Nathalie Laclau, pionnière marseillaise de la lutte contre l’amiante dans les écoles
Nathalie Laclau milite depuis cinq ans pour défendre les victimes de l'amiante dans l'éducation à travers l'association l'Avalé 13, qu'elle a fondée. Alors que son combat devrait mener sous peu à la publication des diagnostics de toutes les écoles marseillaises par la Ville, rencontre avec cette enseignante retraitée, mais très engagée.
Nathalie Laclau lors du rassemblement du personnel du collège Alexandre Dumas jeudi 6 juin devant la DSDEN 13 (Photo : AC)
“Je voulais être maîtresse d’école pour effacer le tableau”, se souvient en riant Nathalie Laclau, attablée à une terrasse de la place Sébastopol. Après avoir réalisé son rêve d’enfant et désormais retraitée, le combat contre la poussière se poursuit chez l’ancienne enseignante, mais cette fois-ci, contre les fibres d’amiante.
En 2019, un an avant son départ, Nathalie Laclau fonde l’Avalé 13, l’association de défense des victimes de l’amiante dans l’éducation. La même année, on avait diagnostiqué des plaques pleurales – des dépôts fibreux sur la plèvre causés par l’exposition à l’amiante – chez une camarade rencontrée lors de ses études, Marie-Josée de la Cruz. Reconnue comme souffrant d’une maladie professionnelle à l’automne 2023, cette ancienne professeure de la Savine, dans le 15ᵉ arrondissement marseillais, est décédée le 30 mars 2024 à l’âge de 62 ans. Voilà donc cinq ans que Nathalie Laclau voue son temps à l’accompagnement de celles et ceux qui, dans la sphère éducative, sont exposés à ces fibres cancérogènes.
Dans une première vie, Nathalie Laclau, bordelaise d’origine, a d’abord été représentante pour un laboratoire pharmaceutique. C’est après avoir patienté sans succès deux longues heures dans la salle d’attente d’un médecin, à espérer présenter ses médicaments entre deux patients, qu’elle en sort excédée. De retour à sa voiture, elle pousse finalement les portes de l’inspection académique, devant laquelle elle était garée, et implore à l’accueil : “Dites-moi ce qu’il faut faire pour être institutrice ?” Quelques mois plus tard, elle devient professeure et passe presque toute sa carrière en maternelle à Marseille : à l’école Pommier (3e), puis Abbé-de-l’Épée (5e), avant de devenir directrice à l’école Vincent-Leblanc (2e). Là-bas, elle côtoie la professeure Maud Feynas, qui se rappelle de Nathalie Laclau comme d’une directrice solide. “Elle mène son combat sans faire de vague, avec intelligence et c’est ça que j’aime chez elle”, décrit l’actuelle maîtresse en grande section, qui souligne aussi son altruisme et sa justesse.
Le documentaire “Amiante, nos écoles malades”, signé Mathilde Cusin et Martin Boudot et diffusé en mars 2024 dans l’émission Vert de rage sur France 5, a mis en lumière le travail mené par l’association. Sa première bataille, l’Avalé 13 la livre au collège Versailles, qui a été visé par un projet de démolition en 2019 à cause de sa vétusté et qui a depuis été reconstruit sous le nom de Joséphine-Baker. Avec les syndicats, Nathalie Laclau accompagne alors la lutte des enseignants. Ces derniers, inquiets par les poussières libérées par le chantier, demandent le déplacement des cours en raison du risque amiante.
C’est à ce moment-là que l’enseignante fait la connaissance de Jean-François Negri, syndicaliste à Sud Éducation. En septembre 2023, il adhère à l’association l’Avalé 13. Ensemble, ils montent des formations intersyndicales à destination du personnel scolaire pour sensibiliser au risque amiante et collecter des informations techniques sur le sujet. “Je suis en contact quasi constant avec elle, explique Jean-François Negri. On se réveille avec ses SMS et ses mails et c’est très agréable parce qu’on ne se sent pas isolé !”
Elle est le trait d’union de tous ceux qui travaillent sur les questions de l’amiante
Jean-François Negri, enseignant
Enseignant d’histoire-géographie au collège Auguste-Renoir (13e), le syndicaliste vante la capacité de sa collègue à rassembler. Mais aussi son “courage” dans le suivi des victimes de l’amiante. “Elle est le trait d’union de tous ceux qui travaillent sur les questions de l’amiante”, décrit Jean-François Negri.
De longue date, Nathalie Laclau est sensibilisée à ces dangers, notamment par son compagnon, Guy Dubost, rencontré à son arrivée à Marseille, il y a une quarantaine d’années. Ce dernier a travaillé aux chantiers navals de la Ciotat, à Marseille, puis dans la métallurgie à Arles. “Il n’a pas été victime, mais il a passé son temps à enterrer des collègues”, déplore-t-elle. Lui-même a fondé une association de victimes de l’amiante (Avapa), à Arles. Tous deux ne se sont jamais mariés : Nathalie Laclau affirme fièrement n’avoir de compte à rendre “ni au maire, ni au curé”.
