Rebond épidémique ou pas, la CMA-CGM rappelle ses 2300 employés dans la tour Saadé
Ce lundi, le premier employeur privé de Marseille a appelé les employés de son siège à revenir travailler dans la tour Jacques-Saadé où il a son siège. Tombée quelques jours avant sans explication, cette décision met fin à la mise en place d'un système de télé-travail alterné. Cela sème l'inquiétude chez les salariés alors que l'épidémie connaît une forte progression à Marseille.
Depuis la découverte d'un foyer épidémique en août, le port du masque est obligatoire dans toute la tour. Photo : B.G.
L’annonce est brutale. Vendredi soir, par un mail envoyé aux salariés de la CMA-CGM qui travaillent tous les jours au siège marseillais du premier armateur français, la direction a mis fin au dispositif de télé-travail installé quelques semaines auparavant :
“Nous avons décidé de reprendre nos activités en présentiel au sein de la Tour à compter du lundi 14 septembre 2020.”
D’un trait de plume numérique, cette circulaire fait revenir l’entreprise à l’organisation qui avait cours avant la découverte d’un foyer épidémique qui, début août, faisait du siège de la CMA-CGM un des sept clusters du département, comme Marsactu l’a révélé. Pendant plusieurs semaines, les quelques 2300 salariés de la tour étaient appelés à rester chez eux une semaine sur deux selon un dispositif alternant de “shift” permettant de diviser par deux la présence de salariés dans cet immeuble de grande hauteur.
Vague d’inquiétude chez les salariés
Aussitôt envoyé, ce message a déclenché une vague d’inquiétude chez les salariés, sommés de revenir travailler à la tour, alors que Marseille est en plein rebond épidémique, suivi de près par les autorités sanitaires. “Une partie des salariés n’arrivait déjà pas à comprendre pourquoi on devait alterner une semaine sur deux alors que les indicateurs de l’épidémie sont inquiétants, raconte Mathilde*, une salariée qui témoigne sous couvert d’anonymat. Là, on a tous reçu ce mail, une demie-heure avant que le premier ministre s’exprime sur les territoires en zone rouge. Et on nous renvoie dans la tour, le jour même où le préfet doit décliner les nouvelles mesures restrictives.”
Si le préfet, Christophe Mirmand, n’a pas poussé ce curseur (lire notre article sur les mesures annoncées), il a rappelé que “chaque fois que cela est possible, le télétravail doit être privilégié”. Un message qui n’est pas parvenu jusqu’au premier employeur privé de la ville.
Douze dans l’ascenseur
La salariée appelée à revenir au siège dès lundi craint notamment la promiscuité dans les ascenseurs et dans l’espace de restauration. “Pendant tout le temps du shift, nous n’étions pas censés être plus de six dans l’ascenseur et du jour au lendemain, cela passe repasse à douze, sans que l’on comprenne pourquoi”. Même si le masque est imposé partout et les ascenseurs rapides, cette promiscuité inquiète. De même que l’étalement du temps de restauration de 11 h 30 à 14 heures avec un roulement par étages.
L’annonce n’a pas non plus ajouté de la douceur dans le dialogue social. En effet, les organisations syndicales n’ont pas apprécié de voir cette nouvelle tomber au lendemain d’une réunion de la commission sécurité et santé et conditions de travail (CSSCT) au cours de laquelle la rumeur de la fin du télétravail alterné a été évoquée. “La directrice des relations sociales nous a répondu qu’à ce jour, il n’était pas prévu de stopper ce système, raconte Valérie Parrat, la déléguée syndicale Force ouvrière. Et tout cela pour qu’on apprenne le lendemain que la mise en place du télétravail était tout bonnement annulée, sans plus d’explication.”
Aussitôt, le syndicat a publié un tract électronique au ton plutôt acide : “Décidément notre direction a vraiment du mal avec la communication de crise. Amateurisme, inconscience, manque de respect ? Nous sommes partagés. Peut-être est-ce les trois.”
Pourtant au moment de la mise en place de ce télétravail alterné, le ton de la direction était celui de la prévention, bien avant que les indicateurs sanitaires passent au rouge dans le département :
“En raison de l’évolution permanente de la situation sanitaire et afin de permettre d’anticiper la continuité de nos activités tout en limitant le nombre des collaborateurs simultanément présents dans l’établissement, l’entreprise confirme l’application des shifts jusqu’à nouvel ordre.”
