Altéo, envers et contre tous [Chicane #5]
Face à ceux qui l’accusent de polluer le littoral, les défenseurs de l’usine Alteo mettent en avant les 440 emplois directs et les centaines indirects menacés si l’entreprise devait fermer. Un argument sans cesse mis en avant par l’entreprise qui mise tout sur l’innovation pour pérenniser l’avenir du site. Mais de nombreuses questions demeurent. Cet article provient du cinquième numéro de Chicane, le petit observatoire de controverses réalisé par les étudiants du master Métiers de l'information Sciences Po Aix/EJCAM, qui ouvre la controverse sur les rejets en mer et sur terre de l'usine Alteo de Gardanne.
Altéo, envers et contre tous [Chicane #5]
Après quarante ans de mandat, Roger Meï, maire communiste de Gardanne, a l’habitude des polémiques autour de l’usine. Le maintien des activités d’Alteo signifie surtout le maintien de l’emploi. Il regrette toutefois que l’usine soit détenue par « un fond de pension américain qui ne représente plus une garantie sur le long terme pour les emplois ». Les arrêtés préfectoraux pris en faveur d’Alteo en décembre 2015 ne garantiraient pas la pérennité des activités à Gardanne.
Pollution contrôlée
« Gardanne, c’est l’usine d’alumine qui pollue le moins du monde ! », répète le député Union des Démocrates et des Ecologistes François-Michel Lambert très impliqué pour le maintien des activités d’Alteo sur sa circonscription. « Un sénateur m’a dit qu’il fallait fermer Gardanne pour l’exemple », assène-t-il « vous vous rendez compte ? Et les emplois ? Et la pollution qu’on amènerait ailleurs ? ». L’usine de Gardanne se vante d’être certainement la plus contrôlée de France et le procès de son irresponsabilité environnementale ne tiendrait plus. Il est vrai que depuis janvier 2016, elle ne rejette plus de boues rouges dans la mer mais des eaux usées issues du processus de fabrication. Des eaux qui font tout de même l’objet d’une dérogation aux normes nationales et européennes pour leur pH élevé et pour leur concentration en aluminium, fer ou encore arsenic. L’entreprise dispose de six ans pour respecter les normes.
Usine Alteo à Gardanne / Photo prise par Malak
Il ne faut pas oublier non plus les 50 années de rejet au large de Cassis à 320 mètres de profondeur, au cœur du Parc national des Calanques. Eric Duchenne, directeur des opérations à Alteo, en relativise les conséquences. Si les images diffusées par Thalassa en septembre dernier laissaient plutôt entrevoir une vision cataclysmique, elles ne refléteraient pas la réalité. « Lorsqu’on oriente la caméra où il n’y’a pas de vie, impossible d’en trouver. Les images diffusées ont été prises dans le panache mais en s’éloignant du champ de l’émissaire, il y a tout un certain nombre d’animaux qui vivent et que l’on retrouve régulièrement plongées après plongées », assure-t-il. Une version contestée par Sophie Bontemps, journaliste à France 3 réalisatrice du reportage polémique. Elle rappelle que Thalassa a choisi une entreprise spécialisée dans les travaux sous-marins qui ne connaissait pas le site et que, suite à des contraintes administratives, les équipes ne disposaient que d’une heure. « Quand on remonte le bocal de prélèvement, il est plein d’une eau chargée de boue rouge. Comment aurait-on pu aurait truquer tout ça ? », s’interroge la journaliste.
Les promesses de la « Bauxaline »
Échantillons de bauxite et de « Bauxaline » / Photo prise par Malak
La « Bauxaline » est le nom déposé par Alteo pour renommer, plus proprement, le résidu de bauxite après extraction de l’alumine qu’il contient. La « Bauxaline » n’est donc ni plus ni moins que « des boues rouges » mais avec nouvelles vertus : la dépollution des sols acides – dans le cas d’un recouvrement de décharge par exemple – et une bonne tenue pour les sous-bassement des routes. Ce dernier point a été testé à Gardanne et cette année une expérience de 10 ans a pris fin et s’avère concluante d’après M. Duchenne. Il précise qu’« il n’y a pas de toxicité dans la Bauxaline et aucun scientifique ne dit que notre produit est toxique ». Toutefois, la Bauxaline a toujours un statut de déchet, ce qui empêche Alteo de sortir de l’expérimentation. Le député Lambert, fervent défenseur de « l’économie circulaire » – c’est-à-dire le recyclage des déchets industriels en une nouvelle matière première – défend la valorisation des résidus de bauxite, seule solution selon lui pour garantir l’avenir du site. Une valorisation déjà annoncée, 23 ans en arrière, du temps de Péchiney, ancêtre d’Alteo, et même évoquée par Michel Barnier en 1993, alors ministre de l’Environnement.
Savoir faire
L’alumine produite à Gardanne constitue aussi un savoir-faire, qui d’après Alteo est unique au monde. Aviation, satellite, smartphone, écran LCD ou verre réfractaire ne pourraient pas voir le jour sans l’alumine. Les propriétés recherchées par les clients de Gardanne sont obtenues à partir de techniques particulières de chauffe, secret de fabrication de l’entreprise et, pour les défenseurs de l’industrie, la fermeture du site serait la perte d’un savoir-faire. De plus, pour les responsables de l’usine, « Alteo participe à la transition énergétique », car l’alumine est utilisée pour l’isolation des batteries lithium-ion présentes dans les voitures électriques par exemple. L’argument choc de la communication de l’entreprise est que cette vieille usine « a été une usine du passé, est une usine du présent et sera une usine du futur ». La France peut-elle dire non à un métal stratégique ?
Cédric Stanghellini
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