Plan de relance, le grand fourre-tout

Décryptage
le 18 Fév 2021
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Les 100 milliards d'euros du plan de relance du gouvernement font saliver les collectivités. Dont la métropole Aix-Marseille-Provence qui vote ce jeudi les contours de son contrat avec l'État pour espérer grappiller quelques financements. Mais entre les attentes et les réalités des conditions d'attribution, le flou règne.

La métropole voudrait voir financer l
La métropole voudrait voir financer l'automatisation du métro par le plan de relance. (Photo JV)

La métropole voudrait voir financer l'automatisation du métro par le plan de relance. (Photo JV)

Des millions par-ci, des millions par-là. Le plan de relance et ses financements sont sur toutes les lèvres des élus depuis plusieurs mois. Il faut dire qu’en temps de restriction budgétaire et de crise sanitaire, l’enveloppe de 100 milliards promise par le gouvernement ressemble à une manne tombée du ciel pour les collectivités. Quelques semaines après le contrat de plan d’avenir État-Région (CPER), dont un tiers du montant annoncé dépend du plan France Relance, c’est au tour de la métropole Aix-Marseille (AMP) de dégainer son contrat avec l’Etat. Si dans la forme les deux démarches semblent similaires, dans les faits la déception risque d’être à la hauteur des attentes.

C’est quoi ce nouveau contrat ?

Un appel de fonds. Le nom n’est pas vraiment original mais a le mérite d’être clair. Avec son contrat métropolitain, la présidente d’Aix-Marseille-Provence Martine Vassal veut décliner à son échelle le CPER. Il s’agit donc d’une feuille de route politico-financière de la collectivité pour laquelle l’Etat s’engage à mettre la main au portefeuille sur certains projets.

Je suis allée à l’Élysée pour savoir si c’était un effet d’annonce. Mais ils sont déterminés, ils ont de l’argent à disposition. Dans le cadre des appels à projets, je leur ai demandé de faire un contrat État-Métropole-Département, sur le même modèle que le contrat d’avenir État-Région, pour ne pas être obligée de taper à toutes les portes. Jean Castex y est plutôt favorable“, a expliqué Martine Vassal à Made in Marseille.

À l’échelle des territoires, donc de la métropole, on ne parle pas de CPER mais de contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Voilà pour la forme administrative. Dans les faits, il s’agit ni plus ni moins que d’un appel du pied pour trouver des financements. “Le plan de relance est à destination des entreprises, elles peuvent en bénéficier de manière indirecte avec la commande publique mais ce n’est pas comme le CPER qui est destiné à la région”, nuance Benoît Mournet, sous-préfet à la relance pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Ce contrat métropolitain s’étend jusqu’en 2027. Sauf que pour l’instant, le document n’a de contrat que le nom puisqu’il n’engage que la métropole. Ce qui signifie que les projets qui y sont listés sont simplement candidats aux crédits du plan de relance. “Seul un cofinancement partenarial exceptionnel permettra de concrétiser les projets déjà identifiés“, lit-on d’ailleurs dans le document de 35 pages.

Au total, ce sont donc 185 opérations “à financer” qui y figurent pour un investissement total de 3,88 milliards d’euros. Un montant qui englobe tous les financements d’un projet, y compris ceux des autres collectivités. Par exemple, la restructuration de l’anse du Pharo fraîchement relancée coûte 11,2 millions d’euros mais la métropole ne participe qu’à hauteur de quatre millions d’euros.

Qu’y a-t-il sur la liste de Martine Vassal ?

À peu près tout. Pour bénéficier des crédits du plan de relance il faut présenter des projets prêts. “Ils doivent être mûrs avec des travaux qui peuvent être lancés cette année“, souligne Benoît Mournet. L’argument n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Sur les 185 projets de la métropole, elle en présente 164 “prêts à démarrer dans les deux ou trois ans“.

La longue liste se découpe en onze thèmes : transports et mobilité, transition écologique, politique publique et attractivité, santé, gestion des risques, port et littoral, habitat et cohésion sociale, développement économique, culture et sport, urbanisme, et enfin alimentation. C’est le transport qui réunit le montant le plus important avec 2,3 milliards d’euros de projets prévus.

Dans le détail, tout y passe, peu importe la taille de l’opération et si elle rentre dans la compétence directe de la métropole. On trouve ainsi dans cette longue liste des travaux d’aménagements du pôle aéronautique d’Istres mais aussi la médiathèque de Cornillon-Confoux. Certaines grandes opérations bien connues sont également mentionnées comme l’extension du tramway à Marseille dont l’enquête publique a eu lien fin 2020, l’automatisation du métro présentée en janvier et qui doit arriver d’ici à deux ans ou encore la réhabilitation de quatre écoles incluse dans un grand plan d’urbanisme élaboré il y a deux ans.  “Il n’y a pas de restriction quant à la nature de l’activité concernée par le projet“, précise Benoît Mournet.

