Salle de consommation de drogue à Marseille : la droite s’oppose, des riverains s’alarment
Après l'annonce de la localisation de la future salle de consommation de drogues à Marseille, boulevard de la Libération, des élus et des habitants opposés au projet commencent à se faire entendre. Entre craintes fondées et incompréhensions exacerbées.
Un rassemblement devant les futurs locaux de la halte soins addictions, boulevard de la libération (1er). (Photo : VA)
“Ça va être la guerre”, “comment ont-ils pu faire ça en catimini ?”, “nous sommes contre et prêts à aller très loin”. Ce mercredi, sous le porche du 110, boulevard de la Libération, la mesure dans les propos n’est pas de rigueur. Une petite trentaine de riverains entrecoupent, dans un calme très relatif, le discours du conseiller municipal d’opposition Horizon Bruno Gilles. Ce dernier, ancien maire de secteur des 4/5, n’a pas donné rendez-vous ici par hasard : c’est là que doit ouvrir dans les mois qui viennent une halte soin addiction, plus communément appelée salle de shoot.
“Ça ne va pas être super. Surtout quand on connaît la toxicomanie et ce que ces gens peuvent faire quand ils sont en manque”, clame l’ancien membre des Républicains désormais rattaché à la majorité présidentielle. Aujourd’hui, deux salles de ce type, nommées salles de consommation à moindre risque, existent en France. Plusieurs études, dont une de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), démontrent leur intérêt à la fois sanitaire pour les usagers de drogue, mais aussi en termes de tranquillité publique. Mais ce mercredi matin, clairement, les résultats de ces études ne sont pas à l’ordre du jour.
“Ok, mais pas ici”, ni là
“Nous exprimons aujourd’hui une opposition totale à l’ouverture d’un tel lieu ici. Mais nous restons ouverts à la discussion, car on sait que n’importe quel enfant, ou membre d’une famille peut devenir toxicomane, poursuit l’ancien membre de la majorité de Jean-Claude Gaudin. Nous comprenons le discours social, fraternel, mais pas ici.” Un coup d’œil dans le rétroviseur donne une perspective étrange aux paroles de Bruno Gilles. Lorsque ce dernier était aux affaires, un projet similaire avait failli aboutir, porté par la majorité de Jean-Claude Gaudin, dans l’enceinte de l’hôpital de la Conception. Avant d’être vite rentré dans les cartons pour cause de riverains échaudés, quelques mois avant les élections.
“Quand on réfléchit depuis 20 ans sur un dispositif comme ça, la maturité doit être là”, disait ce mercredi matin encore sur France Bleu Provence, Patrick Padovani. L’ancien adjoint à la santé de Jean-Claude Gaudin, “ami proche” de Bruno Gilles, a longtemps porté ce projet. “C’est une chance de pouvoir ouvrir cet espace, qui est une nécessité. Ce projet doit dépasser les clivages politique, il émane d’une réflexion humaniste et humanitaire“, a-t-il souligné.
Aujourd’hui, Bruno Gilles ne dit pas être contre le projet dans sa globalité, mais il insiste sur la nécessité de le faire en milieu hospitalier. Pourquoi cela ne s’est pas fait quand son équipe était aux manettes ? Les souvenirs de son “ami” Padovani laissent entrevoir des pistes et pointent la “méconnaissance de certains élus d’arrondissements à l’idéologie de droite, qui s’opposent au pragmatisme et à la réalité de terrain”.
Moi aux manettes, je ferai tout pour fermer cette salle.
Bruno Gilles, élu d’opposition
Stéphane Akoka, président d’Asud Mars say yeah, l’association spécialisée dans la réduction des risques porteuse du projet, est lui plus direct. “À l’époque du projet de la Conception, Bruno Gilles n’était pas d’accord non plus”, souligne-t-il. “Il y a Padovani, et le reste du monde. Moi aux manettes, je ferai tout pour fermer cette salle”, rétorque quant à lui Bruno Gilles, qui lorgne déjà sur les prochaines élections municipales, en 2026, et espère y récupérer son fauteuil.
“L’implantation proposée nous paraît un contre-sens”
Du côté des comités d’intérêt de quartier (CIQ), on répète également l’opposition au projet, en tout cas, à cet endroit. “Je vous confirme que nous ne sommes pas contre une salle de sécurisation des toxicomanes [sic], écrit à Marsactu Michel Coulange, vice-président du CIQ Longchamp-Flammarion, par ailleurs président de la fédération des CIQ du 1er arrondissement. Cependant, l’implantation proposée nous paraît être un contre-sens, car l’environnement de ce secteur, outre le nombre d’écoles, n’est pas touché d’une façon chronique par ce phénomène. Aujourd’hui le problème est préoccupant principalement dans la zone Réformés, Noailles, Belsunce et gare saint Charles.” Le président du CIQ oublie que, questionné il y a quelques mois par Marsactu sur l’éventualité de la création d’une salle dans le 1er arrondissement, il exprimait sans détours son désaccord à une telle ouverture. Tout comme la maire de secteur Sophie Camard (Printemps marseillais).
