues sont laissées dans un état repoussant et que cela doit être réglé d’abord par l’autodiscipline
– Le nombre d’emplacements attribué ou et sauvage est excessif asphyxiant la place et de nature à poser des problèmes de sécurité et donc qu’une réduction même dans la situation actuelle est indispensable.
– La qualité des stands et leurs tenues sont très inégales et pour certains, ne font pas honneur au lieu.
– Il n’est jamais trop tôt pour concerter et pour cela il faut que les objectifs d’intérêt général soient sinon compris par tous, pour le moins connus.
Pas sûr que la pure reconduction après travaux de la situation actuelle soit un atout pour les marseillais
Voilà un dossier citoyen qu’il est intéressant !
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La Plaine est dans un état désastreux!
Pour une fois, qu’il y a un projet de qualité et ambitieux pour rendre cet espace plus agréable et piétonnier, pourquoi le mettre à mal?!
Après, la mairie sera – t-elle capable d’entretenir ce nouvel “écrin”… on peut en douter!
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Le témoignage de l’agence immobilière est intéressant et confirme ce que les habitants de la place voient tous les jours. L’Assemblée autoproclamée de la Plaine attise les feux de toutes parts pour faire capoter le projet. Ces individus qui pour partie n’habitent même pas sur la Plaine se sont appropriés les lieux comme terrain de jeu pour faire des feux de joie, peindre le mobilier urbain, installer des tables de pique-nique. On est tout à fait dans l’esprit ND des Landes et le combat est idéologique dès le départ. Pensez que ces gens défendent le stationnement sur la place au détriment des espaces de jeux pour les enfants (arguments servis lors de tractages sur le marché). Pour les forains qui sont épaulés par cet “allié de circonstance” le problème est plus réel, une situation s’est installée au fil du temps (responsabilité municipale du placement “à la petite semaine” sans doute). Ce “marché” est en train de dégénérer au point d’asphyxier effectivement ce quartier qui n’est pas taillé pour accueillir un tel volume. On notera sur la photo l’état dans lequel la place est laissée par certains forains après le marché.
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Il n’y a pas que des personnes qui sont contre ce projet. De nombreux habitants attendent sa réalisation avec impatience.
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On est bien d’accord.
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Bizarre cette synchronisation des commentaires.
Téléguidés ?
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Bonjour,
c’est un fait, depuis les tout premiers articles sur la rénovation de la Plaine, les commentateurs de Marsactu sont plutôt nuancés. Qu’on partage leurs opinions ou pas, vous pouvez vérifier qu’ils sont constants depuis plus d’un an, et développent toujours leurs propos. Si vous trouvez que tout ça manque de contre-arguments, je vous encourage à partager les vôtres 🙂
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Pour ma part je tiens le même discours depuis le tout début de ce projet, il est parfois assez virulent pour certains dont j’estime qu’ils mènent un mauvais combat pour peut-être de mauvaises raisons; mais toujours respectueux de ceux qui sont impliqués économiquement par ce changement. Je n’ai qu’une priorité pour cette place, l’apaisement, la circulation des piétons et surtout des enfants et de leurs mamans, des personnes âgées ou à mobilité réduite.
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Pour ma part, je ne comprends pas les ultra-conservateurs de la plaine. J’aime le côté festif du quartier, et la plaine en son état actuel n’apporte rien de bien utile. Le cours ju’ est déjà mieux concçue pour écouter de la musique assis sur un rebord en buvant de la bière achetée à l’épicerie du coin .. euh pardon pour faire un “street apéro un peu fou” comme indiqué dans cet article: https://www.lanuitmagazine.com/plaine-lempire-contre-attaque/
On peut comprendre les craintes, pré-existantes et persistantes suite à un dialogue quasi inexistant, mais il est difficile de ne pas trouver un peu d’outrance dans les argumentaires des partisans du statu-quo qui ne sont en effet peut-être pas du tout majoritaires.
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A quand un vrai marché avec des produits alimentaires locaux, des forains respectueux des lieux quand ils partent. A pas uniquement cette amas de fin de séries et de produits périmés.
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Bonjour, moi je suis du boulevard Chave et j’ai suivi ma mère au marché de la Plaine et du Cours Julien depuis toute petite (j’ai 66 ans) et j’approuve la manifestation car déjà le Cours Julien est réduit à sa plus simple expression, si le marché de la Plaine disparait c’est le cœur du quartier qui part avec. Déjà que ces derniers temps je trouve que ce marché se dégrade, il n’y a plus autant de diversité, si on le supprime il y aura une place pour gens “chics” et on ira acheter nos légumes à prix d’or dans les commerces et nos vêtements dans des boutiques de luxe. Je trouve ça lamentable…. Tout cela, soit disant pour le “chic” et la tranquillité… Or, on aura le “chic” mais pas la tranquillité : ce n’est pas le marché qui suscite les trafics et ces derniers ne seront que les seuls échanges commerciaux hors boutiques, bientôt!!! Réfléchissez à long terme… SVP
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Je ne vois pas où est le “chic” dans le réaménagement de cette place, son organisation par rapport au foutoir actuel du marché, la place laissée aux enfants et aux usagers dans de meilleures conditions, la disparition des bagnoles jour et nuit etc etc , non franchement je ne vois pas.
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