Procès HMP : l’ex-femme de Renaud Muselier nie avoir été favorisée pour obtenir des marchés

Actualité
le 18 Sep 2024
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Avocate du bailleur social de la Ville de Marseille, Stéphane Clément avait vu son chiffre d'affaires gonfler avec l'arrivée d'un proche de son mari à la tête de HMP. À la barre, elle a défendu ne devoir ses contrats qu'à la qualité et au faible coût de ses prestations, loin de toute influence du président du conseil régional.

Stéphane Clément et son avocat Erick Campana. Photo JML.
Stéphane Clément et son avocat Erick Campana. Photo JML.

Stéphane Clément et son avocat Erick Campana. Photo JML.

De sa profession d’avocate, Stéphane Clément a gardé le noir et blanc de la tenue, mais elle n’a pu revêtir la robe. Ce mardi 17 septembre, c’est bien à la barre du tribunal judiciaire de Marseille que se dresse la juriste de 59 ans. “Je suis avocate depuis trente-trois ans : c’est très désagréable, je suis très contrariée d’être là”, lâche-t-elle. Un procès douze ans après sa mise en examen, qui lui laisse une heure pour tenter de convaincre le tribunal de son innocence et laver son honneur. Les accusations dont elle a à répondre sont plutôt simples à résumer : avoir été, au début des années 2010, l’avocate favorite du bailleur social Habitat Marseille Provence (HMP) alors qu’un très proche de son mari le dirigeait. Une affaire presque aussi embarrassante pour elle que pour Renaud Muselier.

Aux yeux de l’instruction, il s’agit d’un recel de prise illégale d’intérêts. Le directeur d’alors, Jean-Luc Ivaldi, est un collaborateur historique de Renaud Muselier, l’actuel président du conseil régional. Il lui doit sa carrière et son poste actuel : directeur de la Société du canal de Provence, un satellite de la région. La brigade financière a mis la main sur un document qui indique que, quelque temps après son arrivée en poste en novembre 2008, il a demandé que “60 %” des contentieux locatifs soient confiés à Stéphane Clément, au détriment des autres avocats habituels de l’office. Une répartition qui durera plusieurs années, malgré le recrutement par appels d’offres de sept conseils, dont Stéphane Clément. Pour l’accusation, sa proximité avec l’élu plaçait Jean-Luc Ivaldi dans une situation telle qu’il aurait dû s’abstenir de prendre part à toute décision concernant son épouse. Et à leurs yeux, Stéphane Clément n’aurait pas dû accepter.

“Je n’ai jamais voulu qu’il y ait d’amalgame”

L’accusation d’une promotion par copinage ulcère Stéphane Clément : “À vous entendre, j’ai le sentiment d’être une incapable et que je n’ai pu travailler que grâce à mon mari.” Aux enquêteurs, elle a décrit son parcours : celui d’une jeune femme indépendante qui passe le bac en candidat libre, suit des études de droit à Grenoble en ayant déjà deux enfants à charge, et finit par intégrer le barreau en 1991. Elle exerce à Marseille sans jamais changer de nom : “J’exerce sur mon nom de jeune fille parce que je n’ai jamais voulu qu’il y ait d’amalgame, parce que je n’ai jamais voulu qu’on vienne me chercher pour mon nom.” 

Stéphane commence, rappelle-t-elle, à travailler à HMP en 1995. Le tribunal ne relèvera pas qu’il s’agit de l’année lors de laquelle la droite rafle la mairie de Marseille, alors autorité de tutelle du bailleur. “Au départ, c’étaient des consultations en droit du travail puis en contentieux locatif”, précise-t-elle.  Elle jure avoir constaté l’augmentation des dossiers traités sans la lier avec l’arrivée d’un nouveau directeur général proche de son mari : “Je vois que j’ai plus de dossiers, mais je ne me pose pas de question. J’ai toujours eu des dossiers, eh bien, j’en ai un peu plus. Je ne me vois pas aller demander aux gens pourquoi j’ai plus de dossiers. Je dis merci, je prends, je fais.”

Pour appuyer son propos, elle se dépeint en compagne éloignée du monde politique, incapable de tout réseautage profitable : “Je n’ai pas aimé la vie politique, c’est en partie responsable de l’échec de mon couple. J’avais quatre enfants, nous avions une vie sociale un peu chargée, je n’avais pas le temps pour la politique. Je ne faisais que ce qui était obligatoire. J’allais aux vœux du maire, aux vœux du 4/5, aux meetings de campagne électorale. Je faisais plaisir à mon mari en l’écoutant.” Du fait de cette distance, elle assure ne s’être jamais liée d’amitié avec Jean-Luc Ivaldi.