Travaux pratiques
Un an après leur lancement, les formations menées par Nathalie Laclau portent déjà leurs fruits. Elle qui a toujours sa carte à la CGT s’amuse du caractère très méthodique de ce public de profs : “On fait la leçon, ils rentrent et ils font les travaux pratiques”. La situation récente au collège Alexandre Dumas (14e) en est le meilleur exemple. Deux semaines seulement après la formation prodiguée par l’association de Nathalie Laclau, les professeurs ont demandé à accéder aux dossiers technique amiante (DTA) de leur établissement. Ils y ont constaté la mention explicite d’amiante dans les sols des couloirs et de plusieurs salles de cours. Depuis le 28 mai, leur forte mobilisation a permis quelques avancées. Le département des Bouches-du-Rhônea annoncé la mise en sécurité des élèves et du personnel pour le brevet, ainsi que le lancement de travaux dès cet été.
Dans le même temps, la Ville de Marseille vient d’annoncer mettre en place des formations, via la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), pour certains de ses agents. Elles concerneront en priorité les agents de prévention du rectorat, et les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (3SCT). Dès le mois d’octobre, la formation sera élargie aux directeurs et directrices d’établissement.
Depuis sa création, l’Avalé 13 est accompagnée par le cabinet d’avocats spécialisés Teissonniere, Topaloff, Lafforgue, Andreu et Associés (TTLA), le même qui suit les dossiers environnementaux à Fos-sur-Mer. “On a fêté la création de l’association à mon cabinet”, confie l’avocate Julie Andreu, qui salue la “patience” de Nathalie Laclau, sa cliente. “Ce qu’elle fait est tout à son honneur. Je la sens extrêmement investie, même si elle fait face à un mur”, ajoute l’avocate.
Les demandes d’accès aux dossiers techniques amiante (DTA) qui n’aboutissent pas, la difficulté à mobiliser le personnel de l’éducation et les parents d’élèves, pris dans leur quotidien… Il y aurait de quoi décourager Nathalie Laclau. Alors pour garder le moral, la grand-mère de 66 ans travaille dès l’aube. “Légifrance, il faut quand même se le coltiner !”, sourit-elle. L’ancienne enseignante se réveille parfois naturellement à 4 h 30 lorsque “les rues sont calmes” et qu’“elles sentent encore bon” pour avoir l’esprit clair. L’après-midi, elle s’adonne au longe-côte du côté de la Pointe-Rouge avec ses copines ou elle s’occupe de sa petite-fille.
Monia Haddaoui, représentante CGT à la commission santé, sécurité et conditions de travail (3SCT), confirme la grande rigueur de son amie. “Son premier cheval de bataille, c’est le respect des textes”, décrit cette dernière, initiée à la lecture des dossiers techniques amiante par Nathalie Laclau.
Ne pas relâcher la pression
L’activité de l’association qu’elle préside est calée sur le calendrier scolaire. Dès la rentrée, les membres de l’association reprendront les formations syndicales avec une attention toute particulière sur Martigues cette année. “Il ne faut surtout pas relâcher la pression. S’il y a la pression, ça peut bouger, mais si on la relâche, je ne me fais pas d’illusion : on va revenir en arrière”, analyse Nathalie Laclau, consciente des enjeux. Une des revendications qu’elle porte depuis le début est l’accès aux fameux dossiers techniques amiante des écoles de Marseille.
“Du temps de Gaudin, c’était impossible d’avoir ces dossiers, nous n’avions aucune réponse, que dalle”, soupire-t-elle. Donc, dès l’arrivée du Printemps marseillais aux affaires, en 2020, Nathalie Laclau s’est adressée à Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au bâti des écoles. “Ça changeait tout. Il nous disait son intention d’être complètement transparent”, se rappelle Nathalie Laclau. Seulement, depuis le début de la mandature, la publication en “open data”, soit l’ouverture à tous, de ces fameux dossiers est sans cesse repoussée. Encore un peu de patience et Nathalie Laclau disposera d’une nouvelle mine d’information pour mener son combat.
Actualisation le 15 juillet 2024 : Contrairement à ce que nous écrivions dans un premier temps, aucun diagnostic n’a été publié à ce stade par la Ville de Marseille.
Commentaires
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Bonjour,
Merci pour l’article, vous indiquez ”Sur le site de la mairie de Marseille, ceux réalisés en 2021 sont désormais en ligne” en bas de page.
Pouvez-vous nous indiquer où les trouver s’il vous plait ?
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Bonjour, les DTA 2021 ne sont pas encore disponibles en open data, contrairement à ce qui avait été écrit dans un premier temps.
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Bravo ! Votre persévérance est admirable
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