Écologie urbaine à Marseille
En passant par la Timone…
L’hôpital est un lieu majeur de l’urbanité, dans toutes les villes. Il est donc intéressant de tenter de lire l’hôpital, de comprendre les significations de son emplacement, de son architecture, de ses aménagements – moins du point de vue de la médecine et de la pratique médicale (nous ne sommes pas médecin), ni du point de vue des malades ou des visiteurs, mais du point de vue de la ville, de l’urbanisme, de l’identité de l’hôpital dans la culture de la ville. C’est ce que nous allons tenter de faire au sujet de la Timone, où nous nous sommes promené quelque temps, à l’occasion de l’hospitalisation d’une proche.
En passant par la Timone…
Le premier sentiment qui nous vient, devant cet hôpital, est la colère, et la première expression politique est l’indignation, en même temps que le sentiment d’une urgence architecturale laissée de côté – comme si l’urgence, dans un hôpital, n’était que médicale, ou plutôt comme si l’urgence médicale ignorait les lieux, les espaces, les aménagements. Comme si la demande d’hospitalisation ne supposait qu’une réponse technique, de spécialistes. Finalement, il en va de l’hôpital comme de bien d’autres aménagements urbains : c’est la fonctionnalité qui est recherchée au détriment de tout le reste, c’est la parole des ingénieurs et des médecins qui compte, ce n’est pas la parole de ceux qui vivent à l’hôpital – soignants, intervenants, patients, visiteurs – qui est prise en considération.
D’abord, c’est l’architecture qui est à déplorer. Le bâtiment de l’ancien hôpital (la pharmacie, je crois), qui demeurait seul témoin d’une belle architecture, donnant sur la Rocade, est désormais perdu au milieu de constructions gigantesques, et est lui-même insuffisamment conservé. C’est ce qui frappe dans cette architecture : le contraste entre la recherche du gigantisme architectural, qui, finalement, s’inscrit dans la logique de la prouesse technologique, et ce qui devrait être un impératif de la construction hospitalière : le souci de tenir compte des femmes et des hommes qui y vivent, et qui, tant en raison des raisons de leur séjour qu’en raison de la tension de leur travail, devraient disposer d’un espace aménagé à leurs dimensions et d’une façon accueillante et ouverte. À la Timone, les bâtiments anciens, à taille humaine, sont étouffés par les constructions soi-disant modernes, qui déshumanisent l’hôpital.
C’est que la médecine de performance technique est favorisée dans le projet hospitalier de la Timone, au détriment d’une médecine de relation, d’écoute, de parole, d’échange, de relation à l’autre. À l’hôpital comme dans bien d’autres domaines de la vie sociale, la relation n’est plus dans les projets et les impératifs, qui sont dominés presque exclusivement par la recherche du profit, du résultat, de la technicité. Or, si la ville est aujourd’hui e crise, c’est justement parce que les pouvoirs urbains, dans toutes les villes, ont négligé la logique de la médiation et de la relation pour ne rechercher qu’une logique de satisfaction de contraintes économiques, ce qui s’inscrit, finalement, dans les logiques du libéralisme.
Dans ces conditions, on comprend mieux que le quotidien soit négligé, à la Timone comme dans beaucoup d’installations et d’aménagements urbains. Les dimensions excessives de l’hôpital imposent des parcours trop longs et des déplacements eux-mêmes excessifs, qui empêchent de parler avec les autres, voire, tout simplement, d’avoir un regard sur eux. Le petit mobilier est vétuste et en mauvais état : j’ai été, ainsi, frappé par l’état de délabrement des fenêtres et des volets, mais on pourrait aussi citer le manque d’installations quotidiennes : c’est ainsi que, dans un service où je suis allé, il y a, en tout et pour tout, deux douches pour tout un étage.
Et cela m’amène à parler de ce qui devrait être un impératif majeur de l’hôpital : l’hygiène. En-dehors même de l’insuffisance des douches dont je viens de parler, les toilettes proposées sont elles-mêmes insuffisantes, la propreté des locaux est à l’image de l’état de l’hôpital tout entier : c’est ainsi que, dans le service où je me suis trouvé, une douche est installée dans le même local que les toilettes et ce local est lui-même encombré par un fauteuil roulant et par des installations de goutte à goutte. Au véritable délabrement de l’hôpital et de ses aménagements répond, ainsi, une propreté réellement insuffisante des locaux, des installations et des aménagements proposés en-dehors des installations strictement médicales.
Peut-être faudrait-il aussi inscrire cette réflexion critique sur l’hôpital dans un questionnement plus général sur le service public à Marseille. Sans doute les réflexions que nous faisons sur l’hôpital public ne sont-elles pas à faire sur les installations d’hospitalisation privée de cette ville. Comme une sorte de coïncidence, j’apprends, quelques jours avant d’écrire ce texte sur l’hôpital, l’accroissement des subventions municipales à l’enseignement privé religieux. N’est-ce qu’une coïncidence ou la municipalité a-t-elle le projet d’étouffer le service public et de livrer entièrement la ville au libéralisme ?
Commentaires
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Je vous livre là le point de vue d’un malade hospitalisé en urgence, dans cette ville dans la ville, qu’est la Timone.
La première fois qu’on arrive là on se demande de l’extérieur, s’il s’agit du siège régional d’un plénum de parti communiste russe, et dans ses bourgeonnements plus récents, des formes édulcorées d’un siège de grande société.
