Jeux, émoi
Bonheur à la brésilienne
Le pays hôte exulte en saluant enfin le triomphe olympique de son équipe de football, arraché aux tirs au but à l’Allemagne, grâce à Neymar. La joie qui a saisi tout le pays ne demande qu’à se prolonger jusqu’à la finale du volley, autre sport national, et la cérémonie de clôture. Le Brésil n’a pas tout à fait réussi les Jeux, mais il a réussi ses Jeux.
Bonheur à la brésilienne
Soulagement et exultation ont secoué tout le pays comme une gigantesque décharge électrique. Quand Neymar a transformé son tir au but, entrant ainsi dans la légende du Brésil, les vibrations se sont ressenties jusqu’au-delà des écrans TV. Le soutien du public, étouffant et cruel, n’aide pas nécessairement la sélection auriverde à s’imposer à domicile. Elle y a perdu deux Coupes du monde. Et les supporteurs ne comprenaient pas comment le titre olympique avait pu si longtemps échapper aux meilleurs joueurs du monde, qui n’avaient obtenu aux Jeux que 2 médailles de bronze, et 3 d’argent (après la défaite face au Mexique en 2012). Quand les grands rivaux continentaux, Argentine et Uruguay, y comptent déjà deux titres.
La pression semblait toujours exercer ses maléfices, puisque les joueuses brésiliennes avaient elles-mêmes laissé échapper la médaille de bronze face au Canada. Et c’est la grande Allemagne qui se dressait en face, l’adversaire terrible qui avait infligé une humiliation au Brésil (7-1) en demi-finale du dernier Mondial, à Belo Orizonte. Et qui venait d’enlever le tournoi olympique féminin, prêt à empocher le premier doublé hommes-femmes de l’histoire.
Mais le Brésil a brisé l’exorcisme du stade Maracana. Il a dominé, souffert, s’est fait rejoindre au score, a vu des ballons allemands s’écraser sur les poteaux. Après une première expérience malheureuse, les sélections allemandes se sont imposées cinq fois dans des séances de tirs au but dans une compétition majeure. De son côté, le Brésil a su gagner ainsi le Mondial 1994. Il a vu disparaître tous les mauvais démons en quelques secondes, grâce à la maladresse de l’Allemand Niels Petersen, et à la réussite de Neymar.
Avant la finale du volley masculin, le Brésil est entré dans le cercle des nations majeures du sport, avec un bilan d’une vingtaine de médailles, le titre olympique au saut à la perche de Da Silva, et son succès en football. C’est une musique familière aux Français qui avaient vu aussi en 1984 à Los Angeles leur sélection de football s’imposer (face au Brésil !) après que le perchiste Pierre Quinon a enlevé le concours de la perche. Depuis, la délégation tricolore n’est jamais plus sortie des dix premières places au classement des médailles. Le Brésil semble bien parti pour suivre ce chemin.
L’autre événement de la soirée a été le couronnement de Mohammed (« Mo ») Farah, le prodige britannique des courses de fond, qui a ajouté un succès sur 5 000 m à sa victoire sur 10 000 m. Il réédite ainsi le doublé réalisé à Londres, il y a quatre ans, et rejoint dans le palmarès le Finlandais Lasse Viren, auteur du même double doublé en 1972 et 1976 avec l’aide suspecte d’un « lait de renne » dont personne n’avait la recette. Farah (33 ans) aura du mal à reproduire ce succès à Tokyo et l’histoire attendra qu’il y parvienne éventuellement, sur le fond ou au marathon, pour le placer aux côtés du Finlandais Paavo Nurmi (un titre sur 1 500 m, un sur 5 000 m, deux sur 10 000m, et cinq autres, dont deux en individuel dans des épreuves qui ont disparu du programme). Le roi absolu des courses de fond reste le Tchécoslovaque Emil Zatopek (2 titres sur 5 000m ; trois sur 10 000 m ; et un sur le marathon). Il est vrai que le Finlandais et le Tchèque n’avaient pas à affronter la concurrence des coureurs africains. Mo Farah est probablement le plus grand coureur de fond de l’ère moderne, malgré l’immense charisme de l’Ethiopien Hailé Gebreselassie.
