Ravier jugé pour diffamation raciale : “je ne fais que réaffirmer ma position sur le sujet”

Actualité
le 12 Mai 2023
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Le sénateur comparaissait ce vendredi pour des propos tenus en 2022 sur le réseau social Twitter. Il y accusait l'immigration de "tuer la jeunesse de France".

Stéphane Ravier devant le palais de justice de Marseille le 12 mai 2023. (Photo : Ilies Hagoug)
Stéphane Ravier devant le palais de justice de Marseille le 12 mai 2023. (Photo : Ilies Hagoug)

Stéphane Ravier devant le palais de justice de Marseille le 12 mai 2023. (Photo : Ilies Hagoug)

“L’immigration tue la jeunesse de France.” Cette phrase, Stéphane Ravier, la tweete le 11 juillet 2021, après le meurtre en banlieue parisienne de Théo, 18 ans, par un homme de nationalité sénégalaise. Une nouvelle fois, le sénateur et conseiller municipal Reconquête de Marseille est à la barre du tribunal correctionnel pour s’expliquer sur ses propos.

L’enquête avait été ouverte par le parquet après un signalement de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui dénonçait l’association entre un fait-divers meurtrier et l’immigration. Une formulation qui pourrait cocher les cases du délit de diffamation* à raison de l’origine, de l’appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, et pour laquelle il risque jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende.

Mais ce vendredi, Stéphane Ravier arrive assez tranquillement au palais de justice. Il se dit “étonné” de devoir répondre devant la justice, tant, pour lui, la phrase ne pose pas de problème. Que ce soit durant son audition par les services de police, lorsqu’il est interrogé par Marsactu ou devant la présidente du tribunal, il n’en démord pas : “Je dénonce la politique d’immigration, pas l’ensemble des étrangers, ou des migrants, vous appelez ça comme vous voulez.”

Si mon mouvement politique était raciste, il serait interdit.

Stéphane Ravier

“J’ai un cœur, contrairement à ce que certains croient, et par exemple lorsqu’il y a le drame de la rue d’Aubagne, je n’ai pas cherché à savoir si les victimes étaient françaises ou pas”, jure-t-il. Si Stéphane Ravier a déjà fait face à la justice pour ses sorties, notamment face à Samia Ghali, propos pour lesquels il a été relaxé, c’est la première fois qu’il est poursuivi pour un délit à caractère racial. Ce qui sera largement souligné par son avocat comme preuve que ce tweet est le rappel d’un positionnement que la loi n’a pas réprimé en trente années de militantisme.

L’élu résume : “Si mon mouvement politique était raciste, il serait interdit”. L’avocat de la Licra, Serge Tavitian, s’empresse de rebondir avec un sourire : “Quel mouvement politique, déjà ?”. En 2022, Stéphane Ravier a en effet quitté le RN pour Reconquête, dont le fondateur, Éric Zemmour, a été condamné pour provocation à la haine raciale en première instance, sur des propos comparables – condamnation dont il a fait appel.

“Je ne vois pas où est la démarche raciste”

Ce tweet est pour le sénateur l’illustration de son devoir de personnalité publique : “Face à ce drame je réagis en tant que père, en tant qu’être humain, mais aussi en tant que représentant politique. C’est mon devoir, comme le ministre de l’Intérieur, de dénoncer ces évènements, qui sont nombreux. Je rapporte le fait que l’agresseur est étranger. Ce n’est pas moi qui le dis, je le lis dans la presse”.

La présidente l’interpelle sur son intention : souhaitait-il par ce tweet créer la polémique ? “Pas du tout, je ne fais que réaffirmer ma position sur le sujet, qui n’est pas nouvelle. Je dénonce un phénomène, et Twitter ne permet pas de s’exprimer en longueur. Mais rien ne dit dans ce tweet que l’ensemble des étrangers sont des criminels. Il est parti vite, pour commenter une actualité”.

Face aux questions des représentants des parties civiles, les questions fusent, mais l’élu reste ferme : “Je ne me souviens plus des circonstances de la publication de ce tweet, mais que ce soit moi ou mon collaborateur chargé de s’en occuper, il correspond à mes convictions. Je ne vois pas où est la démarche raciste, je ne vois pas comment on peut lire cette phrase et penser qu’une race est attaquée.”

“C’est une obsession chez vous”

“Lanceur d’alerte de pacotille”, “charognard de l’actualité”, “boutiquier de l’immonde”. L’avocat Alain Lhote, en ouverture pour La maison des potes, se montre incisif. Il parle d’un sénateur qui aurait fait des faits-divers son “fonds de commerce”, moins intéressé quand ils sont commis par “ce que vous appelez des Français de souche. Comme vos mentors qui ont été condamnés pour leurs propos similaires, c’est une obsession chez vous”.

Il invite l’élu d’extrême droite à deux lectures. Celle des monuments aux morts pour la France pour se rendre compte de la proportions d’immigrés. Puis à analyser une étude récente du Centre d’études de prospectives et d’informations internationales, rattaché à Matignon, qui a affirmé le 21 avril dernier : “aucune étude ne trouve d’effet de l’immigration sur la délinquance”. Stéphane Ravier réagit pour la première fois, et lève les yeux au ciel.

Il s’agit d’une récupération populiste, de jouer avec la peur en insistant sur les étrangers.

