Quatre ans après un premier échec, Marseille va de nouveau expérimenter les emplois francs
Le gouvernement annonce l'expérimentation à Marseille des emplois francs. Ce dispositif d'incitation financière pour les entreprises qui embauchent dans les quartiers prioritaires avait déjà été testé à Marseille puis abandonné faute de résultats.
Façade d'un des bâtiments de la Castellane.
C’est le retour du franc. Pas la monnaie, version nostalgie FN, mais les emplois du même nom. Dans son discours consacré à la relance de la politique de la ville, ce mardi à Tourcoing, le président de la République, Emmanuel Macron, les a mis en avant parmi la batterie de mesures censée réduire les inégalités, notamment d’accès à l’emploi. Il s’agit d’une incitation financière destinée aux entreprises embauchant une personne habitant un quartier prioritaire (voir la carte ci-dessous).
L’entreprise recevra 5000 euros par an sur un maximum de trois ans pour une embauche en contrat à durée indéterminée et 2500 euros pour un CDD d’au moins six mois. “On n’aide pas l’endroit, on aide les personnes. On les aide à être mobiles”, a ainsi martelé le chef de l’État dans un discours au ton volontariste. Marseille fait partie des zones riches en quartiers prioritaires où le dispositif sera testé à titre expérimental dès les prochains mois.
“400 emplois francs à Marseille” : objectif 2013
Ce retour n’est pas une surprise car les emplois francs étaient une des rares mesures directement destinées aux quartiers populaires inscrites dans le programme du candidat Macron. Ce n’est pas une surprise non plus pour Marseille puisque la ville avait été choisie comme terre d’expérimentation des emplois francs… en 2013. Le ministre de la Ville d’alors, François Lamy était venu signer les deux premiers contrats à Marseille. Ceux-ci en appelaient beaucoup d’autres : “400 emplois francs sur Marseille et 2000 en France”, annonçait le ministre socialiste d’alors.
Las, testés dans 22 zones urbaines sensibles – auxquels ont succédé les “quartiers prioritaires” en 2014 – la mesure n’avait accouché que de 250 contrats signés sur tout le territoire français. Combien à Marseille ? Personne n’est vraiment capable de citer un nombre qui ne doit guère dépasser la dizaine. En revanche, dans les quartiers prioritaires marseillais, le chômage continue de dépasser les 30%. En 2014, près de 60 % des chômeurs marseillais habitaient les quartiers prioritaires.
“À l’arrivée de Patrick Kanner au ministère de la jeunesse, des sports et de la ville, la mesure a fait l’objet des premiers arbitrages en 2014, raconte Vartan Arzoumanian, collaborateur du ministre à l’époque et militant socialiste marseillais. Comme elle n’avait pas marché, il n’y a pas eu une grande réflexion avant d’y renoncer.”
Un dispositif élargi à tous les demandeurs d’emploi
“Mais ce n’est plus le même dispositif, défend Saïd Ahamada, député LREM de la 7e circonscription. À l’époque, les critères étaient très restrictifs. Il ne visait que les jeunes de moins de 30 ans, habitant un quartier prioritaire et au chômage depuis un certain nombre de mois. Désormais, la mesure s’appliquera pour tous les demandeurs d’emploi habitant dans les quartiers populaires.” Les critères précis devraient être connus dans les jours prochains. Mais le député assume le retour de cette expérimentation aux allures de discrimination positive.
“Pour que ce dispositif fonctionne, il faut communiquer auprès des entreprises du territoire et comprendre quels sont leurs besoins, reprend le député. Il faut aussi mieux outiller Pôle emploi pour qu’il y ait des solutions d’accompagnement adaptées. Enfin, cela passe aussi par un gros effort sur la formation professionnelle qui est un des objectifs du gouvernement”.
“L’accent sur l’emploi”
Vice-présidente chargée de la politique de la Ville à la métropole, Arlette Fructus (UDI) salue le discours et la méthode : “Enfin une expression du président sur les quartiers populaires, nous l’attendions, souligne-t-elle. Je suis également contente de voir que Jean-Louis Borloo [ancien ministre et dirigeant UDI] va œuvrer auprès du gouvernement sur cette question. L’important est que l’accent soit mis sur l’emploi que cela soit à travers les emplois francs, les contrats aidés ou les testings pour lutter contre les discriminations.” Même son de cloche pour le premier adjoint en charge de l’emploi (LR), Dominique Tian qui se dit favorable à cette mesure si on “simplifie l’usine à gaz du précédent dispositif”.
Ancien député socialiste de la 7e circonscription et toujours conseiller départemental du secteur, Henri Jibrayel se dit sceptique. Lui qui en son temps avait défendu le maintien des zones franches urbaines – où le critère était la localisation de l’entreprise et non le domicile du salarié – ne croit pas à un retour positif. “Ils veulent mettre à bas le vieux monde mais ils piochent dans la même boîte à outils en reprenant un dispositif qui n’a pas marché, constate-t-il. Si tel est le cas, ce n’est pas pour la seule raison des critères, mais parce que les entreprises restent réticentes à l’embauche des gens issus des quartiers populaires. Même dans les zones franches où il y avait un critère d’embauche local qui s’est durci, les gens ont préféré embaucher des gens qui venaient habiter sur place plutôt que des demandeurs d’emplois de la Castellane et de Plan d’Aou.”
Les détracteurs du dispositif pointent la faiblesse de l’aide financière. “Lissée sur 12 mois, la prime de 5000 euros n’est pas assez incitative pour les entreprises, constate Vartan Arzoumanian. Il aurait mieux valu s’en tenir à ce que signifie vraiment le terme franc et supprimer les charges pour les personnes venant des quartiers prioritaires.”
Dans la boîte à outils dévoilée ce mardi, figurent également le maintien des emplois aidés pour les associations situées en quartiers prioritaires et la poursuite de la garantie jeunes, un parcours d’accompagnement renforcé également expérimenté à Marseille dès 2013, puis sérieusement revu à la baisse dans ses objectifs.
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