Subventions supprimées pour la pensée de Midi : "nous ne sommes pas l'organe de la Région"

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le 24 Fév 2011
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Subventions supprimées pour la pensée de Midi : "nous ne sommes pas l'organe de la Région"
Subventions supprimées pour la pensée de Midi : "nous ne sommes pas l'organe de la Région"

Subventions supprimées pour la pensée de Midi : "nous ne sommes pas l'organe de la Région"

La poésie de la Méditerranée, ses mythes, ses villes, comme Istanbul ou Tanger, ses peuples en quête de liberté : voici quelques uns des derniers thèmes abordés par la Pensée de midi, revue créée notamment par Jean-Claude Izzo et Thierry Fabre, et qui fêtait en 2010 ses dix ans.

Une revue qui est menacée d’« une disparition imminente », s’alarme son comité de rédaction, et ce « à l’heure où Marseille Provence 2013, qui a choisi Albert Camus (de qui elle tient son nom, ndlr) comme figure de référence, s’apprête à devenir capitale européenne de la culture ».

Problèmes de budget

Le conseil régional, qui la soutenait financièrement depuis sa création, n’a en effet pas renouvelé sa subvention pour 2011. « La Région Paca, qui se dit volontiers attachée aux valeurs de la pensée et de la Méditerranée, peut-elle être sciemment responsable de la dissolution de ce laboratoire d’idées, d’écriture et de création ? », s’interroge le communiqué.

En réponse, la collectivité justifie sa décision par les restrictions budgétaires, et rappelle qu’elle lui a au total versé « plus de 700 000 euros », soit une grande partie de son budget, qui dépendait par ailleurs d’autres subventions. « L’importance de cette aide accordée depuis dix ans pouvait laisser espérer de la revue l’acquisition d’une plus grande autonomie financière, d’autant que son co-éditeur est un grand éditeur national dont la diffusion est très bien assurée », note-t-elle.

Ce qui ne satisfait pas Michel Guérin, président de l’Association Des Sud, co-éditeur de La pensée de midi, pour qui « le fond et la forme dans cette histoire-là sont détestables ». C’est à dire une décision brutale et un manque de cohérence, puisque selon lui la Région « considérait que la revue avait une mission importante à remplir, notamment les échanges culturels avec l’autre rive de la Méditerranée ».

Mais pas que…

Mais, au-delà, c’est le contenu éditorial qui semble en cause. Le conseil régional « aurait souhaité que la revue fasse une place – modeste – aux actions culturelles, universitaires ou académiques qu’elle soutient en Méditerranée dans le cadre de sa coopération décentralisée en relation avec de nombreuses associations ou centres de recherche », indique le communiqué. Qui rappelle que Bernard Millet, l’un de ses créateurs, était à l’époque « conseiller au cabinet du président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Michel Vauzelle, puis directeur de la culture de la Région ».

Pour ceux qui n’auraient pas saisi, le texte explique ensuite que le projet éditorial discuté avec la Région comprenait que « si la revue devait être d’une haute tenue intellectuelle (ce qu’elle est), elle devrait aussi, sans que la Région n’intervienne en quoi que ce soit dans le contenu, donner sa place à la Région pour qu’elle puisse exprimer le rôle qu’elle entendait jouer et qu’elle joue dans les relations intra-méditerranéennes, en particulier pour ce qui concerne sa politique de coopération. »

Quelques lignes plus loin, elle se plaint de ne pas avoir été associée au passage en parution annuelle et au changement de rédacteur en chef, car « à l’occasion de cette évolution, la Région aurait pu alors de nouveau faire valoir le souhait de voir la revue faire état, sans intervenir dans la politique éditoriale, des actions conduites par la Région en matière de coopération décentralisée et de l’aide qu’elle apporte en d’autres domaines aux recherches sur la Méditerranée. »