Serge Tavitian, avocat de la Licra

Serge Tavitian, pour la Licra, n’est pas surpris pour sa part que le parquet ait décidé d’ouvrir une enquête. “Il s’agit d’une récupération populiste, de jouer avec la peur en insistant sur les étrangers. Est-ce là le rôle d’un sénateur ? Bien entendu, les politiques peuvent et doivent parler d’immigration, je crois qu’ils ne s’en privent pas. Mais il ne faut pas dépasser les bornes définies par la loi.” Lui aussi donne du travail de relecture : “Vous qui êtes très attaché aux valeurs chrétiennes de la France, je vous invite à relire les Évangiles.” De quoi faire bondir Stéphane Ravier, qui est invité à ne pas interrompre l’avocat, dans une scène en rappelant d’autres déjà vues au conseil municipal.

La plaidoirie de la Licra insiste sur la gravité possible de l’association entre fait divers et un groupe de personnes. Il fait référence à l’édito tristement resté dans les mémoires, daté du 26 août 1973 paru dans Le Méridional : “Assez de voleurs algériens, assez de casseurs algériens, (…) assez de syphilitiques algériens, assez de violeurs algériens, (…), assez de tueurs algériens”.

L’avocat de la Ligue des droits de l’homme, Amine Abdelmadjid choisit d’employer un ton sarcastique cher au sénateur d’extrême droite. “Je suis content de vous voir ici M. Ravier, ça donnera l’occasion de montrer que la justice n’est pas laxiste contrairement à ce que vous affirmez régulièrement”. Et continue sur le même ton au sujet de son avocat adverse, qui cite la jurisprudence Orelsan dans ses conclusions. “Peut-être allez-vous nous confesser une carrière de MC après le Sénat ? Soyons sérieux”.

Les parties civiles sollicitent toutes des amendes allant de l’euro symbolique à 10 000 euros, et insistent surtout pour une peine d’affichage, qui obligerait l’élu à rendre publique la condamnation dont il a été l’objet, à ses frais.

Le parquet requiert 1000 euros d’amende

Le procureur intime les parties civiles à ne pas lancer d’injures, ou à parler de propos qui n’ont pas été prononcés par l’accusé. “Il a reconnu être l’auteur de ces propos. Nous sommes ici pour appliquer le droit, et sans ambigüité, la communauté immigrée est désignée par les propos de M. Ravier”. 1000 euros d’amende sont requis par le parquet, à la déception des parties civiles.

Pierre-Vincent Lambert, conseil de Stéphane Ravier, s’est montré régulièrement agacé à l’écoute des propos des parties civiles. Lorsque vient son tour de s’exprimer, il appuie les propos de son client : “J’ai l’honneur de défendre M. Ravier, comme le veut la formule consacrée, mais je pense sincèrement qu’il n’a pas particulièrement besoin d’être défendu aujourd’hui. Les propos correspondent à une réalité, tout a été dit. Lorsqu’elle signale au procureur ce tweet, la Licra doit peut-être justifier ses subventions.”

Il rappelle que la Cour européenne des droits de l’Homme protège la liberté d’expression, en particulier par des représentants politiques sur les sujets d’intérêt général : “Je vois que certains ici se sentent heurtés, choqués par cette phrase. J’ai envie de leur dire que c’est leur problème : la CEDH protège ce type de propos, même lorsqu’ils contiennent une certaine dose d’exagération”. Un point sur lequel l’avocat de la LDH avait ironisé, rappelant les nombreuses sorties de M. Ravier contre cette institution, “mais aujourd’hui, vous cherchez à vous cacher derrière elle”.

Qu’importe, l’avocat de la défense finit par alerter la présidente sur le précédent que sa décision pourrait créer : “Si vous lancez ce signal, qui consiste à censurer toute critique de l’immigration, vous allez être submergée de procédures !”. Il finit par citer les nombreux tweets qui ont mentionné “La police tue” ces derniers mois, et sollicite la relaxe totale de son client. Il devra attendre le 7 juillet pour le jugement.

Actualisation le 13 mai à 11 h 45 : les faits reprochés à Stéphane Ravier sont susceptibles de relever du délit de diffamation à caractère racial et non d’injure, comme nous l’écrivions dans un premier temps.

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Commentaires

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  1. Peuchere Peuchere

    Maître Lhote a le droit à l’insulte (“Lanceur d’alerte de pacotille”, “charognard de l’actualité”, “boutiquier de l’immonde”) et un Elu n’a pas le droit d’exprimer une opinion ?
    J’avoue que je ne partage pas les idées de Monsieur Ravier. Par contre, qu’est ce j’aime la liberté d’expression !

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Exprimer son racisme ne relève pas de la liberté d’opinion, c’est un délit. Dura lex, sed lex. Les propos de Maitre Lhote ont été tenus dans le tribunal (et non sanctionnés par le président du tribunal) et non sur un réseau social.

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  2. MarsKaa MarsKaa

    “La communauté immigrée” je ne sais pas ce que c’est.
    “L’immigration tue”, je ne comprends pas de qui on parle : mes grands parents italiens ? Mes amis russes et polonais ? Le copain ukrainien et la copine d’origine chilienne de ma fille ? Les parents commoriens de mon infirmière ?

    Les racistes xenophobes sont des cretins. Ils ne veulent pas savoir les faits, ce sont des ideologues. Qui s’amusent. Avec la vie des autres.

    L’avocat a de jolis mots “charognard de l’actualité”, “boutiquier de l’immonde”. Moi j’aurais juste prononcé une insulte… (mais je ne suis pas avocat).

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