Pour leurs dix ans, les dix pôles de compétitivité de la région ne veulent pas mourir

Décryptage
le 26 Sep 2016
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Avec la suppression des PRIDES et la création des opérations d'intérêt régional, les dix organismes regroupant des entreprises par filières s'inquiètent de leur sort et surtout des financements à venir.

Le Petit Arbois qui accueille le Pôle Safe
Le Petit Arbois qui accueille le Pôle Safe

Le Petit Arbois qui accueille le Pôle Safe

Optitec, Terralia, Pass… Ces noms ne vous disent sans doute rien. Ce sont les jolis noms des pôles de compétitivité. Ça n’éclaire pas franchement le sujet. En résumé, il s’agit d’organismes le plus souvent à statut associatif qui regroupent les acteurs d’une filière économique. Optitec regroupe les entreprises et centres de recherche spécialisés dans l’optique et la photonique. Terralia est le pôle de compétitivité de l’agro-alimentaire. Pass regroupe autour de Grasse les acteurs de la parfumerie, des senteurs et des arômes. À l’origine, la création de ces pôles devait permettre de concentrer les financements publics et d’organiser les filières par région.

Dix ans plus tard, les pôles de compétitivité n’ont pas sorti les cotillons pour fêter leur anniversaire. L’époque est plutôt à la disette. Le ministère de l’économie les trouve trop nombreux et trop coûteux. Pour les plus petits pôles, une disparition à très court terme est envisagée.

Pour survivre, certains pôles ont choisi la fusion. Celui qui est peut-être le plus connu d’entre eux, Pégase, dédié à l’aéronautique, s’est marié en décembre dernier avec le pôle “Risques” pour devenir “Safe” qui compte désormais plus de 600 membres, entreprises et unités de recherche. Pas sûr que cela suffise : le coup de semonce de Bercy n’est pas le seul tour de vis.

La perte des financements des CG

Au plan national, deux éléments supplémentaires sont venus les déstabiliser : la fusion des régions a fait que certains pôles à cheval sur plusieurs villes, se sont retrouvés aussi tiraillés entre deux régions. La réforme territoriale a fait de la région la collectivité cheffe de file en matière de développement économique. Ce faisant, les pôles de compétitivité ont perdu le financement d’autres collectivités, comme les départements.

“Nos structures sont pour la plupart des associations, explique Sylvie Marquet, directrice du pôle Trimatec, dédié aux procédés industriels propres et sobresNous nous interrogeons sur le financement public pour 2017, chaque année jusqu’ici nous avions une perspective de calendrier”. Avec la loi Notre, les conseils départementaux n’auront plus le droit de financer les pôles. “C’est 675 000 euros en 2014, 546 000 en 2015 et zéro demain, s’inquiète Patrick Baraona du Pôle Mer PACA. Comment allons nous faire de l’animation?” 

Impossible en revanche de savoir le budget global des 10 pôles provençaux. Les budgets de fonctionnement sont assez variables : d’un million d’euros annuels par exemple pour le Pôle Eau qui emploie onze équivalents temps plein à six millions pour le pôle Safe qui compte vingt-cinq permanents.

Augmenter la part du financement en propre

Tous les pôles de PACA ont signé en 2013 un contrat de performance sur cinq ans avec des objectifs chiffrés en termes de création d’emplois. Ce document cadre prévoyait ainsi pour un pôle comme Pégase, (avant sa fusion avec le pôle Risques) 15 000 emplois créés “dans les entreprises adhérentes” et 5000 “par un effet d’entrain”. Ce même document note que pour la période 2007-2013, 4400 emplois avaient été créés dans les entreprises membres. Entre 4400 emplois créés et l’objectif affiché pour 2018, les exigences des financeurs sont montées d’un cran. Et à mi-parcours aucun acteur ne communique encore sur les résultats des entreprises du secteur accompagnées.