Dans certains cas, cela ressemble plus à un effet d’aubaine comme la réhabilitation d’une nef au chantier naval de La Ciotat pour laquelle un appel d’offre avait échoué l’été dernier. Autre cas, celui de la restauration de l’aqueduc de Roquefavour débutée en juin 2020. “Si l’État finance, cela me permet de financer d’autres projets, et d’accélérer“, soulignait Martine Vassal dans Made in Marseille.

Quelles sont les règles fixées par l’État ?

Nous accompagnons des projets qui sont déjà dans les tuyaux mais qui n’ont pas pu se concrétiser faute de trouver les financements. Le taux de participation sera de 80 à 100%“, tempère le sous-préfet Benoît Mournet. Et pour les collectivités qui espéraient monts et merveilles de ces CRTE, Benoît Mournet calme le jeu : “Il ne permet pas non plus de financer des projets de l’envergure de l’extension du tramway à Marseille”.

Tant pis donc pour la longue liste de courses de la métropole. “Elle vote son agenda de projets, mais nous essaieront de trouver des financements par divers biais“, assure toutefois Benoît Mournet. Le représentant de l’État affirme aller à la rencontre des collectivités pour “lever les malentendus” autour du plan de relance mais aussi leur présenter les autres outils de financements… et rencontrer des entreprises.

Est-ce de l’argent supplémentaire ou pris ailleurs ?

Les deux. Les modalités du financement ne sont pas encore très claires. Seule certitude, l’enveloppe pour la région Paca est de 180 millions d’euros. “Nous pouvons prendre des crédits du CPER (ndlr : qui possède un volet métropolitain de 49 millions d’euros), c’est souple, explique Benoît Mournet. Le CRTE c’est pour formaliser l’investissement de l’État et dire aux territoires que nous ne les avons pas oubliés. D’où vient l’argent, c’est de la cuisine”.  Et visiblement les collectivités ne connaissent pas encore bien la recette.

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Commentaires

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  1. raph2110 raph2110

    Depuis quelques années maintenant, l’Etat propose de financer des projets mais le cadre est toujours flou au départ et s’affine progressivement face aux contraintes administratives, réglementaires et budgétaires. De même la proposition nationale ne permet pas de prendre en compte la diversité des territoires, lesquels ne sont pas tous à la même échelle et ne sont également pas confrontés aux mêmes difficultés. Il serait beaucoup plus intéressant pour les territoires que l’Etat adopte des critères clairs de répartition financière de l’aide qu’il souhaite apporter, en fonction de la population, du niveau socioéconomique des habitants, des besoins (largement déjà repérés) et qu’il donne le temps nécessaire pour bâtir des propositions. Au mois de Février les collectivités ont déjà défini leur budget et cet appel à projet (toutefois bénéfique) vient modifier les projections initiales. De plus, les réponses sont attendues par l’Etat dans des délais toujours très courts. De fait comme les collectivités manquent toujours de financement pour avancer dans leurs projets, que le cadre reste flou et qu’il faut aller vite, ça se termine le plus souvent par un saupoudrage qui ne permet pas de sortir des projets structurants.
    Il serait judicieux que l’Etat face preuve de plus de sérieux en préparant suffisamment en amont ses appels à projet/appels à candidature, travaille dans des logiques de territoire et donne du temps pour sortir des projets de qualité. C’est encore plus vrai quand on nous dit que le mur de la dette est gigantesque et que les générations futures vont en pâtir. Il revient à l’Etat de s’assurer que tous les paramètres sont réunis pour lancer les divers dispositifs dans les meilleures conditions et il lui revient la responsabilité d’une bonne gestion des financements qu’il alloue.

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  2. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Avec ces deux articles du jour La métropole et la Ville de Marseille relancent leur dialogue de sourds » et « Plan de relance, le grand fourre-tout » il apparait, sauf erreur, que
    – dans le fameux « contrat » proposé par la Métropole gérée par Mme Vassal (« je »), la contribution de l’état serait de 4,61 % (rapport des chiffres des citations 1 et 2), c’est-à-dire pas grand-chose. Autrement dit beaucoup de bruit pour rien ou plutôt pour préparer les élections départementales et régionales.
    – que la part des projets PACA éligible dans le « plan de relance » national ne représente que 0,18 %, c’est-à-dire encore moins que pas grand-chose. Où vont donc passer les 100 000 000 000 € du fameux « plan de relance » national ?
    1. « Seule certitude, l’enveloppe pour la région Paca est de 180 millions d’euros. » (Rémi Baldy le 18 Fév 2021)
    2. « Ce jeudi, Martine Vassal et Benoît Payan s’opposeront sur le contrat à 3,9 milliards proposé par la métropole à l’État. » (Julien Vinzent le 18 Fév 2021)
    3. « Les 100 milliards d’euros du plan de relance du gouvernement font saliver les collectivités » (» (Rémi Baldy le 18 Fév 2021)

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    • raph2110 raph2110

      Vous avez raison, c’est le plus souvent de grands effets d’annonces, inversement proportionnel face aux financements alloués par l’Etat.

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