Les justifications de Jean-Luc Ivaldi, les doutes de ses prédécesseures

Sa collaboration avec HMP a pu lui rapporter jusqu’à 60 000 euros par an. Mais elle n’a, jure-t-elle, jamais abusé des fonds de l’office : “J’ai facturé selon un barème qui m’avait été fourni”, à savoir “152,45 euros par dossier”, un tarif finalement “arrondi à 160 euros”. “Maître Clément était la moins chère, compétente et réactive, abonde Jean-Luc Ivaldi, qui lui succède à la barre. C’était une gestion en bon père de famille de confier un plus grand nombre de dossiers à Maître Clément. Il me semblait qu’en termes de charge de travail, 60 % était le maximum de ce qu’elle pouvait absorber.”

Reste que la nécessité des prestations pose question, ainsi que le relèvent deux autres prévenues. “Ce sont des procédures simples, tous les organismes HLM que je connais, les services y allaient directement. Il n’y avait pas de valeur ajoutée à faire intervenir des avocats”, estime Nicole L’Hernault, ancienne directrice générale qui avait rendu à ses services la gestion des contentieux locatifs. “Ces contentieux, c’est quasiment des copier-coller. C’est pratiquement toujours la même trame. On s’était rendu compte qu’en internalisant, ça nous coûterait moins cher sans perdre en qualité de la prestation”, renchérit sa successeure Nicole Richard. Jean-Luc Ivaldi dira quant à lui avoir voulu “évaluer la pertinence” du dispositif en remettant 50 % des dossiers entre les mains des avocats de l’office.

Nicole L’Hernault se souvient des confidences de Bernard Oliver, ex-président de l’office lui aussi renvoyé devant le tribunal et élu de la majorité Gaudin, lors de leurs habituels petits-déjeuners du mardi : “Il m’expliquait que l’autorité de tutelle lui demandait de faire travailler Maître Clément. C’était de l’information. Ça fait partie du contexte politique local, qui est très particulier.” L’intéressé ne démentira pas. Renaud Muselier n’a quant à lui jamais été interrogé dans le cadre de la procédure.

“Je n’ai pas connaissance de quoi que ce soit”, martèle Stéphane Clément, qui terminera son audition les yeux embués. Ce mercredi, c’est aussi sur cette absence de conscience de tout coup de pouce que devrait notamment insister son avocat, Erick Campana. Avant lui, Stéphane Clément aura entendu les réquisitions du procureur Mathieu Vernaudon. Elle encourt une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

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Commentaires

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  1. Dark Vador Dark Vador

    Il ne se passera rien de très fort, pénalement parlant, nous en sommes tous persuadés. Comment peut-il en être autrement?. Toutes et tous se tiennent par la barbichette dans le microcosme Marseillais. Cette pantalonnade judiciaire va vite se clore (douze longues années quand même), et le manège va pouvoir continuer de tourner…

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  2. Sandra Blanchard Sandra Blanchard

    2024. Effarant ! On pense encore, on juge une femme avocate devant un Tribunal correctionnel, parce que si on lui confie des dossiers c’est nécessairement parce qu’elle est la femme d’un mari puissant. Une femme, une avocate brillante, une mère de famille indépendante, non aux yeux de certains rétrogrades cela est impossible. Ce qui la détermine à leurs yeux c’est la qualité de son mari. On la juge parce que si elle réussit cela ne peut pas être grâce à son talent ou son travail, c’est la femme d’un homme politique donc cela ne peut être que par piston… triste constat mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour changer ces mentalités rétrogrades encore si ancrées.

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    • julijo julijo

      vous n’en faites pas un peu trop là !!

      Vous êtes avocate, vous pensez sérieusement que le tribunal judiciaire de marseille pourrait poursuivre si toutes les preuves n’étaient pas réunies de prise illégale d’intérêt. Vous le croyez vraiment !
      Vous avez bizarrement bien peu de confiance dans la Justice !!
      Elle a bénéficié de toute façon de certains avantages, c’est l’enquête qui l’a déterminé.

      Se protéger en invoquant un quelconque sexisme à son égard, et des mentalités rétrogrades est un peu cavalier et surtout hirs de propos. Gardons notre empathie et notre soutien à cet égard pour les femmes qui le méritent parce qu’elle le subisse réellement !

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    • RML RML

      Sérieusement ? Vous êtes son avocate? Et le conflit d’intérêt ? Le fait qu’elle soit brillante, incompétente, ou ce qu’on veut n’a rien à voir…
      Il y a suspicion de conflit d’intérêt ! En tant qu’avocate brillante elle aurait dû le savoir, non?

