Zones franches, Euromed… Qui a cassé le baromètre de l'emploi ?
Zones franches, Euromed… Qui a cassé le baromètre de l'emploi ?
Combien d'emplois ont été créés sur le périmètre Euroméditerranée depuis quatre ans ? Combien sont dus à des transferts de sièges sociaux ? Et sur les zones franches marseillaises, où en est-on ? Difficile de trouver de réponses fiables à ces questions. En effet, aucune statistique fine n'est plus publiée sur les "territoires opérationnels" de la ville. Une situation dont le directeur général de l'établissement public Euroméditerranée, François Jalinot, s'est ému lors de la conférence de presse de présentation du nouveau président du conseil d'administration, début octobre.
À l'heure de faire un bilan pro domo de la création d'emploi sur le périmètre dont il doit assurer le développement économique, le DG a bien du mal à être précis : "Nous savons qu'à chaque emploi créé sur le périmètre correspond un cercle vertueux de création de trois ou quatre emplois de service". Mais impossible pour lui d'aller au-delà de cette statistique au doigt mouillé. Le compteur s'est interrompu en 2010 "à 20 000 emplois nets créés". Depuis, le baromètre réalisé par l'agence d'urbanisme de Marseille (Agam) est cassé. "J'ai régulièrement relancé le directeur de l'Agam qui réalisait pour nous ce travail de recollement entre les données de l'Insee et celles de l'Urssaf. Dans un courrier récent, il m'a indiqué qu'il ne lui était plus possible d'effectuer ce recoupement du fait de l'application de la loi informatique et libertés."
Pour obtenir des chiffres précis, l'observatoire de l'emploi et du développement économique de l'agence d'urbanisme de Marseille se donnait un peu de mal. Jusqu'en 2009, l'observatoire du développement économique et de l'emploi opérait un suivi précis de la création d'emplois dans le périmètre Euroméditerranée mais également sur ceux des zones franches urbaines (ZFU) en confrontant les données Insee issues du répertoire Siren avec celles fournies par l'Urssaf au niveau national. "Cela nous permettait d'avoir une information fiabilisée, explique-t-on à l'observatoire de l'Agam. Mais ce n'est plus le cas depuis 2009. A partir de cette date, les données transmises par l'Urssaf ont été anonymisées."
L'écueil du secret des affaires
En clair, auparavant, les services de l'agence pouvaient recouper les établissements présents sur le site avec les données sur les employés fournis par l'Urssaf. Le tout était affiné par une enquête de terrain et par téléphone. "Or, désormais, nous n'avons plus les noms des établissements, reprend-on à l'Agam. Impossible donc de faire le travail le plus pointu : localiser sur la carte du périmètre, les emplois créés ou transférés." Car c'était là le principal avantage de ce baromètre saisonnier, il permettait d'avoir des données brutes et nettes, en distinguant notamment les relocatisations d'activités dans la ville de la "pure" création d'emplois.
Du côté de l'Urssaf, on confirme l'anonymisation des données fournies à l'Agam depuis cette époque en s'appuyant, là encore, sur la loi "informatique et libertés". Notre interlocuteur met également en avant la confidentialité de certaines données qui pourraient être utilisées à des fins d'intelligence économique. Du côté de la commission informatique et libertés (Cnil), personne n'a pu nous confirmer dans nos délais de bouclage la base légale qui imposerait à l'Urssaf de rendre anonyme ces données.
En revanche, cette difficulté rémanente rend plus complexe toute tentative de bilan sur ces fameux "territoires opérationnels" en termes de création d'emploi. À la question posée sur le nombre d'emplois créés au sein de son périmètre, François Jalinot répond "20 000. C'est un chiffre net mais il date de 2010". Quant aux zones franches urbaines, leurs effets sur l'emploi local sortent effectivement des radars statistiques tout comme la possibilité de mesurer d'éventuels effets d'aubaine liés aux ristournes fiscales. Ce qui rend d'autant plus malaisé, le travail de ceux qui – à l'instar du député Jibrayel – militent pour la prorogation de ces dispositifs. Dans le rapport de la mission d'information parlementaire dont il était le rapporteur, l'introduction à l'annexe 2 avertit : "il n’existe pas d’instrument de collecte systématique de données relatives à l’évolution de l’emploi concerné par le dispositif ZFU". Plus loin, les données concernant Marseille font état de 13500 emplois créés dans les deux périmètres… jusqu'en 2009. On sait désormais pourquoi.