Pas comme l’Huma et le PCF

Si l’on comprend bien, le conseil régional se plaint du manque de place qui lui est accordé dans La pensée de midi. « C’est un point très important », nous confirme Michel Vauzelle, qui évoque « une petite fâcherie à un moment » car elle ne parlait « jamais » des actions de coopération décentralisée de son institution, et que la Région « n’était jamais invitée aux Rencontres d’Averroès », organisées par Thierry Fabre. « Donc manifestement cette revue n’avait pas besoin de nous », conclut-il.
« Michel Vauzelle a été interviewé deux fois, nous avons fait un numéro spécialement sur la question des régions et de leur identité culturelle, et il aurait pu mentionner les quelques 30 manifestations que nous avons organisé chaque année pendant dix ans pour faire valoir des choses qui se passaient dans la région », rétorque Michel Guérin. Qui estime surtout que « le rôle d’une Région, quand elle juge qu’il y a un intérêt pour ses citoyens, c’est de soutenir des initiatives culturelles et artistiques, c’est pas de faire en sorte qu’elle soit elle-même l’objet, le motif et l’unique icône de ces entreprises. »

Et de conclure : « Je comprend bien que monsieur Vauzelle aurait aimé que nous chantions ses louanges ou celles de la Région de numéro en numéro, mais on n’était pas là pour ça. Nous sommes une revue indépendante, libre, autonome, sur le mode d’Esprit ou des Temps Modernes (…) Nous ne sommes pas par rapport à la région dans la relation qu’avait l’Humanité avec le Parti communiste français, nous ne sommes pas l’organe de la Région et je pense que dans le proche entourage de Michel Vauzelle des gens ne l’ont jamais digérés ».
Interrogé sur France 3, Patrick Mennucci n’était « pas sûr que le rôle de la Région soit de financer des médias ». Espérons que d’autres médias que la Région finance pourtant, via les annonces légales ou la publicité, ne sont pas soumis au même genre d’exigences…
Un lien Le conseil régional qui avait volé au secours du Centre international de poésie de la Méditerranée quand la mairie de Marseille avait annulé une conférence de Leila Shahid, sur Marsactu
Un lien Actualisation : La lettre ouverte de La Pensée de midi publiée le 2 mars après le communiqué de la Région
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Commentaires

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  1. Anti-mafia Anti-mafia

    “Espérons que d’autres médias que la Région finance pourtant, via les annonces légales ou la publicité, ne sont pas soumis au même genre d’exigences…”

    Cela va sans dire. D’ailleurs, personne n’irait imaginer des choses pareilles. Ce n’est pas comme si c’était de notoriété publique.

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  2. Gérard Gérard

    Cet anti-mafia, il est intarissable, il a un avis tranché sur tout et toujours d’accord avec Marsactu : un employé ?, Un fan ?, Jamais il a des doutes ?

    Sur ce sujet moi j’en ai… Entre l’aspiration à l’excellence intellectuelle, qui a forcément besoin d’aides financières parce qu’elle ne trouvera pas un grand public, la nécessaire indépendance rédactionnelle et la dépendance financière. Pas sain !

    Au fond, nous voilà au cœur même de la liberté de la presse de qualité aujourd’hui. Celle qui donne à construire, à penser, à nourrir la réflexion des lecteurs sans prendre parti. A dire des faits, à instruire (comme on disait naguère…), à donner aux lecteurs la nourriture nécessaire pour exercer son libre-arbitre de citoyen.

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  3. yvettedu13 yvettedu13

    C est bizarre mais j ai la désagréable impression que vauzelle a changé de comportement depuis qu il n a plus le souci des élections. Sachant qu il entame son dernier mandat, il arrête brutalement de nombreuses subventions sans concertation et sans aucun égard. Sport, jeunesse, culture, vie asso…etc. Où sont passés les beaux discours sur l importance de soutenir les acteurs du territoires?!

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  4. Charline Charline

    mesdames et messieurs, ça va aller de pire en pire… Et oui, la reforme des collectivités territoriales en préparation chez ces braves gens de l’ump qui sont a la tête de notre pays, va tuer toute vie associative! Alors la redaction, a vos plumes si vous comptez faire un article sur toutes les structures qui ne seront plus subventionnées…

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  5. Gérard Gérard

    Contrairement à votre “anti-mafia”, plein de certitudes, moi, j’ai plein de doutes…. nous verrons, et, je le souhaite, il se trompera…C’est déjà écrit…

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  6. Ginetto Ginetto

    Je comprends pas. On gueule quand le CR distribue des sub sans regarder, on gueule quand elle les enlève aux fainéants, franchement, quoi qu’il fasse, le CR n’aura pas votre assentiment ?
    lol