Discipline collective
Le message diffusé vendredi en fin de journée est sensiblement identique. Il appelle les salariés à faire preuve d’une “grande discipline collective” tant dans le cadre professionnel que personnel.
Dans une réponse à La Provence qui fait état de ce retour brutal, la direction passe curieusement sous silence la découverte du cluster, pourtant confirmé par l’agence régionale de la santé (ARS) à Marsactu. Le vice-président en charge de l’administration Joël Gentil évoque “un sas” mis en place pour gérer le retour des congés.
Pourtant le télétravail a été mis en place le 11 août, soit cinq jours après la publication de notre article faisant état de huit cas positifs à l’intérieur de la tour. Une situation alors suivie de près par l’ARS comme a pu le confirmer publiquement son directeur adjoint, Sébastien Debeaumont.
Dans sa réponse à Marsactu, le groupe CMA-CGM rappelle que ces mesures sont prises “sur la base d’un avis médical, en lien étroit avec les autorités sanitaires et les organisations syndicales“. Or, à l’ARS, on évoque plutôt une décision relevant strictement du champ de l’employeur. Quant aux représentants syndicaux que nous avons contactés, ils disent avoir été mis devant le fait accompli.
En appui de sa mesure, la direction du groupe indique que la tour n’est pleine “qu’aux deux-tiers” permettant ainsi une “application stricte de l’ensemble des mesures sanitaires”. Seule concession faite aux annonces du préfet, ce lundi, la mise en place d’un jour supplémentaire de télé-travail pour les salariés “tant que la situation sanitaire le nécessitera”. Quant au “présentiel”, il persistera jusqu’à nouvel ordre.
*Le prénom a été changé à la demande de l’intéressée
Commentaires
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Assez incompréhensible en effet, notamment pour ce qui est des ascenseurs…
J’espère que les mesures en place seront de nature à éviter la circulation du virus tant au sein de l’entreprise que de la Ville, puisque plus de 2000 salariés y vivent et se déplacent dans Marseille. J’imagine que les autorités sanitaires et la Préfecture auront une vigilance particulière et prévoient des mesures d’anticipation. Je m’interroge tout de même sur le pouvoir que pourrait exercer la CMA face aux institutions au regard du poids que l’entreprise représente en nombre de salariés et de business à l’échelle locale. Il me revient en tête la phrase de notre Président au début de l’épidémie “nous sommes en guerre” et malheureusement dans ce cas là, nombreux sont ceux qui serviront de chair à canon. Vivement que tout cela rentre dans l’ordre, mais il va falloir attendre et porter des masques et maintenir les gestes barrières partout et tout au long de la journée.
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Et dire que le Préfet vient de nous expliquer qu’il est dangereux de rencontrer plus de dix personnes en famille !!!
Pour ce qui est de l’argument de la CMA concernant l’occupation au deux tiers de la Tour il montre bien les limites des décisions du Préfet car on oublie que ces 2300 personnes vont arrivées en bus, en métro, en tramway se déplacer dans le quartier mais cela ne relève pas de la responsabilité de l’entreprise
Contrairement à ce qui a été écrit je trouve les marseillais très disciplinés au vue de l’incohérence des mesures prises
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Comment fonctionne l’air conditionné dans la tour ? Un facteur supplémentaire de risque ?
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Quand on voit comment le port du masque et la distanciation sociale sont respectés dans les quartiers denses de la ville et dans nombre de bars et restaurants, quant on voit aussi le manque de sérieux des élus qui demandent toujours plus de souplesse et en renvoyant sur l’Etat pour les sanctions, on peut se dire que la peur de la contagion est à géométrie très variable, comme si le SRAS-cov2 était moins virulent dans les moments de plaisirs que dans les activités que l’on aimerait éviter !
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Au moins la situation sanitaire permet-elle de constater la richesse et l’adaptabilité de la langue française : nous avons du “présentiel”, du “distanciel”, et même dans certains cas du “démerdentiel”.
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je réutiliserai votre terme dès demain, merci
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Pour mémoire le premier employeur à Marseille c’est la ville. Cela dit ne vautrait il pas mieux écrire et dire : « distanciation physique » plutôt que distanciation sociale, Celle-ci avec les barrières sociales, la fracture sociale, n’a pas eu besoin du coronavirus pour exister. À Marseille
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La gestion très familiale, voir népotique, du groupe n’est pas une nouveauté. Il sera difficile cependant de conserver un rang mondial avec ce type d’organisation …
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