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Combien d’emplois ont été créés dans le cadre d’Euroméditerranée, combien dans le cadre des zones franches ? Quelle est la part des emplois transférés ?
On ne crée pas d’emplois sans perspectives de marché. Ce sont les marchés montants ou nouveaux, lorsqu’on est capable de les prendre, qui permettent la création d’emplois. Un simple avantage matériel, comme une réduction des charges, ne permet à une entreprise créée que de prendre des parts de marché à ses concurrentes. Alors le nombre d’emplois créés ici correspondra au même nombre d’emplois perdus ailleurs. Le mode actuel de stimulation de l’économie entraîne un fort mouvement de créations / disparitions d’entreprises. Le nombre d’entreprises augmente, tandis que l’emploi diminue. Cet émiettement du tissu économique est-il positif ? Il a un coût en tout cas. Certaines entreprises nouvelles seront plus performantes, je dirais 1 à 2 sur 10. Les autres entraîneront une destruction équivalente au sein du tissu économique, touchant ces nouvelles entreprises elles-mêmes au bout de 1 à 3 ans, ou leurs concurrentes plus anciennes. Ces créations / destructions ont elles aussi un coût. Comment évolue notre compétitivité par rapport aux autres pays européens ? Moins bien en moyenne.
Alors Euroméditerranée et les zones franches, ce sont beaucoup d’emplois déplacés vers des quartiers de Marseille qui en manquaient, ou auxquels ils auraient manqué là où les aménagements en cours augmentent la densité de l’habitat et des actifs.
La distinctions emplois créés / emplois transférés est assez rudimentaire. Il vaut mieux entraîner globalement une économie locale vers la performance : niveau de formation et employabilité des actifs, culture économique et technologique plus évoluée, immobilier d’entreprise moins cher (l’ancien fait parfois des miracles à côté d’une offre neuve à prix délirants), facilités de stationnement et transports collectifs, logements à un prix accessible dans l’environnement, bon raccordement des entreprises au réseau autoroutier.
S’il faut quand même produire des chiffres d’emplois localement créés ou transférés (y compris sous le camouflage d’une création), point n’est besoin de l’Urssaf pour identifier les entreprises. Quand aux données consolidées de l’Urssaf, comme les emplois par secteur d’activité, elles ne sont pas fiables en raison des retards de payement des cotisations ou de prise en compte des disparitions. Ces retards sont en outre variables dans le temps, ce qui rend les comparaisons hasardeuses. D’autres sources sont disponibles, comme le dernier recensement de l’INSEE ou les données de l’Unedic. Mais la fusion avec l’Anpe a fait perdre à la source Unedic une grande partie de son utilisabilité.
Enfin, il y a bien des failles dans les méthodologies mises en œuvre, y compris dans les plus officielles. Parfois aussi on est juge et partie, ou l’on cherche à faire plaisir à un élu ou à sa hiérarchie. Le débat et des progrès dans la création d’emplois, demandent des approches plus impartiales. Et parfois de sortir d’un certain formalisme.
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“On ne peut plus comptabiliser les créations d’emplois sur le périmètre d’Euromed depuis 2010” dites moi M. Gilles ça ne vous semble pas un peu gros comme ficelle. Comme par hasard, juste à partir du moment ou la conjoncture est devenue très difficile et qu’un grand nombre d’emplois ont été détruits que les chiffres n’existent plus.
Je crois savoir qu’ils existent ces chiffres mais quand les chiffres ne les arrangent pas, nos amis énarques et consorts, préfèrent se retrancher derrière des excuses bidons. Ce qui est étonnant c’est que des journalistes comme vous se laissent piéger par ces trucages.
D’ailleurs quand on regarde de plus près sur l’étude de 2010 de l’agam il me semble que contrairement à ce qui est dit le chiffre de 20 000 emplois crées est une donnée brute et non nette (net envrion 10000).
a bon entendeur
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