Mais on comprend vite, en circulant le long des grilles monumentales qu’il s’agit d’un hôpital : les monstres obsolètes d’une génération antérieure de matériel médical gisent là sous la rouille.
C’est très pratique d’accès en métro, d’où l’intérêt d’avoir des escalators qui marchent. En voiture aussi, un immense parking se trouvant sous l’entrée de l’hôpital. Un parking ayant sa vie propre. Quelques SDF, femmes notamment, y sont à demeure, dans le cadre d’une tolérance charitable du service de sécurité. Ils se joignent subrepticement au public des visiteurs dans les ascenseurs très fréquentés, quêtant un regard de compassion.
Les quelques délaissés des rampes d’accès au parking voient fleurir de la réparation automobile éphémère. Une ville dans la ville.
La prise en charge est efficace, par des internes encore en formation mais qui ont accumulé une somme de connaissances efficaces dans l’enseignement qui leur est actuellement dispensé (spécialisé et transversal). Ils sont passionnés, attentifs et on peut les faire parler. Je suis entré un vendredi après-midi, le dimanche après-midi le diagnostic était posé. Manifestement, à mesure que l’on monte en grade, les recrutements par complaisance ne sont pas décelables.
Là où on est choqué, le mot n’est pas trop fort, c’est dans les aménagements intérieurs, où travaillent des équipes souvent de dimension européenne. Ils font évidemment avec ce qu’ils ont. Les malades aussi. Dans une chambre à deux lits où votre voisin un peu sourd peut regarder sa télé du matin au soir (futur malade d’Alzheimer ?), tandis que vous avez aussi le son de la télé de la chambre voisine. Pas de ces fameux casques qui vous permettent une fois loués de regarder la télé rien que pour vous.
Il faut le dire tout net : l’hygiène la plus élémentaire est impossible, tant les aménagements intérieurs sont médiocres, avec des km de ruban adhésif aux fenêtres pour tenter de donner son sens à la climatisation. Et le cabinet de toilette et les WC, lorsque vous y allez, vous rêvez de ce que savent faire les allemands ou les italiens, vous rêvez dans l’attribution des travaux et des marchés de fournitures (fauteuils de style antédiluvien), à des conditions d’attribution des marchés ou de leur sous-traitance, dans le cadre d’une concurrence non faussée.
Pour les douches, le tableau est bien celui de Bernard Lamizet. Mais divers organismes de certification sont passés par là et ont laissé leur liste de consignes, dont tout le monde apparemment se fout, mais qui doivent pouvoir arguer d’un travail efficace. Nous sommes alertés d’emblée sur les risques de légionellose et invités à nous rincer la bouche à l’eau minérale. Alors vous pensez bien que le malade ne va pas user beaucoup d’eau les premiers jours. Les plateaux repas arrivent parfois assez mouillés, suppression d’une étape énergivore du processus de lavage, on ne sait ? Mais le petit pain qui accompagne vos repas en est tout trempé.
Vous faites un malaise au sortir d’une IRM un peu tardive, dans la minute une équipe médicale est autour de vous. Comment se faire accompagner par un brancardier jusqu’à la sortie de l’hôpital un km de couloirs plus loin : impossible les horaires de travail de leur convention collective ne le prévoient pas. Alors vous faites ce km en vous retenant aux murs et en reprenant votre souffle sur les bancs…
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Côté hôpital pour enfants, ce n’est guère mieux. Le contraste entre la qualité des professionnels et le délabrement des locaux est saisissant. Mais bon, préférons cela à l’inverse ! Je conserve un souvenir inoubliable de la “salle des parents” au 13e étage. Un vieux fauteuil, un four micro-ondes, deux chariots et les poubelles de l’étage sur 15 m²… Mais ma fille a été remarquablement soignée, alors on oublie…
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Sur le site de l’APHM : « Créé en 1974 au sein de l’AP-HM, le Centre Hospitalier de la Timone est le plus important de la région PACA. Il est considéré par son activité, son équipement de pointe et ses moyens humains comme le troisième hôpital européen. » http://fr.ap-hm.fr/nos-hopitaux/hopital-de-la-timone
L’équipe de cardiologie est bien cotée comme parmi les meilleures d’Europe, les équipements sont bien de pointe. Où trouver cela, au lieu du jugement global de l’APHM ?
Le sujet mérite un approfondissement. Non ?
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Et quel rôle a joué Daniel Sperling, discret intermédiaire entre Gaudin et Vauzelle, et directeur à l’APHM, un emploi fictif dit-on, mais peut-être agissant de façon plus occulte ? Comment étaient attribués les marchés publics, avec quelles prébendes éventuels ? Dans Mediapart (plusieurs articles dans Marsactu, un peu dans le sillage de celui-ci) : « De postes en témoignages, Mediapart interroge la réalité du travail effectué par Daniel Sperling à la Région au fil des majorités. « Selon plusieurs fonctionnaires interrogés, est-il expliqué, Daniel Sperling servait d’intermédiaire entre la mairie de Marseille à droite et la région à gauche. « Un go-between oui, mais sûrement pas un emploi fonctionnel », décrit un ancien chef de service ».
https://marsactu.fr/bref/mediapart-epluche-le-cv-de-daniel-sperling/
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