Il est aussi demandé depuis des années aux pôles d’augmenter la part d’autofinancement au maximum afin de pallier le recul du soutien de l’État et des collectivités. La plupart du temps, l’objectif est fixé autour de 50%. “La part des cotisations des entreprises membres est marginale, explique Jean-Loïc Carré du Pôle Eau. Ce sont les prestations que nous réalisons qui nous rapportent le plus, notamment l’accompagnement de demande de financement au Fonds unique interministériel pour des projets de recherche et développement (R&D)”. Mais, là encore, pas sûr que cela permette de compenser la baisse des crédits publics.

Une lettre collective en juillet

Les directeurs des pôles de compétitivité de la région ont donc écrit au président de région en juillet pour l’alerter sur leur situation. Christian Estrosi rappelle en effet à qui veut l’entendre que ces pôles sont une de ses créations quand il officiait au ministère de l’industrie. En réponse, la région qu’il préside désormais organisait donc une après-midi intitulée “Quel avenir pour nos pôles de compétitivité?” au technopole de l’Arbois, le 15 septembre dernier. La question était purement rhétorique puisque l’événement était l’occasion pour Christian Estrosi de rappeler aux présidents et directeurs de pôles de compétitivité provençaux son attachement à leurs structures. Mais à la région aussi, une révolution est en cours dans le maquis des dispositifs d’aides aux entreprises.

Deux décisions de la droite régionale ont achevé de jeter le trouble : l’annonce de la suppression progressive des PRIDES (Pôles Régionaux d’Innovation et de Développement Economique Solidaire) lancés en 2007 par Michel Vauzelle et l’arrivée, dans ce micmac d’outils institutionnels au service des entreprises, des “OIR”, opérations d’intérêt régional que le président LR a annoncées en grande pompe fin mai sans que leur contour ne soit encore clair. “C’est de l’aménagement du territoire, défend Christian Estrosi. Cela ne touchera en aucun cas aux financements de l’innovation”. Pour ses OIR, le président de Région a évoqué un budget d’un milliard d’euros, sans préciser pour l’heure la part de sa collectivité.

3% d’augmentation des financements de la région

En soutien aux pôles de compétitivité, la région a voté en juin 4,2 millions d’euros de subventions. “Une augmentation de 3%, plus de 110 000 euros”, se satisfait Christian Estrosi qui assure que ce budget sera également en hausse en 2017. Mais cette petite hausse n’est pas de nature à compenser la perte de financement ressenti par ailleurs.

Du point de vue de l’ancienne majorité, le soutien de la région n’est pas aussi marqué qu’il aurait du l’être.”Christian Estrosi a cassé tout un travail qu’on venait de faire en 2013-2014, avec une évaluation, des priorités stratégiques, des budgets, des feuilles de route, commente Sophie Camard, l’ancienne présidente (EELV) de la commission du développement économique à la région. Que vont devenir les priorités de la feuille de route régionale qui étaient la responsabilité sociale des entreprises, l’implication des pôles sur l’articulation emploi-formation ? Le budget annoncé de 4 millions d’euros est inférieur à celui que nous avions sous le mandat précédent, qui avait déjà été restructuré suite au changement de mode de financement public/privé”. L’ancienne majorité votait en effet le budget des pôles avec celui des PRIDES.

Les pôles de compétitivité, dont certains étaient labellisés PRIDES, devraient a priori participer au fonctionnement du nouveau dispositif créé par Christian Estrosi. “La Région nous a demandé de nous positionner sur les opérations d’intérêt régional”, explique Jean-Michel Dumaz, responsable sécurité au Pôle Safe. Certains pôles de compétitivité étaient PRIDES, ils participeront demain aux OIR, soutenus par l’ARII et le FIER. Christian Estrosi avait promis de simplifier les dispositifs publics d’aide aux entreprises. Pour l’heure, ce sont juste les sigles qui changent.

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Commentaires

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  1. JL41 JL41

    Pourquoi ces pôles de compétitivité auraient-ils à s’inquiéter pour leur survie ? Dix ans, c’est peut-être le moment de s’interroger sur l’impact qu’ils ont eu dans les filières concernées ? Vous pensez bien que ceux qui ont eu un impact sur la compétitivité de ces filières et l’emploi ne vont pas être relégués. Il faut de temps en temps des évaluations indépendantes et si nécessaire des changements de stratégie.

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