Vote des noyaux villageois contre vote des cités, le duel à distance de Lelouis et Kessaci
Les deux candidats qualifiés pour le second tour dans la 3e circonscription ont chacun bénéficié du net regain de participation, mais dans des bureaux souvent distincts. Pour ravir le siège à la sortante RN, le candidat de la gauche devra lui aussi percer de Montolivet à Château-Gombert.
(Infographies : Julien Vinzent / Marsactu)
Le record de Stéphane Ravier est pulvérisé. Avec près de 20 000 voix au premier tour, ce 30 juin 2024, la députée RN Gisèle Lelouis a réalisé une performance inédite dans la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône. Dans ce Nord-Est de Marseille (13e, une partie du 12e et du 14e), le sénateur et ex-maire des 13/14 avait failli être député il y a 12 ans, dans un second tour au cordeau contre la socialiste Sylvie Andrieux, dépassant les 17 000 voix. Mais c’était un record de second tour. Au premier tour, lors des trois derniers scrutins, les candidats FN puis RN avaient dû se contenter de 10 000 voix au mieux. Plus souvent 7000.
Ici, le regain de participation observé à l’échelle nationale pour ces législatives anticipées prend une résonance particulière : avec 37 % de votants en 2022, dans cette circo, la démocratie avait touché un point bas. Celui où la députée finalement élue est adoubée par moins d’un électeur sur dix au premier tour. Le 30 juin, Gisèle Lelouis a montré qu’elle n’était pas entrée à l’Assemblée à la faveur du concours de circonstances d’un scrutin délaissé par les électeurs républicains.
+ 25 points de participation entre deux législatives
Face à elle, avec près de 17 000 voix, Amine Kessaci est, lui aussi, porté par une poussée franche pour tenter d’emporter une première victoire à gauche depuis dix ans dans ce territoire qui fut longtemps une forteresse socialiste. En 2022, le candidat de l’union de la gauche Mohamed Bensaada (LFI) n’avait pas récolté la moitié de cette moisson aux allures de scrutin présidentiel – le seul qui mobilise massivement les classes populaires.
Les résultats des européennes du 9 juin avaient déjà constitué un signal, avec 47 % de participation, mieux qu'aux deux derniers scrutins législatifs. Trois semaines plus tard, plus de 11 000 électeurs supplémentaires se sont déplacés, portant ce taux à 61,4 %. Là encore, le RN a prouvé que les regains de participation pouvaient lui profiter. Gisèle Lelouis améliore de 5751 voix le score de Jordan Bardella, bien aidée par la déconfiture de Reconquête. Au total, l'extrême droite engrange l'équivalent de 37 % des bulletins supplémentaires. La gauche n'est pas en reste avec l'équivalent de 35 % des bulletins, dans une circonscription où la majorité présidentielle se rétablit moins qu'ailleurs de sa gamelle européenne.
Une géographie électorale marquée
Ce découpage presque égal d'un gâteau électoral qui grossit n'est qu'une moyenne. Au niveau des bureaux de votes, les chiffres sont souvent plus tranchés, reflets de la géographie électorale de cette circonscription, où plusieurs mondes coexistent. Ces lignes de partage ne sont pas nouvelles. "C'est la madone des cités, je suis le député des noyaux villageois", marronnait Stéphane Ravier après sa défaite face à Sylvie Andrieux, en 2012. En début d'année 2024, une mission parlementaire avait remarqué que l'école au profil sociologique le plus favorisé de la ville, l'établissement privé Lacordaire, est situé à seulement 300 mètres de celle où les élèves sont issus des familles les plus en difficulté, le groupe scolaire Saint-Just-Corot.
Non loin de là, dans le bureau n°1335 de Malpassé-Les Oliviers, Amine Kessaci engrange 647 voix, soit 190 de plus que les listes de gauche aux européennes. Entre ces deux scrutins, 227 électeurs supplémentaires se sont déplacés. L'extrême droite n'y gagne que neuf voix. Ce même schéma d'une poussée profitant quasi exclusivement à la gauche se retrouve aux Oliviers, à Frais Vallon et, dans une moindre mesure, dans une dizaine des 71 bureaux de vote de la circonscription. Autour du campus de Saint-Jérôme, d'autres progressions moins hégémoniques se lisent, comme autour de la cité U Les Balustres (+115 voix pour la gauche, +47 pour l'extrême droite).
Source des contours des bureaux de vote : Céline Colange, Laurent Beauguitte et Sylviano Freire-Diaz, 2013, Base de données socio-électorales Cartelec (2007-2010), http://cartelec.univ-rouen.fr/. Seize bureaux de vote ont été créés en 2024 et n’apparaissent pas sur cette carte. Certains contours ont aussi pu évoluer.
À l'autre bout du spectre, à Montolivet et dans une large zone autour de Château-Gombert, Gisèle Lelouis construit patiemment son avance. Les écarts ainsi gagnés sont souvent plus modestes en valeur absolue, une centaine de voix tout au plus en additionnant avec Reconquête, plus souvent autour de 70, mais ils s'étalent sur un large pan de la circonscription.
C'est aussi dans ces zones plus pavillonnaires que la candidate Ensemble parvient à franchir la barre des 15 %. Amine Kessaci y trouvera-t-il un électorat nouveau ? C'est à cette condition qu'il sera député. Des cités, comme des noyaux villageois.
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merci pour cet article et analyse précise !
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