MOH, l'artiste de la Soli rappe son manuscrit
MOH, l'artiste de la Soli rappe son manuscrit
Marsactu : Parlez-moi de votre travail à Soli musik ?
MOH : L'association organise depuis 2006 des ateliers d'écriture et de répétitions pour les jeunes. Elle soutient leurs projets musicaux – mais pas uniquement -, les aide à produire leur disque. C'est comme cela que j'ai pu réaliser le mien. La musique, c'est un peu comme leur psy. Avec Zamir, animateur à Soli musik, nous préférons qu'ils crachent leur haine de cette façon plutôt que dans la rue. On leur fait passer un message, "n'abandonne pas, sois le meilleur dans ce que tu fais". C'est d'ailleurs le sens de ma marque de fabrique, le mot "Abuzzz ", qui vient de "abuse", qui signifie "ne lâche pas".
Vous venez de sortir votre deuxième album, mais le premier en solo, Mon manuscrit. Comment êtes-vous venu à la musique ?
Je suis issu d'une famille comorienne qui m'a fait baigner dans la "black music", la musique africaine mais aussi américaine. Tout petit, on me faisait déjà monter sur scène. J'ai grandi avec le rap dans les oreilles.
Votre album paraît autobiographique. Dans la chanson Skyzofrène vous êtes en proie à un dialogue intérieur, entre le désir de poursuivre dans le rap et une petite voix qui vous souffle que cette route ne mène à rien…
C'est un réel questionnement auquel je me livre intérieurement, ces doutes constituent toute mon identité. Cet album est autobiographique mais cela va au-delà de ma seule personne. Plus généralement, j'exprime avec mes mots ce que beaucoup de gens éprouvent quotidiennement. Certains m'arrêtent dans la rue, y compris des mères de familles et elles me disent "Tu parles à notre place, tu dis ce qu'on ressent !" Cela me fait réellement plaisir…
Vous évoquez souvent le milieu du rap comme étant très ingrat et fermé. A travers votre album, on sent que vous nourrissez de la rancœur envers ceux qui ont tenté de vous rabaisser, mais aussi et surtout beaucoup de fierté. Mon manuscrit est un peu une revanche sur toutes ces difficultés ?
Le milieu du rap m'a mis une de ces rages, vous savez ! On a essayé de nous bloquer. Parfois, il suffit que l'on découvre que vous êtes originaire du quartier de la Solidarité pour qu'on ne vous rappelle jamais. Du coup, avec ma bande d'amis, on n'a rien demandé à personne et on a tout monté, ici, à Soli musik. On a même rassemblé nos économies récoltées durement pour financer un voyage à New-York, dans le ghetto d'Harlem – l'un des berceaux du rap – et créer notre premier clip, La rue. C'est une vraie fierté quand on voit "le boom" que déclenche l'album. Nous sommes des vrais passionnés et tous des autodidactes.
Dans l'un des titres vous dites que "le rap, c'est devenu le zoo" et vous opposez un rap "sexy" à un rap "véritable". Où vous situez-vous dans tout ça ?
Je prône un retour aux fondamentaux du genre, un rap qui nous ressemble, loin du tournant pris par un rap français en général qui s'est éloigné de ce que l'on vit. Le rap est né dans les ghettos américains, cela n'a rien à voir avec le rap commercial, "bling bling" que l'on voit partout. Je crois être le dernier espoir du rap marseillais. Je suis dans la revendication, mais ce n'est pas forcément une attitude négative. En fait je choisis un rap fort et dur pour attirer l'attention. Je me sens comme un boxeur. Toute la journée, j'encaisse les coups sans répliquer et quand je rentre en cabine pour enregistrer, là, je donne tout, je me décharge. En sortant, je me sens apaisé.
Les quartiers nord constituent l'un des thèmes phares de votre album. Vous y évoquez la violence sans tabou, "Marseille, c'est Gomorra " et en même temps on sent un réel attachement à ces lieux que vous avez du mal à quitter. Vous écrivez d'ailleurs dans l'une de vos chansons, Boule de nerfs, "Marseille est trop jalouse elle veut que je reste à la maison"…
Vous savez, je suis très inquiet de voir toutes les violences qui se passent dans les quartiers nord, les règlements de compte. Je trouve que c'est de pire en pire, d'ailleurs, je chante "les petits frères sont violents, finie la guerre des boutons". Mais je suis fier malgré tout d'être issu de La Solidarité. J'y ai appris beaucoup de choses : la violence, oui, mais aussi l'entraide et la fraternité. On ne parle pas assez des bonnes choses qui s'y produisent, des gens qui réussissent. Mais si j'en suis là aujourd'hui, c'est d'abord grâce à ma famille.
Et grâce au travail, non ? Vous évoquez souvent votre réussite, notamment dans le titre Cadillac, ou encore Ligne de mire où vous expliquez que vous n'avez pas à rougir du résultat d'un travail acharné… Vous dites : "Si tu me jalouses, c'est que tu m'admires, te trouve pas dans ma ligne de mire" ou encore, dans Boule de nerfs, vous écrivez : "Je suis la boule de nerfs qui va déclencher l'avalanche. Avec une feuille et un stylo, j'ai fait péter mes phalanges".
C'est vrai que la réalisation de l'album s'est révélée être un véritable parcours du combattant, avec de nombreuses embûches. J'ai sué pour y arriver ! J'ai arrêté l'école après le bac, et toute ma culture générale, je la dois au rap lui-même. J'ai énormément travaillé pour réussir, j'ai passé des nuits blanches à parcourir des pages et des pages de dictionnaire, des livres, des journaux pour enrichir mon vocabulaire, trouver les formules exactes. Moi qui ai toujours eu horreur de lire, j'ai finalement tout écrit.
Dans le titre Ligne de mire, vous écrivez : "Vous avez tué Malcolm, vous avez tué Luther, mais vous ne m'aurez pas car je ne suis pas communautaire". Et dans un autre titre, Arc-en-ciel, vous vantez l'aspect cosmopolite des quartiers.
Je suis fier de mes origines comoriennes, et j'admire ces deux personnalités historiques, leur combat, mais je n'appelle pas au repli sur soi. Je suis un adepte du choc des cultures, mais aussi du choc des classes sociales. La chanson Arc-en-ciel a été réalisée avec un choeur d'enfants du 8e arrondissement de Marseille, les Minots d'Orphée qui sont venus ici, à la Solidarité avec leurs parents un peu inquiets. C'était une expérience géniale… Je préfère m'attarder sur l'humain, pas sur son apparence.
Vous souhaitez servir de modèle pour les jeunes ?
Pas seulement pour les jeunes ! J'ai déjà trouvé un écho chez des pères de famille, des prisonniers aux Baumettes où je me suis produit en concert. J'ai essayé de leur faire croire, le temps du concert, qu'ils étaient à l'extérieur des murs de la prison… À la fin, certains sont venus me remercier. Par contre, je déteste la morale, je ne suis pas là pour juger, je suis là pour décrire les choses. Par exemple dans les Larmes du soleil, j'évoque l'engrenage d'un jeune issu des cités qui tombe dans l'argent facile. Mais je ne dis pas que ce n'est pas bien, je témoigne uniquement. Je me considère davantage comme un journaliste du bitume.
Mon manuscrit de MOH est en vente actuellement en ligne ou en magasin.
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Je connaissais pas. Le type a l air intéressant. Merci pour la découverte.
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