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  7. Ginetto Ginetto

    http://www.libemarseille.fr/henry/2008/06/communaut-urbai.html

    “Le tout provoque un coût de plus en plus élevé [de la collecte des ordures], qui « ne semble pas s’expliquer par une amélioration notoire du fonctionnement de la collecte ».
    Dans certains arrondissements, la note a doublé, voire triplé, entre 2003 et 2005.
    Au total, MPM ne peut même pas chiffrer la facture exacte pour la gestion des déchets et la CRC doit lui rappeler « la nécessité de disposer d’informations exactes ».
    Il y a aussi quelques bizarreries : la société Onyx a, sur un marché, bénéficié d’indemnisations « de nature à porter atteinte aux conditions de la mise en concurrence initiale ».
    Rhôôôôôôô

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  8. panisse panisse

    J’espère que cette belle revue pourra continuer d’exister, même si sur le fond, je pense que personne ne devrait baser sa survie sur des fonds publics, ou au moins tenter de diversifier ses revenus au maximum.
    Le festival d’Aix est un bon exemple, maintenant autofinancé à plus de 60% si je ne me trompe pas (grâce à de nombreux mécènes privés).
    Une idée comme ça, si c’est utile… A voir l’inquiétude que suscite la disparition de La Pensée de Midi, je proposerais que tous ceux qui aiment cette revue, ou tout simplement qui pensent qu’il est bon qu’elle existe, la subventionnent à leur niveau… puisqu’on ne peut pas trop attendre des collectivités, prenons les choses en mains !

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  9. casanovette casanovette

    C’est vraiment étonnant de voir La pensée du midi si mal en point quand tant de choix s’offrent à eux ! Enfin, disons deux choix :

    – 1er choix : Perdre leur indépendance en faisant allégeance à des partis, car derrière les collectivités, ce sont quand même des hommes politiques et des partis qui les animent. Faut arrêter de jouer aux C…
    – 2eme choix : trouver des Mécènes, des sponsors comme on dit, Véolia pourquoi pas, en ce moment, c’est pas mal, bien côté en bourse et tout et tout … Et pi, La privatisation de l’eau, quelle merveille ! A l’image du reste, d’ailleurs, sur le mode fausse à purin qui n’en fini pas de se remplir autant que les collabos se multiplient (curieux) !

    Bref ici, il n’est guère question de qualité, nous voulons du profit ! Et c’est tout, parce qu’en tant que marchandise pas comme les autres… hum, oui, selon Sarkozy “l’homme n’est pas une marchandise comme les autres” … nous entendons bien, ne surtout plus goûter, dorénavant, à ce qui pourrait éveiller un tant soi peu, notre esprit critique ou développer d’une façon ou d’une autre, nos connaissances concernant notamment, une identité Méditerranéenne.

    Nous avons fait allégeance à L’Euro-atlantisme, certes après l’escroquerie du vote référendaire . On aurait beau voir aujourd’hui, de continuer à financer, la veille de Marseille 2013 Pro pub et Sponsoring tout azimut, une revue culturelle qui promeut la connaissance d’une identité culturelle Méditerranéenne !!! Mais vous l’avez vu jouer où ?

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  10. Regis Regis

    Je ne savais pas qu’Esprit et les Temps Modernes étaient financés par la Région Ile de France.
    Comme directeur d’une UMR en sciences sociales, j’aurais bien aimé recevoir 700 000 euros de subvention en dix ans, sans passer par tous les comités possibles et imaginables et sans appels à projet.
    Au fait, combien de lecteurs, la pensée de midi ?

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  11. Christian Christian

    J’ai lu trois ou quatre fois la Pensée de Midi. C’est une revue prétentieuse et faussement intellectuelle. Quelques personnes qui se font plaisir entre elles.
    Thierry Fabre est un grand monsieur. Il a bien fait de quitter ce navire. Et puis ce Bernard Millet n’est-il pas le conseiller spécial….de Jean-Noël Guérini qui, comme toute le monde le sait maintenant, est un homme distingué et immensément cultivé !!!!!
    Il en a fallu du temps à la région pour le comprendre.

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  12. Régis Régis

    Je ne savais pas qu’Esprit et les Temps Modernes recevaient des subventions de la Région Ile de France.
    Combien de lecteurs pour la Pensée de Midi ?

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