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    • barbapapa barbapapa

      Si elle est si brillante que ça, le b a ba, c’est de savoir s’éloigner du soupçon de prise illégale d’intérêt

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    • Néo Marseillais circonspect Néo Marseillais circonspect

      Me Blanchard fait, aussi, de la politique, et s’adresse aussi (surtout ?) à ses clients :

      Marseille : de jeunes militants de droite posent la première pierre d’une union pour les municipales de 2026
      Par Mathilde Ceilles
      Publié le 29/02/2024 à 19:14, Mis à jour le 01/03/2024 à 15:48

      Le mouvement a été lancé par Sandra Blanchard, proche de Sabrina Agresti-Roubache, et Romain Simmarano, directeur de cabinet de Renaud Muselier à la région.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Vous êtes *vraiment* avocate, en jetant ainsi à la poubelle tout le travail des enquêteurs et des juges ? Ou seulement politicienne, en utilisant de grosses ficelles pour défendre un clan ?

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    • Moaàa Moaàa

      Dixit la femme de Laurent choukroun, ex directrice de cabinet de sabrina Agresti-Roubache, grande chouchoute de vassal et ses “NOUVELLES GÉNÉRATIONS”😁, avocate de synergie family ou le directeur n’est autre que… choukroun. Une question Sandra CHOUKROUN, euh pardon, Blanchard, des rumeurs sur un déficit d’argent public de olusieurs millions d’euros chez SYNERGIE? Vous confirmez?

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      @julijo vous répondez à Sandra Blanchard. Je ne vais pas vous faire sa bio ici mais son discours est tout de même poilant. Ah, la droite marseillaise, toujours prête à jouer la comédie de l’outrage quand prise la main dans le pot de confiture.

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    • Sandra Blanchard Sandra Blanchard

      @Moaa et ça continue ! Pour tirer sur une femme, on la ramène à son mari 🤦🏼‍♀️ bienvenu en 1960 …😅

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    • Moaàa Moaàa

      @Sandra blanchard/choukroun vous bottez en touche et ne repondez pas, 20 millions d’euros de déficit d’argent public a SYNERGIE FAMILY, donc notre argent et avocate de cette même association, conflit d’intérêt? Et pire, le parti de sabrina agréer roubache a son siège à l’adresse de monsieur choukron, prise illégale d’intérêt ? Merci

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  3. Rascar capac Rascar capac

    Pourquoi continuer à l’appeler Stephane, c’est Stephanie le prénom de cette dame.

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      Alors. Face aux commentaires récurrents, j’ai demandé à l’intéressée qui m’a toujours été présentée comme Stéphane. C’est bien son prénom d’usage, elle ne doit le “Stéphanie” qu’à l’intransigeance de l’état civil en 1965. Mais elle a bien été nommée Stéphane toute sa vie.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Stéphane, comme Dominique ou Camille, est un prénom épicène : il se genre aussi bien au masculin qu’au féminin.

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  4. BRASILIA8 BRASILIA8

    L’enquête a été lancée par la Mission interministérielle du logement social sur de possibles malversations au sein de l’Office d’HLM
    La Miilosest est sans doute un repère vieux machos qui s’en prennent qu’au gentille avocate

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  5. Patafanari Patafanari

    Le jour où Stéphane a rencontré Muselier, elle aurait mieux fait de se casser une jambe. Au palmarès des ex les plus collants, le Renaud ne doit pas être loin des premières places.

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    • Néo Marseillais circonspect Néo Marseillais circonspect

      “au bénéfice du doute”…

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Peuchère, ce n’est pas le procureur qui décide mais le tribunal

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  6. Moaàa Moaàa

    Et graineuse avec ça !!!!! QUE de trafics chez ces bailleurs sociaux. Il nous tarde la suite du feuilleton preziosi/M.Z pour mohamed Zelmat, le neveu de sa nièce qui travaille elle même au service de l’urbanisme de ville de Marseille. Tè!! on devrait regarder de ce côté là,aussi. @Marsactu on veut la suite, merci 😉 ET aussi l’affaire des procurations de notre sainteté moraine

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  7. Thais Thais

    La bave aux lèvres de certains commentateur s, fait assez pitié…je plains vos vies

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  8. Dark Vador Dark Vador

    Mon premier commentaire était donc le bon… J’avoue : j’ai une boule de cristal! 😂😂😂

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    • julijo julijo

      oui, vous aviez raison. mais visionnaire, certes, par contre pas vraiment besoin d’une boule de cristal ! l’expérience suffit !!

      l’entre-soi est une philosophie, et il faut continuer à avoir de bons rapports avec ces élus ; on n’hypothèque pas l’avenir.

      sans rapport direct, je m’étonne quand même du conmpte rendu d’audience de carrega, qui semble avoir bien morflé, bizarrement !

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