La France est certaine de battre son record de médailles aux Jeux (41 à Pékin) avec un butin de 42 ou 43 médailles, selon la performance de Julien Absalon en VTT. Elle est également certaine de ne pas battre le record de médailles d’or (15 à Atlanta, sans parler des 26 obtenues à Paris en 1900).
La journée de samedi a déçu les espoirs français portés par Sarah Ourahmoune (médaille d’argent en boxe, poids mouche), les handballeuses (argent), le kayakiste Maxime Beaumont (battu d’un souffle sur 200 m par le Britannique Liam Heath), la taekwondiste Haby Niaré (argent en -67 kg). Aucun n’était réellement attendu à ce niveau et leurs performances ne doivent pas provoquer d’amertume.
Le stock de chocolat a fondu pour consoler les espoirs de médailles envolés : les basketteuses, dominées par les Serbes, ont néanmoins la satisfaction de revenir en demi-finale olympique quatre ans après la finale de Londres. Elles étaient privées de leur meneuse de jeu Céline Dumerc, blessée juste avant l’entame de la compétition, qui ne leur a jamais manquée autant que pendant ce match. C’est un résultat remarquable, et la qualité des jeunes joueuses en appelle d’autres.
Cacao froid aussi pour le plongeur de haut-vol Benjamin Auffret (étonnante révélation à seulement 21 ans), le pentathlète Valentin Prades (il n’a que 23 ans, on le retrouvera) et les taekwondistes Epangue et N’Diaye, qu’on aime bien mais qu’on n’est pas pressé de revoir dans cette discipline devenue encore moins spectaculaire, mais restée tout aussi incompréhensible.
L’athlétisme a fait ses adieux au stade, en attendant le marathon masculin. On a salué le couronnement de l’« intersexuée » sud-africaine Caster Semenya sur 800 m. La victoire surprenante de l’Américain Matthew Centrowitz sur un 1500 m couru à un train de paraplégiques, et marqué par la chute du favori kényan Ronald Kwemoi. L’Algérien Taoufik Makhoufi y a arraché une deuxième médaille d’argent après celle du 800 m.
Le triomphe du lanceur de javelot allemand Thomas Röhler, a été facilité par une blessure inopportune du champion en titre, le Kényan Julius Yego. Le podium accueillait aussi un lanceur venu de Trintad et Tobago, Keshon Walcott. Elle illustre l’ouverture des lancers à des athlètes venus de pays qui n’y ont pas leurs habitudes.
Dans un concours de hauteur féminine un peu décevant, de l’Espagnole Ruth Beitia (37 ans), déjà championne d’Europe surprise, a obtenu une victoire inattendue.
Conclue comme le veut l’usage par les deux relais 4 x 400 m, gagnés selon la routine par les Etats-Unis devant la Jamaïque, la soirée était très belle. Mais on y regrettait déjà l’absence d’Usain Bolt, et ce n’est pas près de s’arrêter.
VIGNETTES
# La gymnastique rythmique, le plongeon et la natation synchronisée offrent un bien joli spectacle, mais qui aurait à nos yeux plus sa place dans des enceintes plus vouées à l’art qu’à la compétition. Les concurrentes et concurrents doivent rencontrer un extraordinaire succès d’audience au village olympique, quand elles et ils sont débarrassés de leur maquillage et de leurs costumes extravagants.
# le badminton n’est plus l’apanage des pays asiatiques, qui doivent partager les médailles avec des concurrents européens et américains. C’est malheureux pour les maigres espoirs de succès des Indiens et des Indonésiens. Mais c’est aussi une très bonne nouvelle pour le développement planétaire de cette discipline exigeante et magnifique.
# La finale masculine de water-polo Serbie-Croatie ne semble pas avoir donné lieu à la guerre sous-marine que l’on pouvait craindre entre deux frères ennemis aussi déterminés. Les Serbes se sont imposés nettement (11-7), confirmant les succès obtenus dans les tournois de basket. La Croatie a encore mieux réussi ses Jeux, en gagnant cinq titres en athlétisme, aviron, tir et voile dans des compétitions particulièrement convoitées.
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