En début de semaine, une réunion entre riverains et représentants du quartier a eu lieu. Christophe*, propriétaire de logements dans le secteur y a assisté. Plus mesuré dans ses propos, ce dernier se dit également favorable au projet, mais se pose des questions sur sa localisation, pour les mêmes raisons. “Je ne ferai rien qui puisse nuire aux associations porteuses de ce projet, car je crois qu’il est essentiel. Mais pourquoi ne pas avoir ouvert une salle où le problème est concentré, et où les habitants verraient d’un bon œil l’ouverture de ce dispositif ? Est-ce à cause de l’opposition politique de la maire de secteur des 1/7 ?”, se questionne-t-il.
“S’organiser pour un débat sans hurlement”
Pour les porteurs de projet, la réponse se trouve dans le patrimoine disponible pour accueillir un tel lieu, au cahier des charges bien précis. “Nous aurions aussi préféré que ce soit plus près de la gare et des Réformés, mais après de nombreuses recherches, nous avons conclu avec la Ville qu’il n’y avait pas de locaux municipaux disponibles qui correspondaient aux attentes”, atteste Stéphane Akoka. Deux pétitions contre le projet circulent, l’une lancée par le CIQ et l’autre par le sénateur Reconquête (ex-RN) Stéphane Ravier. Dans les jours qui viennent, l’équipe d’Asud Mars say yeah va roder sa stratégie de communication et d’information. Des réunions d’information doivent se tenir – les dates ne sont pas encore fixées à l’heure où nous écrivons ces lignes. “Nous devons nous organiser pour qu’il y ait un débat, et pas des hurlements”, cadre Stéphane Akoka, qui compte bien s’appuyer sur les études scientifiques réalisées autour la question pour contrer les fantasmes.
Dans son étude, l’Inserm consacre ainsi tout un volet à l’acceptabilité par les habitants d’un tel dispositif, en se basant notamment sur l’expérience parisienne :
“Malgré l’existence de troubles à l’ordre public avant l’inauguration, l’ouverture d’espaces de ce type visant explicitement à réduire les troubles à la sécurité et à la tranquillité publiques n’en reste pas moins une tâche délicate. Aux yeux de l’opinion publique, les salles de consommation peuvent sembler cautionner la consommation illicite de drogues. Certains riverains craignent également qu’elles n’attirent dans le quartier des populations marginalisées, auxquelles ils associent à des images d’opprobre moral.”
L’argumentaire des opposants à ces dispositifs, notent encore l’Inserm, tient même en un acronyme bien connu dans le milieu de la réduction des risques, mais aussi de l’urbanisme : NIMBY, pour Not in my backyard, littéralement “pas dans mon arrière-cour”. Pourtant, une autre étude citée par l’Inserm, menée sur l’une des premières salles jamais ouverte, à Vancouver, au Canada, balaie les craintes des riverains : “les analyses concluent que l’ouverture de la salle de consommation n’a pas entraîné une augmentation ou une diminution significative des délits (liés directement ou non à l’usage de substances ou leur commerce). Cependant, une légère augmentation des déambulements autour de la salle a été observée au fur et à mesure du temps”, peut-on y lire. Rien qui puisse, a priori, mettre en danger “le reste du monde”.
*Le prénom a été changé pour conserver l’anonymat
Commentaires
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Sympa le Bruno Gilles vis à vis de Patick Padovani.
Que voulez vous ,nous avons un cas typique ici du complexe d’infériorité du visiteur médical face au docteur en médecine.
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On ne se refait pas!
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oui, c’est consternant.
que gilles ait besoin d’exister on peut l’admettre (d’autant que son allégeance à macron a fait bizarre pour ses électeurs), mais peut être aurait il pu choisir un autre sujet pour se faire remarquer.
je comprends fort bien les inquiétudes des riverains, mais les études autour de ces salles prouvent quand même que les nuisances importantes et décriées sont une vue de l’esprit.
et puis “Certains riverains craignent également qu’elles n’attirent dans le quartier des populations marginalisées, auxquelles ils associent à des images d’opprobre moral.” finalement, ils se prennent pour qui ces riverains ?
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Même pas de concertation avant !!! C’est purement scandaleux sur la forme.
La mairie du 4/5 n’a que le mot concertation à la bouche mais se laisse imposer ce projet nécessaire mais si mal ficelé.
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La concertation n’est valable que pour les équipements destinés au plus grand nombre.
Si vous posez la question “voulez-vous une salle de shoot en bas de chez vous” pas sur que la population vote “oui”.
En revanche il faut de l’information. Et rassurez vous, entre les travaux, l’arrêté préfectoral, etc. ça va prendre au moins un an (voire 2), largement le temps d’informer la population.
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Pas étonnant que la France reste loin derrière en matière de prévention et loin devant en matière de trafic et de consommation.
Regardez l’exemple du Portugal et réfléchissez avec le coeur et la raison.
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