Pollution au chrome VI à Saint-Louis : un rapport pointe le retard de la Ville pour informer

Actualité
le 20 Mar 2020
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Le commissaire-enquêteur a rendu son rapport concernant la pollution des eaux souterraines au chrome VI dans le 15e arrondissement. Au-delà des recommandations de suivi sanitaire et d’information de la population, il souligne le délai de 6 ans entre la découverte de la pollution et le décret municipal informant les riverains.

Photo : NH
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L’enquête publique sur le dossier de la pollution des eaux souterraines aux Aygalades portait sur l’institution de « servitudes d’utilité publique » (SUP). Un dispositif légal qui permet d’interdire l’utilisation des puits et forages d’une zone définie, et pour lequel le commissaire-enquêteur a émis un avis favorable. Ce dernier commence donc par préciser que la « question sort du cadre de l’enquête » pour d’aborder le sujet de la très lente réaction de la mairie de Marseille pour prendre un arrêté municipal sur le sujet. Et donc informer les habitants que l’eau sous leurs pieds était polluée. « L’étonnement, pour le moins, du public est cependant compréhensible, s’agissant d’une pollution des eaux souterraines par le chrome VI qui est un produit toxique, cancérogène et mutagène », écrit ainsi le commissaire enquêteur. « Si on peut comprendre les délais pour bien identifier les causes de la pollution, y mettre fin, établir le plan de gestion, le dossier d’enquête, il reste que la mise en œuvre de dispositions transitoires (…), demandée par la préfecture à la Ville de Marseille en avril 2015 (pour une signature seulement en mars 2019), aurait permis de gagner plusieurs années. »

Le rapport rappelle ainsi le déroulé des faits : après la découverte de la pollution au chrome VI en septembre 2013 dans le tunnel du Soulat puis l’identification d’une fuite d’une cuve de l’entreprise PMA comme en étant à l’origine, des prélèvements autour de l’usine sont effectués entre 2014 et 2015, tandis qu’une première campagne d’identification des puits et forages est réalisée. Face à l’inaction de la Ville sur le sujet, le Préfet fait au printemps 2015 un courrier à la mairie pour lui demander de restreindre l’usage des eaux souterraines… Mais il faudra attendre mars 2019 pour que, suite à une relance des services de la Préfecture, un décret municipal dans ce sens soit enfin pris. « Il y a des délais qui s’expliquent, d’autres un peu moins », avait de la même manière remarqué le représentant de la Direction régionale de l’environnement et de l’aménagement et du logement (Dreal) lors d’une réunion publique en janvier dernier. Celle-ci portait justement sur le sujet, et l’inaction de la mairie centrale y était déjà pointé. Une inaction largement dénoncée, aussi, par les listes d’opposition, notamment par la liste écologiste Debout Marseille, lors des dernières semaines de la campagne des municipales.

« Afin de tirer de ce cas les enseignements utiles, je recommande aux services de l’État d’organiser un retour d’expérience sur ce dossier, en y associant tous les partenaires (services de l’État et notamment la DREAL et l’ARS), la Ville de Marseille (au niveau central et au niveau de la mairie de secteur) et l’entreprise », conseille le commissaire-enquêteur dans les conclusions de son rapport.

Analyses de sang et d’urine

Au-delà de cette « pique » à destination d’une municipalité en fin de course, on trouve dans le rapport plusieurs recommandations concernant le suivi de la pollution et de ses conséquences sanitaires. L’étude épidémiologique, réclamée par une bonne partie des 52 personnes, habitants ou représentants d’associations, qui se sont exprimées au cours de l’enquête publique du commissaire-enquêteur, ne semble pas envisageable : « la condition d’un échantillon de population suffisamment important ne semble pas remplie, vu le faible nombre de personnes utilisant l’eau des puits pour leurs besoins », fait valoir le commissaire-enquêteur, se basant sur l’avis rendu par l’Agence régionale de santé (ARS) sur le sujet. Mais il souligne que l’ARS a répondu favorablement à sa demande d’un courrier envoyé aux médecins libéraux et hôpitaux du secteur pour « attirer leur attention sur les risques sanitaires liés au chrome VI ».

Les habitants des quartiers concernés pourront également se faire prescrire, aux frais de l’entreprise PMA, des analyses de sang et d’urine pour détecter la présence du composé cancérigène, comme le préconise l’ARS dans un mail du 6 mars adressé au commissaire-enquêteur. « C’est plutôt une bonne nouvelle, même nous n’allons évidemment pas nous précipiter dans un laboratoire ces jours-ci ! », réagit Emilie, dont la maison est située dans le périmètre d’un kilomètre concernée par la pollution.

Dépollution

Mis à part ces quelques annonces concernant le contrôle sanitaire des effets de la pollution, le rapport préconise évidemment la poursuite des prélèvements et analyses conduits jusqu’ici par l’entreprise PMA et la DREAL. Le commissaire-enquêteur suggère la création d’un « comité de suivi associant les services de l’État, de la Ville de Marseille, l’entreprise et les associations dont les CIQ», pour que les résultats des analyses soient systématiquement communiqués au public, « en toute transparence » cette fois-ci. Analyses qui doivent être, selon lui, effectuées par des « organismes indépendants ». Il se félicite donc de la décision de PMA et de la DREAL, de remplacer les laboratoires missionnés jusqu’ici par PMA pour mener les prélèvements par « un organisme choisi par l’administration », afin de lever la méfiance d’une partie des habitants sur la fiabilité des mesures effectuées.

Dernière recommandation du commissaire-enquêteur : mettre en œuvre des « mesures de dépollution du site, en application des préconisations du plan de gestion de 2018, (…) dans les meilleurs délais ». Le plan de gestion en question examinait plusieurs solutions techniques, notamment celle consistant à injecter du bisulphite dans les sols et eaux souterraines polluées pour transformer le chrome VI en chrome III, qui lui n’est pas nocif. Le départ de l’entreprise du site des Aygalades, prévue d’ici deux ans, devrait grandement faciliter ces opérations de dépollution… dont la facture lui sera forcément adressée, en vertu du fameux principe du « pollueur payeur ».

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Chère NINA , concernant la ville de Marseille , le terme à employer serait la désinformation et non pas information.

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